com_71 a écrit : RP a écrit :
lorsqu’on parle de « grève exemplaire » ce n’est pas parce qu’il s’agit d’une grève animée par le CCR mais en raison du programme et mots d’ordre qui y sont défendus (dans le cas de Grandpuits c’était le maintien de l’emploi au moment où les plans sociaux pleuvent et nombreux sont ceux qui ne demandent que des meilleurs indemnités de départ en acceptant les suppressions d’emploi)
Voilà qui certes n'est pas mépriser les questions stratégiques et programmatiques... au risque d'aller chercher stratégies et programmes chez des syndicalistes bon teint qui savent tout à la place des principaux intéressés.
En effet ! Pour une tendance qui reproche à l'Etincelle (et donc indirectement à LO) son manque d'imagination sur les moyens de propagande, la grève de Grandpuits est un bel exemple de manque d'imagination en matière de stratégie et de programme par rapport à ce que peuvent proposer les directions syndicales pour peu qu'elles soient combatives en apparence. On a là une grève dure, contre la fermeture d'une petite raffinerie (même si elle est remplacée par des unités nouvelles de biocarburants et bioplastiques qui reprendront une partie du personnel) et alors qu'on a déjà vu que Total était insensible à une grève simultanée de plusieurs semaines sur toutes ses raffineries françaises même les plus grosses.
Forcément au bout de quelques semaines on arrive au moment où "
les travailleurs sont fatigués", comme a lui-même dit Adrien Cornet (de RP et de la CGT Grandpuits).
Ils n'ont pas obtenu le "
maintien de l'emploi au moment où les plans sociaux pleuvent". Ils n'ont pas obtenu non plus de meilleures indemnités de départ, seulement une prime de dégazage de 1.500 € pour vider les installations de la raffinerie en prévision de son arrêt. C'est mieux ou c'est moins bien ? C'est un peu mieux pour ceux qui restent et c'est très peu pour ceux qui partent. Ou c'est moins bien pour tous les grévistes s'il n'y a pas de paiement des jours de grève. Car malgré leur détermination ils sont restés sur leur site en rase campagne (hormis une manif au siège de Total) ou à proximité, et ne se sont pas fait assez craindre.
Quelle réflexion sur les moyens de faire plier un groupe comme Total, qui n'a pas bougé d'un iota son plan malgré la grève et peut sans problème se passer d'une raffinerie ou même de toutes pendant des mois en organisant l'importation de carburants via les nombreux pipelines disponibles et largement ouverts aux bateaux du monde entier ?
Quelle politique vis-à-vis des travailleurs des terminaux d'importation de carburants ou ceux gérant les pipelines, qui ne sont généralement pas du groupe Total ? Et vis-à-vis des centaines de travailleurs sous-traitants qui vont être licenciés dans la plus grande discrétion ? Vis-à-vis des autres travailleurs du groupe ? Des autres travailleurs de la région, à commencer par l'usine d'engrais voisine, Borealis (ex-Grande-Paroisse / AZF) qui risque d'être privée d'une partie des moyens communs d'intervention de pompiers que l'existence de la raffinerie justifiait ? Des 1.000 habitants du village de Grandpuits-Bailly-Carrois exposés au risque accru d'accident consécutif à la baisse des effectifs, et - comme les villes voisines - à la noria de camions transportant des milliers de tonnes de bioplastiques qui ne pourront pas être véhiculés par pipeline ?
Certes c'est très difficile d'empêcher une fermeture de site à partir du seul site en question et, sur ce plan, l'échec est presque assuré face à une multinationale tentaculaire. Espérons au moins que les grévistes de Grandpuits aient gardé le sentiment de s'être bien battus plutôt que celui d'avoir subi une défaite, et que tous ceux qui seront mutés sur d'autres sites y propageront l'envie de se battre plutôt que la démoralisation, parce que finalement c'est la seule chose qui compte.