a écrit :Premières interpellations annoncées après la mort d'un supporteur du PSG
LEMONDE.FR | 24.11.06 |
Dans une ambiance tendue, le ministre délégué à l'aménagement du territoire, Christian Estrosi, a annoncé vendredi 24 novembre à l'Assemblée nationale que "plusieurs interpellations sont intervenues" après la mort d'un supporteur du PSG, jeudi soir. "Pour protéger l'enquête, il convient de ne pas en dire davantage", a expliqué M. Estrosi, qui s'exprimait en marge du débat sur le projet de loi de prévention de la délinquance. Il a indiqué en outre que "des décisions d'interdiction administrative de stades seront très rapidement prises".
Dans quelles circonstances le policier Antoine Granomort a-t-il tiré sur le supporteur du PSG ? Si les zones d'ombre sont encore nombreuses, l'altercation ayant entraîné la mort d'un supporteur parisien et blessé grièvement un autre semble bien avoir eu pour origine des insultes racistes et antisémites.
Les témoignages et réactions qui se multiplient, vendredi, vont toutes dans ce sens. Pour Jean-Claude Marin, le procureur de Paris, un groupe d'une centaine de fans du PSG ont poursuivi Yanniv Hazout, supporteur de Tel-Aviv, qui s'est réfugié auprès du policier Antoine Granomort, d'origine antillaise. "Il semble que des injures racistes assez massives aient été proférées : 'sale nègre, sale juif'. Il y avait aussi 'Le Pen président', des cris de singe et des saluts nazis", a ajouté Jean-Claude Marin. En situation apparente de légitime défense selon le magistrat, le policier a ouvert le feu. "L'hypothèse la plus probable" est qu'une seule balle a blessé Mounir Bouchaer, lui traversant le poumon, avant d'atteindre en plein cœur et de tuer Julien Quemener, 25 ans.
Jacques Chirac, qui a dit son "horreur" face à des "violences scandaleuses", a lui aussi évoqué mardi des "propos racistes". Quant à Nicolas Sarkozy, il a affirmé qu'"on ne pouvait pas accepter qu'on poursuive le supporteur d'un club en criant 'sale juif'". Mais le ministre de l'intérieur a surtout indiqué que le policier "avait argué de sa qualité" avant de faire feu.
POLICIER EN CIVILC'est sur ce point que les versions divergent le plus. Philippe Broussard, rédacteur en chef du service société de L'Express et spécialiste du milieu hooligan, qui se trouvait porte de Saint-Cloud au moment des faits, estime que les supporteurs parisiens ne savaient pas qu'ils avaient affaire à un policier. Sur le site Internet de l'hebdomadaire, le journaliste apporte un témoignage précieux. A la fin du match, "quelques centaines de Parisiens, pour la plupart très jeunes", cherchent à "s'en prendre, ici ou là, à des supporteurs adverses". Il voit alors un homme, "un Noir d'une trentaine d'années, assez grand (...). Il a en main une grosse bombe de gaz lacrymogènes et tente de faire face à une foule de plus en plus hostile. A l'évidence, il cherche à protéger quelqu'un, situé près de lui". "Reste derrière moi ! Reste derrière moi !", entend le journaliste, alors que "plusieurs personnes crient : 'Il a un flingue !' Puis un coup de feu claque". Le policier se réfugie ensuite dans le McDonald's situé à proximité du stade.
"A l'intérieur, l'homme sort une arme. (...) Puis un talkie-walkie. Alors, seulement, je comprends qu'il s'agit d'un policier", raconte Philippe Broussard. Certains assaillants découvrent également que l'homme est fonctionnaire de police, d'autres continuent de hurler "sale nègre !" ou "bleu, blanc, rouge, la France aux Français !". Le journaliste décrit les minutes qui suivent, "d'une extrême violence" : le policier, "l'arme au poing, braque son arme sur les agresseurs de plus en plus nombreux" devant le fast-food. "Comme les renforts tardent, il cherche à se réfugier à l'étage avec les clients."
LÉGITIME DÉFENSE ?Ce que le journaliste n'a pas vu, Nicolas Sarkozy le raconte, s'appuyant sur les éléments qui lui ont été communiqués par la police : selon lui, le fonctionnaire en civil a "hurlé à plusieurs reprises qu'il appartenait à la police et il a commencé à asperger les manifestants avec sa bombe lacrymogène". Ensuite, "l'un des agresseurs l'a frappé à la tempe, un autre lui a porté un coup de pied dans le bas ventre, et il est tombé à terre", a poursuivi M. Sarkozy. "Il a sorti son arme après avoir argué de sa qualité, mais dans quelles circonstances, je vous demande de considérer que je ne le sais pas", a dit le ministre. "Il a fait feu, deux hommes sont tombés à terre, dont un est mort de ses blessures, c'est naturellement dramatique", a encore indiqué le ministre. Selon lui, le policier était en civil et "n'avait pas son brassard".
Vendredi, il était toujours en garde à vue. Le blessé, grièvement atteint, était toujours hospitalisé vendredi matin, selon la préfecture de police de Paris.
Qualifié dans un premier temps d'"indépendant", il semble avéré que le supporteur tué, Julien Quemener, était membre du club de supporteurs des Boulogne Boys, marqué à l'extrême droite. L'inspection générale des services (la "police des polices") a été saisie de l'enquête. Des témoins ont fait état de "confusion" et d'une "extrême tension" lors des faits, et l'enquête se révèle difficile "pour cette raison", selon une source policière. Les syndicats de policiers parlent eux d'ores et déjà de "légitime défense".