L'éphéméride du jour

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Thomas » 05 Sep 2005, 11:53

Pour Doriot, BHL, Glucksmann, Cohn Bendit, je comprends très bien , des gens qui ont changé de camp....
Si c'est cela que voulait dire Trotski , il n'y a pas de problème , je ne me ferai pas l'avocat du PPF.
Je ne suis pas "fâché", ne t'inquiète pas ! Cependant , je suis pas sûr que Trotski faisait allusion à ce type de parcours puisqu'il parle de dilettantes d'ultra gauche ce qui suppose qui le sont toujours au moment de sa lettre.
Thomas
 
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Message par Puig Antich » 05 Sep 2005, 13:29

Ce qu'entend ici Trotsky par ultra-gauche - de manière à mon avis trop amalgamante -, ce ne sont pas les gauches communistes italiennes et germano-hollandaises, qui différent fondamentalement l'une de l'autre - la première adhérant au parti de type bolchevik et la seconde le critiquant ; mais les ex-bureaucrates staliniens que caractérisent bien artza.

a écrit :Et effectivement des groupes d'ultra-gauches, qui sont critiques de la révolution d'Octobre, sont allés jusqu'à entretenir des liens assez troubles avec l'extrème opposé du spectre politique.


A quels groupes exactement cette allusion peut s'appliquer ? Aux marginaux nationaux-bolcheviks du KAPD, dont l'évolution nationaliste et réactionnaire rejoint finalement l'évolution générale du stalinisme. A une certaine collusion, avec l'affaire de la « Vieille Taupe », entre des gens dont l'obsession sera de nier les caractéristiques spéciales du fascisme dans le but - justifié par ailleurs - de démontrer son caractère capitaliste et des révisionnistes.

Mais, fondamentalement, il s'agit de gens isolés et absolument pas représentatifs de l'opposition de gauche non-trotskiste au stalinisme, qu'on regroupe sous le terme générique - assez faux - d' «ultra-gauches». Et leur évolution ne s'explique pas - comme cette phrase peut le laisser penser - par le fait qu'ils sont critiques «de la révolution d'Octobre» - ce qui n'est d'ailleurs que rarement vrai - mais par le contexte historique plus général, et par leur isolement de toute vraie lutte politique de la classe.

Le «refus de l'antifascisme» mériterait également d'être nuancé. Différentes tendances, parfois contradictoires, s'opposent au moment de la montée du fascisme, et notamment au cours de la révolution espagnole. Si toutes soulignent - comme les trotskistes - l'affrontement de deux camps bourgeois dans la guerre civile espagnole, préparant la guerre impérialiste ; certains voient dans la montée du prolétariat en espagne les prémisses d'une véritable révolution prolétarienne, tandis que d'autres nient toute possibilité révolutionnaire pour la période, en l'absence d'un parti.

L'«antifascisme» est un terme bien trop vague et bourgeois pour définir une politique ; dénonçant l'antifascisme comme idéologie d'un front commun avec la bourgeoisie, les ultra-gauches n'entendaient certainement pas soutenir la bourgeoisie italienne et allemande, mais propager le défaitisme révolutionnaire qui seul pouvait renverser mondialement le capital, et en finir avec les bases sociales du fascisme.


On comprend que Trotsky ne parle pas d'eux, mais une telle formulation semble les assimiler à ces ex-staliniens alliés à des «fascistes plus ouverts», ce qui n'est pas vraiment judicieux ...

Pour l'anecdote, aprés le commencement de la guerre impérialiste, certains «dilletantes ultra-gauches», bordiguistes et trotskistes se retrouvent ensemble dans une usine-planque qu'ils dirigent collectivement à Marseille.

