Quelques exemples de la thérapie de choc?
La thérapie de choc, aussitôt décrétée, frappe tous les secteurs de l'existence : ainsi, le gouvernement du Premier ministre Egor Gaïdar […] divise par vingt-huit le budget de l'Académie des sciences et annule le monopole d'État sur les boissons alcoolisées (au premier chef desquelles la vodka), monopole qui s'exerçait de la production à la vente et employait un million de personnes. Mais, au regard des grandes mesures, ce ne sont là que broutilles.
On divise par 28 !! Là, ça va pas être facile de compter les espèces animales! Et puis, y'a les experts américains.
Sur les conseils exigeants des experts grassement payés de la Banque mondiale, du FMI et de certaines institutions américaines (dont le fameux économiste Jeffrey Sachs installé à cette époque en plein cœur de Moscou), qui dictent leurs règles à un gouvernement docile, Gaïdar décide la libéralisation totale des prix de la majorité des produits (sauf ceux de première nécessité comme le pain, le sucre et le lait). Leur augmentation vertigineuse balaye en quelques semaines les quelque 250 milliards de roubles d'économies - l'équivalent de près de la moitié du budget de l'État - déposés par les épargnants à leur caisse d'épargne.
C'était une épargne toute relative, on dira. En quelques semaines!?… ça donne le vertige, la brutalité de la thérapie.
Le choc est d'autant plus brutal que de nombreuses entre- prises ou services cessent de payer pendant des mois les salaires de leurs ouvriers et employés, réduits à vivre des fruits et légumes de leurs modestes lopins privés (des citadins y compris) ou à vendre pour quelques roubles des objets de leur vie courante. Pendant ces trois années et demie, le PIB se réduit de 34,6 %.
Mais merde, y'a pas de vrais experts pour empêcher le naufrage? Mais si, mais si!…
Les experts exigent alors l'ouverture au marché mondial, moyen, jurent-ils, de conjurer l'inflation menaçante, que cette ouverture accélère encore; de janvier à mars 1992, la Russie abolit tous les droits de douane, provoquant l'invasion d'un marché, qui se contracte chaque jour ou presque, par des produits de toute sorte et de toute provenance. Les experts préconisent également, selon la recette traditionnelle de leurs institutions, une réduction des dépenses publiques, qui reste le seul succès - fort douteux - de la thérapie de choc.