de l'humour style Charlie Hebdo ? ...ou une parabole teintée d'un peu d'antisémitisme ?
Tribune dans "Le Monde", Nathalie Azoulai, 11/12/2021 a écrit :...en tant que candidat officiel, il devra se rendre au prochain Salon de l’agriculture, lequel se tiendra comme chaque année Porte de Versailles, très exactement entre le 26 février et le 6 mars 2022, soit à quelques semaines du premier tour de la présidentielle, prévu le 10 avril. Nous serons alors certainement au plus fort des joutes, des invectives et des promesses. Comme tous ses concurrents, il devra venir respirer l’air des terroirs et reconnaître l’éternité d’une France paysanne devant qui les blancs-becs de la « start-up nation » doivent encore bien se tenir.
J’imagine donc « LA » scène, une scène primitive, eucharistique, celle qui va tout changer, vous la voyez aussi, n’est-ce pas ? Devant les caméras, dans la cohue des micros et des badauds, Eric Zemmour devra se fendre d’avaler une petite rondelle de saucisson.
J’ai vu qu’au salon Made in France, qui, en véritable répétition générale, s’est aussi tenu porte de Versailles il y a quelques semaines, on lui avait justement préparé des rondelles de saucisson en forme de Z, sauf qu’in extremis la dame du stand a précisé que c’était du bœuf. Mais au Salon de l’agriculture, que nenni, ce sera du cochon, ce doit être du cochon, pour que la France éternelle ne devienne ni veggie, ni flexitarienne, ni halal, ni casher et qu’elle déclare que toutes ces castrations alimentaires n’auront jamais raison de sa bonne chère. Car tout est bon dans le cochon.
A vrai dire, il en a peut-être déjà mangé, mais cette scène-là soudain l’effraie, il pense à sa mère, à ses tantes, à ses grands-mères, à tous ses aïeux, prie pour qu’une énième vague de Covid-19 annule l’événement et, en attendant, demande discrètement qu’on lui conçoive un parcours sur mesure, rien que dans les stands fromagers, où il pourra tout avaler, le fromage corse le plus puant, le bosson le plus macéré, des pâtes coulantes et grouillantes de vers, d’inénarrables époisses, tout oui, mais pas ça. Impossible, lui répondent les énarques, pas de saucisson, pas de salon. Je vois déjà Sarah [Knafo, sa conseillère] faire une moue désolée, lui redire qu’il n’a pas le choix, il doit, il doit donc il peut, il ne va quand même pas s’en faire pour si peu. Elle a raison, mais il est contrarié, il n’en dort plus la nuit, pas de saucisson, pas de salon, il compte les cochons, pas de saucisson, pas de salon, finit par s’endormir…
Dans ses bons rêves, la rondelle roule, coule comme l’eau de son baptême, devient le jeton de son courage et la monnaie de sa liberté, l’hostie de son identité, le fait plus français que les Français. Dans ses pire cauchemars, elle se coince dans le fond de la gorge, il s’étrangle, il suffoque et tombe raide mort au milieu des cochons.