https://actu.fr/ile-de-france/le-pre-sa ... 69560.html
Un article datant de 2016 sur ce camarade :
https://www.am-today.com/article/patric ... en-lutte-0
Patrice Zahn, scribe d'un monde ouvrier toujours en lutte
Constructeurs
ven, 18/03/2016 - 22:44 - AFP
Il est 03H00, Patrice Zahn s'éveille au Pré-Saint-Gervais. Deux heures de bus plus tard, cet infatigable défenseur de la classe ouvrière, poète à ses moments perdus, franchit le tourniquet de l'usine PSA à Poissy, à l'autre bout de l'Ile-de-France.
"C'était ça ou dehors": après la fermeture de l'usine d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) fin 2013, comme 600 de ses camarades, le syndicaliste a accepté une "mutation forcée" sur l'autre site francilien du constructeur automobile, dans les Yvelines.
"Quand on est ouvrier et qu'on perd son travail, on perd tout", justifie ce petit-fils d'immigrés d'Europe centrale, lui-même fils d'ouvrier.
Après la grande grève de 2013 dont il a été l'un des organisateurs, ce représentant CGT est resté quelques mois dans l'usine pour "aider les camarades en difficulté". Pour sa mutation, il avait demandé de conserver son poste au "contrôle qualité" mais de travailler en "équipe normale", de 07H00 à 16H00, ce qui lui a été refusé.
Or, tandis qu'à Aulnay, il embauchait à 06H45 et n'était qu'à 20 minutes en voiture de son domicile, il met pas loin de deux heures pour rallier Poissy où le travail commence à 05H30.
Il alterne: une semaine de 05H30 à 12H51, la suivante de 12H51 à 20H12.
Mais Patrice Zahn, 52 ans, 20 ans de maison, 1.750 euros net par mois, n'est pas du genre à s'apitoyer sur son sort. "Le petit avantage" des transports en commun, "c'est que ça me permet de lire". Surtout, que dire des "copains" qui sont debout à 02H30 parce qu'ils habitent encore plus loin, à Aulnay ou Tremblay? Et de tous ceux qui, malgré les "promesses que personne ne serait laissé sur le carreau", sont chômeurs en fin de droits et survivent avec 480 euros par mois?
Si certains ont préféré déménager près de l'usine, lui ne voulait pas quitter le Pré-Saint-Gervais, son deux-pièces à loyer modéré, sa vue dégagée sur la butte Montmartre et la tour de Romainville. "Ma vie est un peu là. Je m'y sens bien."
- "Nous serons des millions" -
Accepter la mutation, c'était aussi une "façon de continuer mon combat pour la défense de nos droits, de la classe ouvrière. L'histoire ne s'arrête pas à la fermeture d'Aulnay". Au contraire: "La grève a servi à faire en sorte qu'un patron ne puisse pas fermer une usine comme ça".
Elle a aussi été bonne pour le moral. "On a fait tout ce qu'on pouvait et, du coup, on n'a pas vraiment de regret", assure le militant.
A ses heures perdues, Patrice jardine sur sa terrasse, écrit, lit. Sa bibliothèque est riche de 2.500 titres: romans, essais, poésie. "Je ne les ai pas tous lus", s'empresse de préciser l'ouvrier, dont les camarades vantent le "sens de l'écoute".
Aux murs de son appartement, qu'il partage avec sa compagne, une enseignante rencontrée à Lutte ouvrière, des tableaux de Galia Yourkevitch, la première femme de Jean Malaquais. Le roman de ce juif polonais, Les Javanais (prix Renaudot 1939), est pour lui l'un des meilleurs livres "jamais écrits sur la condition ouvrière".
Comme Malaquais, Patrice a enchaîné les petits boulots - manoeuvre, préparateur de commandes, ouvrier en bâtiment - avant de se faire embaucher, en 1995, chez PSA. Excellent élève, il aurait voulu faire des études mais un drame familial en a décidé autrement.
Cet autodidacte aimerait être publié et l'un de ses amis, le poète irakien Salah Al-Hamdani, l'y encourage. Mais l'édition, "c'est pas mon milieu. Je me sens plus à l'aise dans une salle de pause qu'au milieu de gens mondains".
Pendant la lutte, en marge de réunions avec la direction, il a composé une série de haïkus sur cette "tour de Babel" qu'est l'usine, où la solidarité tient lieu de langue commune.
Le dernier poème, où s'affirme intacte sa foi en la révolution, s'intitule "Épilogue":
"Pas ce jour
Mais un autre
Nous serons des millions."
evs/mra/jpr
© 2016AFP
