Campagne du PCF

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Re: Campagne du PCF

Message par Cyrano » 18 Déc 2022, 11:55

La révolution? Peut-être pas encore, mais oui, ça glougloutait soudainement.
Dans les trois premiers mois [de 1989], onze grèves éclatent dans les mines soviétiques en divers endroits du pays. Les mineurs demandent une augmentation de leurs salaires et la fixation du dimanche comme congé pour tous, alors qu'ils travaillent souvent un dimanche sur deux, voire deux sur trois. Le syndicat officiel des mineurs, simple courroie de transmission du gouvernement, ne soutient pas leurs revendications. Partout ils se heurtent à un refus et les grèves, isolées, s'interrompent sans résultat. Puis le mouvement reprend au début de juillet, dans le Kouzbass, et se répand comme une traînée de poudre.
Les mineurs élisent dans chaque centre minier où le travail s'arrête un comité de grève qui organise des milices ouvrières chargées de défendre la grève et de faire régner l'ordre dans les localités. Puis ils fédèrent leurs comités de grève locaux. […] La grève s'étend du bassin du Kouznetsk au Karaganda, puis au nord, à Vorkouta.
La grève, qui a commencé le 10 juillet, rassemble près de 500.000 mineurs deux semaines plus tard. Les 24, 25 et 26 juillet, le président du Conseil se décide à recevoir au Kremlin les représentants des divers comités de grève, qui refusent de laisser Chalaiev s'asseoir à leurs côtés et l'invitent à se ranger auprès des gouvernants à qui ils adressent leurs revendications.
Cyrano
 
Message(s) : 1507
Inscription : 03 Fév 2004, 17:26

Re: Campagne du PCF

Message par Cyrano » 18 Déc 2022, 11:57

Stepan Chalaiev est le dirigeant corrompu du syndicat "officiel" des mineurs. Les grévistes le mettent à sa place. Les grévistes ne veulent plus de ces syndicats godillots.
Le président du comité de grève de Kemerovo (Kouzbass), dans les Nouvelles de Moscou, fin juillet 1989, déclare : «Pendant des années, les syndicats ont répété docilement les décisions de la direction de l'entreprise. […] On ne pourra pas s'en tirer avec un replâtrage cosmétique. Il faut créer des syndicats nouveaux sur le plan des principes.»
La Pravda, affolée, commente le 29 juillet: «L'opposition de deux forces dans la société ne peut durer indéfiniment

La Pravda s'affole et les dirigeants de l'URSS sentent le danger mortel.
Si les mineurs s'organisent par eux-mêmes en créant leurs syndicats indépendants dont les responsables sont élus par eux, toute la classe ouvrière soviétique risque de s'engouffrer dans la brèche et de s'organiser contre les syndicats d'État. Malgré l'interdiction de la grève dans les transports décrétée par Gorbatchev, les cheminots de plusieurs dépôts annoncent d'ailleurs leur volonté de cesser le travail. Le vieil appareil du syndicat des mineurs, spécialisé dans l'attribution des bons pour les camps de vacances, est balayé.
La bureaucratie décide donc à la fois de satisfaire un certain nombre de revendications des mineurs et d'intégrer la majorité des dirigeants des comités de grève à la tête du syndicat officiel dont elle chasse les dirigeants. L'entreprise réussit partiellement, avec quelques ratés : certains responsables de comités de grèves créent un syndicat indépendant (le NPG), qui rassemble environ 50.000 mineurs et vivra une bonne dizaine d'années.
Cyrano
 
Message(s) : 1507
Inscription : 03 Fév 2004, 17:26

Re: Campagne du PCF

Message par Cyrano » 18 Déc 2022, 12:00

Comme l'écrit Jean-Jacques Marie:
Mais le Kremlin a évité le pire: la création d'un syndicat indépendant capable de rassembler la masse d'un million et demi d'ouvriers et d'ouvrières employés dans les mines, des mineurs de fond aux gardiennes de jardins d'enfants dans les cités minières.

