
Je t'avais promis une réponse entre midi et deux. La voilà donc.
a écrit :les F n'acceptent plus une position volontaire d'opprimée
je ne pense pas qu'il s'agissent d'accepter volontairement l'oppression. non seulement parce que toutes les femmes n'en ont pas conscience (ou alors souvent parcellaire), mais encore céder à l'oppression n'est pas y consentir. :hinhin:
a écrit :disparaissent la guerre des sexes.
La " guerre des sexes " est une expression utilisée par les anti-féministes qui veulent effrayer les bons mâles par la domination imminente des femmes sur les hommes. Cette rhétorique en général repose sur des propos tels que " regardez les Etats-Unis, on peut plus draguer tranquille, tout de suite les femmes vous collent un procès ".
Au contraire, Kollontaï (ce qui fait notamment sa grande différence avec Zetkin) théorise l'avènement de la NON différence des sexes : que " disparaisse ce vieux problème : l'antagonisme des sexes ", càd qu'advienne une société qui ne hiérarchisera pas les fonctions sociales des individus selon leur sexe biologique.
a écrit :Vouloir gommer l'antagonisme passe par les actes de la vie quotidienne.
Certes. La société capitaliste toute entière est organisée sur le principe de la différence (donc de la hiérarchie) des sexes, et nos attitudes quotidiennes, si elles peuvent améliorer (réformer un peu) le sort des femmes, ne peuvent à elles seules combattre cet ordre économique :
- en France 80% des emplois à temps partiels sont occupés par des femmes, alors que nombre (40% si ma mémoire est bonne) d'entre elles souhaiteraient travailler plus ;
- en moyenne plus diplômées que les hommes, les femmes représentent 54% des chômeurs ;
- aujourd'hui les revenus salariés des femmes sont en moyenne 27% inférieurs à ceux des hommes, etc.
- aujourd'hui, 80% de la production domestique est assurée par les femmes. et ce n'est pas qu'une question de limites des bonnes volontés individuelles : les femmes gagnant moins ou s'arrêtant de travailler pour élever les enfants (incitées par diverses politiques pour qu'elles ne se représentent pas sur le marché du travail), ce sont elles qui sont à la maison...
a écrit :La culture de l'humanité travailleuse
Kollontaï fait ici référence à une société socialiste, débarrassée des bourgeois oisifs, et non pas à une culture populaire ou à " la culture des travailleurs ". Une société où hommes et femmes travailleront à égalité, tant pour la collectivité que pour le travail domestique (mais bon, je ne sais pas ce qu'il adviendra du travail domestique, puisque si mes calculs sont bons, la " conjugalité " hétéro traditionnelle ne devrait plus être le modèle hégémonique...).
a écrit :Par contre, dire "volontaire" m'interroge. E.Berne citerait ici l'ensemble des scénarios de vie inculqués aux femmes. Et l'"empreinte" des schèmes sociétaux est si forte qu'il est impossible aux humains d'évacuer un scénario sans l'avoir réalisé.
Non, je ne suis pas d'accord pour dire "la culture de l'humanité travailleuse". Je pense qu'une société qui jettera à bas la société patriarcale basée sur l'autoritarisme (et non pas sur l'autorité), cette société éteindra l'antagonisme des sexes.
C'est pourquoi je te parlais de CEDER et non pas de CONSENTIR à la domination : volontaire est l'organisation capitaliste et patriarcale (main d'½uvre féminine moins chère et surtout production GRATUITE du travail domestique), et non la soumission des femmes elles-mêmes. Ce qui n'est pas contradictoire avec ce que tu dis : les femmes ont intériorisé leur propre domination et la reproduisent. Ce qui fait notamment la grande différence entre les marxistes et Bourdieu : c'est que nous croyons en la force du changement, de la prise de conscience et non en l'éternité de la reproduction de la domination, aussi profondément intériorisée soit cette dernière (voir les changements sur question de l'accès au travail salarié ou à la contraception).
En ce qui concerne les exemples que tu donnes :
a écrit :C'est ne pas accepter que certains militants militent les WE pendant que bobonne s'occupe des momes et fait le ménage.
C'est, entre autres, ce qui explique nos positions sur l'incompatibilité entre militer et avoir des enfants.
CODE C'est ne pas accepter que sa concubine puisse dire que son conjoint passe mal l'aspirateur ou autres tâches (ca, c'est du vécu passionnant).
Là, c'est un autre niveau de raisonnement je crois : les filles ont été socialisée couture-ménage-cuisine, donc développent des compétences et des exigences domestiques différentes de celles des garçons. Le propre et le rangé ne répondent donc pas toujours les mêmes critères pour les deux sexes.
a écrit :C'est refuser que les divers charges financières ne soient pas proportionnellement réparties.
Oui, mais souvent les femmes gagnent moins. Il s'agit donc que les hommes prennent en compte cela, ça se discute et ça peut d'harmoniser. Tu sais, nous les filles, avons été éduquées avec l'idée que l'homme est le pourvoyeur de ressource et nous d'affection...
a écrit :C'est refuser les blagues sexistes de comptoir et de parler des femmes comme des objets sexuels...
Oui, et refuser aussi que l'on nous reproche notre manque d'humour quand nous nous opposons à ces blagues.
Mais aussi importants que soient les symboles ou les images, ils ne seront que définitivement enterrés que la société sera débarrassée de la légitimation économique des antagonismes (hommes contre femmes)...
a écrit :La société ne génère-t-elle donc que des antagonismes duals ? Ou cela révèle-t-il d'une intelligence limitée ?
Allez, ne fais pas le coup du " bouh que je suis bête ", c'est moche !

