
Afrique
Questions à propos du sommet de Bamako
“L’Afrique va brûler et sera anéantie dans les vingt-cinq prochaine années”
(Alpha Oumar Konaré)
Selon le communiqué final, la 23e Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement d’Afrique et de France a eu comme thème central : « La jeunesse africaine : sa vitalité, sa créativité et ses aspirations. »
Avec un certain réalisme, le président de la commission de l’Union africaine, le Malien Alpha Oumar Konaré, indique le contexte général dans lequel se déroule la conférence : « L’Afrique va brûler et sera anéantie dans les vingt-cinq prochaines années. Aujourd’hui, nous avons des centaines de milliers de personnes errant dans la brousse et dans le désert, essayant de trouver une porte de sortie ; bientôt, ils seront des millions, car l’Afrique s’enfonce de plus en plus. »
Premier constat de cette réalité : pas un mot, pas une ligne, dans la déclaration, sur les causes, les raisons qui sont à la source de cette situation. Constatant que « la jeunesse africaine représente les deux tiers de la population du continent », la résolution ne fait pas non plus référence au récent rapport de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, qui stipule qu’au moins 60 % des jeunes de moins de 30 ans sont au chômage et sans le moindre avenir. Et cela parce que ce sont les mêmes qui se penchent sur le sort de l’Afrique et qui, par le biais de la dette des pays africains, vident les caisses de ces Etats, détruisent les services publics, pillent les richesses naturelles, tout en prétendant vouloir réduire la pauvreté.
C’est dans ce cadre qu’on été annoncées « solutions » et « promesses », au premier rang desquelles : facilités de délivrance de visas de longue durée pour les « entrepreneurs, cadres, chercheurs, professeurs, artistes ».
Un premier pas ? Un début de solution ? Prenons l’exemple de la santé (lire l’encadré).
Autre proposition phare de ce sommet : l’aide au développement. Passons sur l’indécence qui consiste à « aider » ceux que tous les dispositifs (mis en place par ceux-là mêmes qui les aident) aboutissent à appauvrir, détruire et piller. Tel a été en tout temps le rôle de la charité.
Mais voyons ce qu’il en est.
En janvier 2005, au sommet de l’ONU, le directeur du programme des Nations unies pour le développement (PNUD) s’est inquiété du fait que l’objectif de diviser l’extrême pauvreté par deux d’ici 2015 ne serait pas atteint. Les pays donateurs s’y étaient engagés dans les années 1990. Pour cela, il aurait fallu que les pays industrialisés portent leur aide au développement à 0,33 % du PIB (70 milliards de dollars) en 2004, 0,44 % (135 milliards de dollars) en 2006 et 0,54 % (195 milliards de dollars) en 2015. L’hypocrisie des discours de la lutte contre la pauvreté se révèle pour ce qu’elle est. D’un côté, on donne des « aides » (moindres que celles promises), de l’autre, on pille ces mêmes pays.
L’UNICEF fait la remarque suivante : « Les dépenses militaires mondiales se chiffrent à plus de 550 milliards de dollars par an, alors que les besoins estimés pour éradiquer la pauvreté sur la planète sont de l’ordre de 50 milliards de dollars par an, ce qui ne représente qu’une réduction de 5 % du budget de la défense. »
Les propositions de la France, comme celles de tous les autres pays, même avec les promesses de financement pour 2012, restent ce qu’elles sont : la charité pour continuer.
Mais pouvait-il en être autrement ? Dans ce sommet, la France tout comme les51 représentants des Etats d’Afrique ont un dénominateur commun : qu’ils s’en défendent ou qu’ils l’assument, qu’ils cherchent à résister ou qu’ils appliquent, tous sont partie prenante du FMI, de la Banque mondiale, des institutions internationales, qui, dans le respect absolu de la propriété privée des moyens de production, par le biais de la dette, des plans d’ajustement structurel, de la bonne gouvernance et du NEPAD, dont le centre est la privatisation pillage de l’Afrique, sont le cœur du diagnostic : « L’Afrique va brûler et sera anéantie dans les vingt-cinq prochaines années. »
Y a-t-il une autre issue, pour sauver l’Afrique du chaos où la précipitent les grandes puissances et les institutions internationales, que d’exiger, comme l’a fait le Tribunal international sur l’Afrique qui s’est tenu lors de la conférence mondiale à Madrid (mars 2004) : annulation sans condition de la dette ?