Il y a bel et bien eu affolement…
Alexandre Iakovlev, bras droit de Gorbatchev, racontera un peu plus tard l'affolement qui s'était alors emparé des sommets. À Erich Honecker, le dirigeant de la RDA, qui lui demandait pourquoi la direction du PCUS s'était engagée, et persistait, dans la voie de politiques dangereuses, Iakovlev répondit: «[...]. Sans la perestroïka, nous aurions ultimement à faire face à une révolution qui pourrait être aussi violente que la révolu tion d'Octobre.» Le maire de Saint-Pétersbourg, dit à peu près la même chose: «Il avait suffi d'ouvrir les écluses, de relâcher la pression qui, depuis des décennies, jugulait le mécontentement social pour que s'abattent sur les réformateurs toutes les frustrations accumulées et que le processus échappe à tout contrôle»

Bon, tout ça, c'est bien joli, mais alors, les mesures? Le changement? On y arrive. Faut juste scanner…
Cyrano
 
Message(s) : 1507
Inscription : 03 Fév 2004, 17:26

Re: Campagne du PCF

Message par Cyrano » 18 Déc 2022, 12:53

Alors, on va voir enfin ce qu'est de la vraie de vraie efficacité économique? Bin oui, pour faire mentir Plestin. De la vraie de vraie.
En 1990, le gouvernement de Gorbatchev suspend le monopole du commerce extérieur. La même année, l'économiste Grigori Iavlinski parachève un programme de "réformes" économiques dit des «500 jours», qu'il a élaboré à Harvard avec des conseillers américains sous le nom de Grand Bargain (grand marché). Les « 500 jours» représentent le temps nécessaire pour mettre en œuvre une série de mesures destinées à liquider l'économie nationalisée et planifiée et à ouvrir la voie à l'instauration de l'économie de marché en libérant les prix. En juillet 1990, Gorbatchev et son opposant démocrate Boris Eltsine apportent ensemble leur appui à ce programme, que ses promoteurs appellent la «thérapie de choc».
[…]
La romancière et prix Nobel de littérature Svetlana Alexievitch déclarait dans une interview en 2013: «Nous avons été tellement naïfs à la fin des années 1980 sous Gorbatchev: pen- dant que nous discutions à perte de vue sur la meilleure façon d'instituer un socialisme à visage humain, les bandits et les dirigeants des jeunesses communistes se sont emparés du pays, se sont partagé les hydrocarbures et ont imposé une société de rapaces à laquelle personne n'était préparés
Cyrano
 
Message(s) : 1507
Inscription : 03 Fév 2004, 17:26

Re: Campagne du PCF

Message par Cyrano » 18 Déc 2022, 12:54

Oooops?! J'voyais pas l'heure. Bon appétit!
Cyrano
 
Message(s) : 1507
Inscription : 03 Fév 2004, 17:26

Re: Campagne du PCF

Message par Cyrano » 18 Déc 2022, 13:35

Quelques exemples de la thérapie de choc?
La thérapie de choc, aussitôt décrétée, frappe tous les secteurs de l'existence : ainsi, le gouvernement du Premier ministre Egor Gaïdar […] divise par vingt-huit le budget de l'Académie des sciences et annule le monopole d'État sur les boissons alcoolisées (au premier chef desquelles la vodka), monopole qui s'exerçait de la production à la vente et employait un million de personnes. Mais, au regard des grandes mesures, ce ne sont là que broutilles.

On divise par 28 !! Là, ça va pas être facile de compter les espèces animales! Et puis, y'a les experts américains.
Sur les conseils exigeants des experts grassement payés de la Banque mondiale, du FMI et de certaines institutions américaines (dont le fameux économiste Jeffrey Sachs installé à cette époque en plein cœur de Moscou), qui dictent leurs règles à un gouvernement docile, Gaïdar décide la libéralisation totale des prix de la majorité des produits (sauf ceux de première nécessité comme le pain, le sucre et le lait). Leur augmentation vertigineuse balaye en quelques semaines les quelque 250 milliards de roubles d'économies - l'équivalent de près de la moitié du budget de l'État - déposés par les épargnants à leur caisse d'épargne.

C'était une épargne toute relative, on dira. En quelques semaines!?… ça donne le vertige, la brutalité de la thérapie.
Le choc est d'autant plus brutal que de nombreuses entre- prises ou services cessent de payer pendant des mois les salaires de leurs ouvriers et employés, réduits à vivre des fruits et légumes de leurs modestes lopins privés (des citadins y compris) ou à vendre pour quelques roubles des objets de leur vie courante. Pendant ces trois années et demie, le PIB se réduit de 34,6 %.