Moi, les antagonismes, c'est loin de me gêner quand ils sont interprétés sur la base de la lutte de classe... Le capitalisme a tout intérêt à diviser la classe ouvrière (tes exemples : nationaux/étrangers, hétéro/homo, H/F), mais nous ne nous laisserons pas faire (un de mes slogans de manif préférés : " travailleurs français immigrés, même patron, même combat).
a écrit :Toujours est-il qu'une société basée sur l'autoritarisme génère "en soi" des antagonismes. Du sentiment de frustration nait la volonté de trouver plus faible ou plus petit. Donc, je te donne raison de penser que seule une société anti-autoritaire basée sur la dualité et l'égalité dans ses fondations peut gommer des siècles d'acceptation d'opprimeur/opprimé. Par contre, cela veut dire : rejet du "Que faire" de Lénine et de son avant-garde, rejet d'un état centralisateur, rejet d'un emploi unique*, rejet des facteurs oppresseurs tels que le capitalisme, la religion qui n'accorderait pas une égalité de traitement...
M'éloignais-je du sujet ? Je ne le pense pas.
Bon, évidemment j'ai un problème avec ton " par contre ".

Je ne vois pas bien ce que viennent faire Lénine et l'avant-garde ici en fait. Tu m'expliques ? Parce que :
a écrit :rejet d'un emploi unique*, rejet des facteurs oppresseurs tels que le capitalisme, la religion qui n'accorderait pas une égalité de traitement...
je ne crois pas que Lénine ait prôné cela ! !



a écrit :Vouloir combattre l'antagonisme des sexes sans en détruire les racines ne peut être que parcellaire. Si on ne détruit pas la société batie sur les antagonismes, rien n'empêchera un antagonisme particulier de revenir.
Ben oui oui oui. C'est pourquoi je fais une grande différence entre féminisme bourgeois réformiste et socialisme...
Quant au retour d'une oppression (d'un " antagonisme ") on peut penser que lorsque l'humanité connaîtra une société débarrassée de l'oppression elle n'aura pas vraiment envie d'y retourner et que seraient alors rapidement battus en brèche les élans réactionnaires... :bounce: