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Message Publié : 26 Mai 2006, 08:42
par com_71
(Combat Ouvrier a écrit :Le 10 MAI ET L’ESCLAVAGE. En Martinique et en Guadeloupe on n’a pas attendu le décret présidentiel !
Le 10 mai dernier, des cérémonies de commémoration des souffrances endurées par les Noirs pendant l’esclavage se sont déroulées en France pour la première fois. cette date ayant été officiellement retenue comme date de commémoration.
Il aura fallu bien des luttes, des manifestations, des pressions, en Martinique en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion, pour que le gouvernement français accepte de telles manifestations officielles.
En effet, depuis déjà près de trente ans, en Martinique et en Guadeloupe, une fraction combative des travailleurs et de la population avait littéralement imposé les dates du 22 mai en Martinique et du 27 mai en Guadeloupe comme dates de commémoration des souffrances et surtout des luttes des esclaves noirs. Car les 22 mai et 27 mai 1848, les esclaves méfiants envers les possédants esclavagistes et les autorités à leur service n’avaient pas attendu que soit promulgué le décret d’abolition qui devait venir de Paris! Ils s’étaient soulevés massivement et avaient contraint par leur soulèvement les gouverneurs de l’époque à décréter l’abolition sur place.
Mais combien de manifestations a-t-il fallu organiser pour que le gouvernement français accepte que ces journées soient commémorées et aussi fériées! Au cours des années 70, en Martinique chaque 22 mai était commémoré illégalement dans les rues par les partis anti colonialistes et ouvriers. Et c’est en faisant face aux gendarmes et autres gardes mobiles armés, face aux grenades lacrymogènes et aux coups de matraque que se déroulaient les manifestations. En Guadeloupe, ceux qui commémoraient le 27 mai 1802 et la lutte de Delgrés et Ignace à la tête des troupes insurgés contre le rétablissement de l’esclavage par Bonaparte étaient taxés de séditieux, de dangereux et étaient inquiétés, fichés par la police et la justice coloniales. Il n’y a pas si longtemps, un militant de l’UGTG, Madassamy, fut emprisonné pour avoir fait fermer un magasin le 27 mai, jour férié. Eh bien, là encore une partie de la population et des travailleurs n’a pas attendu le décret présidentiel pour commémorer les souffrances et la lutte des esclaves. Et fort heureusement car s’il fallait uniquement attendre sur l’Etat français pour reconnaître son entreprise esclavagiste, on aurait attendu bien longtemps encore.
Le colonialisme français a, de tout temps, occulté cette partie de l’histoire, volontairement. Il ne fallait pas en parler sous peine de susciter des rancoeurs et des révoltes de Noirs. Des générations d’écoliers et de lycéens antillais n’ont jamais rien appris de l’esclavage, ni même si leurs ancêtres avaient été esclaves. Cette attitude délibérée fut un des plus grands chapitres de l’entreprise d’aliénation opérée sur les Noirs des Antilles par le colonialisme. De même en ce qui concerne l’usage du tambour du «gwo-ka» qui était encore interdit par les autorités dans les années 1930. Et c’est clandestinement que cette musique se pratiquait dans les faubourgs de Pointe à Pitre ou dans les campagnes.
Pour changer cela, il aura fallu les luttes d’abord des travailleurs noirs, à l’époque des premières organisations socialistes ayant des dirigeants issus de la population noire, Légitimus et Lagrosillère, puis les luttes ouvrières liées aux syndicats ouvriers (CGT) et aux partis ouvriers qui se réclamaient du «communisme», d’après la deuxième guerre mondiale. Puis ce fut l’apparition d’un mouvement nationaliste et de groupes d’extrême gauche dans les années 60. Cette évolution politique traduisait l’apparition d’une prise de conscience anti colonialiste dans une fraction de la population. Et par là même, petit à petit, devenait plus évidente aux yeux de la population la nécessité de connaître son passé, l’histoire des opprimés dont ils étaient les continuateurs et d’affirmer sa solidarité avec les luttes menées par ses ancêtres esclaves.
Cette prise de conscience fut favorisée non pas avec l’aide du gouvernement français et des autorités mais contre eux! Il y a trente ans, un enseignant qui parlait de l’esclavage ou parlait créole à ses élèves pouvait être purement et simplement sanctionné, ou même muté ou exclu.
Les colonialistes qui décidaient du sort des Antilles et de leurs dernières colonies ne pouvaient qu’être opposés à toute idée d’enseigner le passé ou même de parler les langues locales. Car ce n’était pas une pure affaire culturelle de connaître ou d’enseigner l’histoire ou le créole, mais c’était surtout la traduction d’une montée revendicative sociale et politique qui s’exprima de façon combative, pendant plusieurs années, sous la forme plus ou moins directe d’une revendication anti-colonialiste.
Aujourd’hui, et malgré eux, les dirigeants français ont fini par accepter un fait déjà accompli par une fraction de la population antillaise. Mais c’est une concession acceptée surtout parce que le danger d’une explosion sociale et politique semble s’être aujourd’hui affaibli. Et ils peuvent donc aujourd’hui se servir de ce type de revendication comme dérivatif.
Aujourd’hui, ces gouver-nants français reconnaissent officiellement les méfaits du système esclavagiste. Ils ont dit beaucoup de choses dans leurs discours mais ils ont occulté un aspect et non le moindre: c’est que c’est ce système qui, en partie, a permis l’accumulation de capitaux nécessaires au développement et à l’enrichissement de la bourgeoisie française ou anglaise notamment! Ce n’est pas un hasard s’ils ne l’ont pas dit. C’est parce que ces gens là sont les tenants et les bénéficiaires d’un autre esclavage, l’esclavage salarié. C’est celui qui permet à une minorité d’exploiteurs, les capitalistes, d’exploiter des centaines de millions de travailleurs de par le monde, blancs, noirs, de toutes couleurs et origines pour qu’ils créent toujours plus de profit. Cette forme d’esclavage est fondée sur un vol gigantesque: cette bourgeoisie capitaliste accapare l’essentiel de la production résultant de l’exploitation de la force de travail des salariés! Et bien sûr il faudra un jour l’abattre aussi par les luttes!