Mais merde, y'a pas de vrais experts pour empêcher le naufrage? Mais si, mais si!…
Les experts exigent alors l'ouverture au marché mondial, moyen, jurent-ils, de conjurer l'inflation menaçante, que cette ouverture accélère encore; de janvier à mars 1992, la Russie abolit tous les droits de douane, provoquant l'invasion d'un marché, qui se contracte chaque jour ou presque, par des produits de toute sorte et de toute provenance. Les experts préconisent également, selon la recette traditionnelle de leurs institutions, une réduction des dépenses publiques, qui reste le seul succès - fort douteux - de la thérapie de choc.
Cyrano
 
Message(s) : 1507
Inscription : 03 Fév 2004, 17:26

Re: Campagne du PCF

Message par Cyrano » 18 Déc 2022, 13:38

Ouf, tout va s'arranger, merci les experts.
Et gaffe, pour les privatisations les russes vont participer, enfin, oui, enfin, non, bref – Esclaffez vous devant l'astuce des tickets participatifs pour les privatisations.
Le gouvernement Elstine décrète le ler juillet 1992 des privatisations massives[…]. Le gouvernement distribue à chaque Russe un voucher de 10000 roubles permettant d'acheter une part du capital d'une entreprise. Ces bons sont distribués systématiquement entre le 1” octobre 1992 et le 31 janvier 1993. De nombreux Russes, ne sachant qu'en faire, les vendent pour quelques dizaines de roubles à des groupes qui raflent ainsi à très bas prix des milliers de vouchers et peuvent racheter de s entreprises pour une bouchée de pain. Les résultats dépassent les attentes des conseillers les plus enthousiastes. En 1991 – essentiellement pendant les trois derniers mois –, la hausse des prix atteint modestement 160%, en 1992 elle est de 2500 %, ralentit à 840% en 1993, pour se réduire à 215 % en 1994.
Cyrano
 
Message(s) : 1507
Inscription : 03 Fév 2004, 17:26

Re: Campagne du PCF

Message par Cyrano » 18 Déc 2022, 13:44

Tout est vrai. Inefficacité relative, le psychopathe des espèces animales avait raison.
Selon les «experts» occidentaux, près de la moitié des entre- prises industrielles russes, dont près des deux tiers dans la métallurgie non ferreuse et l'industrie textile, et un peu plus dans la filière bois, ne sont pas «rentables» et doivent donc être impitoyablement liquidées. En 1992 commence une première vague de privatisations, qui emporte 110.000 entreprises sur 205 000, dont 85.000 petits commerces, cafés, restaurants et ateliers de service. […]

Le 1” avril 1997, le gouvernement relance cette privatisation, qui porte cette fois sur les fleurons de l'industrie russe: les sociétés pétrolières, la société d'extraction de gaz Gazprom et les télécommunications. […]
En 1992, la production industrielle chute de 18 %, de 14,1 % en 1993, de 20,9 % en 1994, puis le phénomène se ralentit. […] Au total, [en 1998], elle représente seulement 49,5 % de ce qu'elle était en 1992. […]

La production agricole connaît un effondrement à peu près similaire : en 1998, elle produit 58,9 % de ce qu'elle produisait en 1992.
Le choc social dû au double pillage de la libération des prix et des privatisations à la hussarde est d'une grande brutalité. En 1991, 7 % des Russes vivaient en dessous du seuil minimal de pauvreté, calculé pourtant très bas; le chiffre bondit en 1992 à 33,5% de la population.

Les experts ont préconisé une réduction des dépenses publiques? Si c'est les experts qui le disent...
En 1995, les dépenses pour 1'éducation baissent de 40% et pour la santé de 30%.
L'effondrement social est d'une telle ampleur qu'en 1999, à la veille de l'élection de Poutine, le salaire réel représente 30 % du niveau de 1991. Et encore ce chiffre ne tient-il aucun compte des salaires impayés pendant des mois, ou réglés partiellement ou en nature… et d'une nature parfois bien hétéroclite !
Je me rappelle ainsi avoir vu, en prenant le train pour aller à Mourom en 1994, lors d'un arrêt à une gare, des ouvriers d'une fabrique de cristallerie voisine venir proposer aux voyageurs d'énorrnes lustres que la direction leur distribuait abondamment en guise de salaire.
Cyrano
 
Message(s) : 1507
Inscription : 03 Fév 2004, 17:26

Re: Campagne du PCF

Message par Cyrano » 18 Déc 2022, 14:15

Bon, y'a pas que les pauvres, en Russie. Les riches, les futurs patrons, ils vont faire comment?
L'État est en quasi- faillite, car il ne perçoit alors que le quart des impôts dus et ne fait pas grand-chose pour percevoir le reste. D'ailleurs, selon Tchoubaïs, le chouchou des marchés financiers internationaux, 1'impôt est alors en Russie un «concept abstrait». Les salaires aussi ou presque. […]

En novembre 1995, le gouvernement lance un système de prêts contre actions, […]. L'État emprunte de l'argent aux banques et, comme garantie de ce prêt, fournit en gage à ces dernières des actions qu'i1 possède dans des entreprises, dont les entreprises d'État. Le gouvernement choisit sans aucun appel d'offres réel les oligarques bénéficiaires de ce système de transfert. Certains que 1'État serait incapable de rembourser ces emprunts, sept oligarques, constituent, le 18 septembre 1996, un septuor. Avec l'accord d'Eltsine, ils constatent l'insolvabilité de l'État et confisquent, en les estimant à très vil prix, les actions déposées en gage.
Cyrano
 
Message(s) : 1507
Inscription : 03 Fév 2004, 17:26

Re: Campagne du PCF

Message par Cyrano » 18 Déc 2022, 14:18

Nomenklatura mafieuse, mais pas pour rire, pour de vrai. On peine même à imaginer.
Les deux vagues de privatisations massives ont permis à la nomenklatura et aux divers clans locaux, souvent alliés à des bandes criminelles mafieuses, de se partager une grande partie des richesses de leurs territoires et de s'assurer ainsi de puissants atouts face au pouvoir central. Même le prélèvement des impôts relève souvent d'une négociation entre les régions et le pouvoir central, qui en perçoit de moins en moins.

Des méthodes honnêtes...
La privatisation ravage une grande partie du pays. Anna Politkovskaïa, la journaliste assassinée à Moscou en 2006, a donné une description hallucinante de la privatisation de la métallurgie dans la vieille région industrielle de Russie, l'Ou ral, où des groupes rivaux se sont partagés, dans le sang, les dépouilles de son industrie en grande partie liquidée par leurs soins. Son récit illustre de façon exemplaire la méthode et les objectifs usuels de ces opérations menées, d'un bout à l'autre de la Russie, dans une débauche de pots-de-vin, de dessous- de-table et de règlements de compte. Il éclaire la nature de la caste bureaucratique occupée à liquider le plus souvent ces secteurs industriels.

Un mafieux nommé Fedoulev met la main sur une usine de la ville de Lobva. Il la vide de sa substance, puis s'attaque au secteur de la métallurgie. Politkovskaïa raconte: «Nombre de firmes passèrent sous la coupe du binôme formé par Fedoulev et Sosnine et notamment les combinats métallurgiques de Nijni- Taguil et de Katchkanar (deux groupes de renom international) d'Ouralkimmach, d'Ouraltelekom, le site métallurgique de Bogolovski et trois usines d'hydrolyse situées dans les villes de Tavda, d'Ivdel et de Lobva [...]. Sosnine pas plus que Fedoulev n'avaient le projet de développer ces entreprises
Politkovskaïa souligne l'un des aspects habituels de ces opérations : «Les deux associés [...] partagèrent le produit de leurs rapines avec les gens influents (les officiels locaux)» en s'appuyant sur «une armée mafieuse de plusieurs milliers d'hommes au sein d'une stricte hiérarchie». Pour quoi faire ? Pour piller les entreprises, les liquider et se partager le fruit du butin.
Cyrano
 
Message(s) : 1507
Inscription : 03 Fév 2004, 17:26

PrécédentSuivant

Retour vers Politique française

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 83 invité(s)

cron