Correspondant
L’exemple de la santé
Même si on n’en mesure pas exactement l’ampleur, tout le monde connaît la situation catastrophique de l’Afrique en matière de santé. Quant aux chefs d’Etat, ils ne peuvent ignorer les récents rapports de la Banque mondiale, qui établissent les faits suivants :
• sur les 600 médecins formés en Zambie, il n’en reste plus que 50 dans le pays.
• Sur les 489 diplômés de la faculté de médecine du Ghana, en dix ans, 298 sont partis à l’étranger.
• En Ethiopie, 30 % des médecins se sont expatriés entre 1988 et 2001.
• Il y a aujourd’hui plus de praticiens nigérians à New York que dans l’ensemble du Nigeria.
• Le personnel médical du Malawi est plus nombreux dans la seule ville de Manchester qu’au Malawi.
Toujours selon la Banque mondiale, ce mouvement va s’amplifier dans les prochaines années pour toucher les infirmiers. Les Etats-Unis ont besoin d’en recruter 500 000 d’ici 2015 et le Royaume-Uni plus de 35 000 d’ici 2008. Faciliter les visas de longue durée pour des « cadres, chercheurs, professeurs… » relève-t-il d’autre chose que d’une opération de pillage systématique ? Et dans le même temps, on assiste à un véritable débarquement des ONG, qui « trustent » la politique de santé au détriment des services existants.
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Date de création : 16/02/2006 . 14:06
Dernière modification : 16/02/2006 . 14:06
Catégorie : Afrique
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Questions à propos du sommet de Bamako
“L’Afrique va brûler et sera anéantie dans les vingt-cinq prochaine années”
(Alpha Oumar Konaré)
Selon le communiqué final, la 23e Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement d’Afrique et de France a eu comme thème central : « La jeunesse africaine : sa vitalité, sa créativité et ses aspirations. »
Avec un certain réalisme, le président de la commission de l’Union africaine, le Malien Alpha Oumar Konaré, indique le contexte général dans lequel se déroule la conférence : « L’Afrique va brûler et sera anéantie dans les vingt-cinq prochaines années. Aujourd’hui, nous avons des centaines de milliers de personnes errant dans la brousse et dans le désert, essayant de trouver une porte de sortie ; bientôt, ils seront des millions, car l’Afrique s’enfonce de plus en plus. »
Premier constat de cette réalité : pas un mot, pas une ligne, dans la déclaration, sur les causes, les raisons qui sont à la source de cette situation. Constatant que « la jeunesse africaine représente les deux tiers de la population du continent », la résolution ne fait pas non plus référence au récent rapport de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, qui stipule qu’au moins 60 % des jeunes de moins de 30 ans sont au chômage et sans le moindre avenir. Et cela parce que ce sont les mêmes qui se penchent sur le sort de l’Afrique et qui, par le biais de la dette des pays africains, vident les caisses de ces Etats, détruisent les services publics, pillent les richesses naturelles, tout en prétendant vouloir réduire la pauvreté.
C’est dans ce cadre qu’on été annoncées « solutions » et « promesses », au premier rang desquelles : facilités de délivrance de visas de longue durée pour les « entrepreneurs, cadres, chercheurs, professeurs, artistes ».
Un premier pas ? Un début de solution ? Prenons l’exemple de la santé (lire l’encadré).
Autre proposition phare de ce sommet : l’aide au développement. Passons sur l’indécence qui consiste à « aider » ceux que tous les dispositifs (mis en place par ceux-là mêmes qui les aident) aboutissent à appauvrir, détruire et piller. Tel a été en tout temps le rôle de la charité.
Mais voyons ce qu’il en est.
En janvier 2005, au sommet de l’ONU, le directeur du programme des Nations unies pour le développement (PNUD) s’est inquiété du fait que l’objectif de diviser l’extrême pauvreté par deux d’ici 2015 ne serait pas atteint. Les pays donateurs s’y étaient engagés dans les années 1990. Pour cela, il aurait fallu que les pays industrialisés portent leur aide au développement à 0,33 % du PIB (70 milliards de dollars) en 2004, 0,44 % (135 milliards de dollars) en 2006 et 0,54 % (195 milliards de dollars) en 2015. L’hypocrisie des discours de la lutte contre la pauvreté se révèle pour ce qu’elle est. D’un côté, on donne des « aides » (moindres que celles promises), de l’autre, on pille ces mêmes pays.
L’UNICEF fait la remarque suivante : « Les dépenses militaires mondiales se chiffrent à plus de 550 milliards de dollars par an, alors que les besoins estimés pour éradiquer la pauvreté sur la planète sont de l’ordre de 50 milliards de dollars par an, ce qui ne représente qu’une réduction de 5 % du budget de la défense. »
Les propositions de la France, comme celles de tous les autres pays, même avec les promesses de financement pour 2012, restent ce qu’elles sont : la charité pour continuer.
Mais pouvait-il en être autrement ? Dans ce sommet, la France tout comme les51 représentants des Etats d’Afrique ont un dénominateur commun : qu’ils s’en défendent ou qu’ils l’assument, qu’ils cherchent à résister ou qu’ils appliquent, tous sont partie prenante du FMI, de la Banque mondiale, des institutions internationales, qui, dans le respect absolu de la propriété privée des moyens de production, par le biais de la dette, des plans d’ajustement structurel, de la bonne gouvernance et du NEPAD, dont le centre est la privatisation pillage de l’Afrique, sont le cœur du diagnostic : « L’Afrique va brûler et sera anéantie dans les vingt-cinq prochaines années. »
Y a-t-il une autre issue, pour sauver l’Afrique du chaos où la précipitent les grandes puissances et les institutions internationales, que d’exiger, comme l’a fait le Tribunal international sur l’Afrique qui s’est tenu lors de la conférence mondiale à Madrid (mars 2004) : annulation sans condition de la dette ?
Correspondant
L’exemple de la santé
Même si on n’en mesure pas exactement l’ampleur, tout le monde connaît la situation catastrophique de l’Afrique en matière de santé. Quant aux chefs d’Etat, ils ne peuvent ignorer les récents rapports de la Banque mondiale, qui établissent les faits suivants :
• sur les 600 médecins formés en Zambie, il n’en reste plus que 50 dans le pays.
• Sur les 489 diplômés de la faculté de médecine du Ghana, en dix ans, 298 sont partis à l’étranger.
• En Ethiopie, 30 % des médecins se sont expatriés entre 1988 et 2001.
• Il y a aujourd’hui plus de praticiens nigérians à New York que dans l’ensemble du Nigeria.
• Le personnel médical du Malawi est plus nombreux dans la seule ville de Manchester qu’au Malawi.
Toujours selon la Banque mondiale, ce mouvement va s’amplifier dans les prochaines années pour toucher les infirmiers. Les Etats-Unis ont besoin d’en recruter 500 000 d’ici 2015 et le Royaume-Uni plus de 35 000 d’ici 2008. Faciliter les visas de longue durée pour des « cadres, chercheurs, professeurs… » relève-t-il d’autre chose que d’une opération de pillage systématique ? Et dans le même temps, on assiste à un véritable débarquement des ONG, qui « trustent » la politique de santé au détriment des services existants.
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Date de création : 16/02/2006 . 14:06
Dernière modification : 16/02/2006 . 14:06
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