En réalité, la question de «comprendre le monstre stalinien» en lui appliquant un terme aussi générique que «capitalisme d'état», «centrisme» (Bordiga), ou «état ouvrier dégénéré» [on peut d'ailleurs noter que toutes ces acceptions ne sont pas fondamentalement contradictoire» n'était à ce moment là pas plus important que de le combattre concrètement et efficacement, et un terrain d'accord pour un travail commun eût sans doute été possible à trouver sans le sectarisme réciproque des uns et des autres. C'est ce que feront d'ailleurs, un peu plus tard, les uns et les autres, notamment dans les camps de travail staliniens, où trotskistes, anarchistes, «communistes chrétiens» mystiques et autres farfelus ultra-gauche n'attendront pas la résolution de leurs conflits idéologiques pour former des comités clandestins.
Puig Antich
 
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Message par Gaby » 05 Sep 2005, 17:23

(Endymion @ lundi 5 septembre 2005 à 12:39 a écrit : Gros contre-sens historique : si en 1920 les délégués du KAPD repartent effrayés de Russie, ce n'est pas à cause d'une incompréhension de staline (qu'ils n'ont même pas vus) ! Si la bolchevik Alexandra Kollontai accuse en 1921 (3e congrès de l'IC) Lénine de défendre le capitalisme, est-ce des "racontars" ou une réflexion sur la base d'une analyse marxiste ?

Nombre de marxistes - ultra-gauche ou non - n'ont pas attendu staline pour comprendre que la politique des bolcheviks en Russie substituait à la dictature du prolétariat la dictature de chefs et d'un parti unique.

Ils repartent tellement effrayés que le KAPD demande en 1920 son attachement à la 3ème Internationale, mais adopte une position "critique" (je cite) de la révolution Russse... Et ils sont tellement victimes de la "dictature de chefs" qu'ils ont pu exprimer leurs idées "maximalistes" (je les cite encore) qui défendaient "l'idée des conseils" (comme si les bolcheviks s'en foutaient !). Tant pis si les soviets étaient désertés, le KAPD ne s'est jamais emmerdé à opposer ses théories et sa politique à l'épreuve des faits.
Pour le contre-sens historique, je te renvois le compliment. L'ultra-gauche, c'est sous toutes ses formes le refus du Léninisme, à qui l'on impute la responsabilité de l'histoire de l'URSS, pendant l'expérience socialiste puis pendant la dégénérescence stalinienne. C'est un révisionnisme du marxisme, qui emprunte à l'anarchie ses méthodes d'organisation et d'activisme (quoi que, je suis passablement gentil quand je parle de "méthodes", il s'agirait plutôt de "non-méthodes"). Simplement les ultra-gauche n'ont jamais eu l'honnêteté de reconnaitre qu'ils opéraient une correction, une révision, des principes du mouvement ouvrier jusque là. Ils se voulaient les continuateurs quand ils n'ont fait que se rapprocher des libertaires. Ca s'explique par le contexte assez déroutant. Mais il me semble quand même qu'en 2005 l'ultra-gauche est morte et qu'ils n'ont pas fait la preuve de leur politique (la faute à des errements impardonnables). Non pas qu'on ait fait largement mieux... mais au moins les Trotskystes sont des militants, pas des commentateurs.

(Thomas a écrit :Je ne suis pas "fâché", ne t'inquiète pas ! Cependant , je suis pas sûr que Trotski faisait allusion à ce type de parcours puisqu'il parle de dilettantes d'ultra gauche ce qui suppose qui le sont toujours au moment de sa lettre.

Thomas, ce n'est pas affaire d'étiquettes. Des groupes d'ultra-gauche ont mené une politique largement critiquable, pour être poli. Si pour toi leur action les fait quitter le groupe des communistes révolutionnaires, alors très bien, mais c'est bien d'eux dont parle Trotsky. Il parle ici de ceux qui ont entre autres critiqué la Révolution Russe de la même façon que l'extrème-droite, avec les mêmes thèses et mensonges, et parfois défendu des abberations.
Ca te ferait pas bondir que quelqu'un qui se revendique du bolchévisme appelle à la reprise de la guerre impérialiste ? Voilà le genre de folies absurdes que des gauchistes ont pu formuler. "Dilettante" ca semble presque poli du coup. Et contrairement à ce qui a été écrit, les "national-bolcheviks" d'Allemagne, aussi appellés la "gauche de Hambourg" (ou quelque chose dans le genre), était une minorité du KAPD qui avait une réelle existence. Il ne s'agissait pas de Laufenberg tout seul, loin de là.


Pour Puig Antich qui se lance dans une vaste entreprise de réabilitation de l'ultra-gauche, je dirais essentiellement que oui, évidemment que l'ultra-gauche a contenu tellement de différents courants qu'on ne peut tracer des définitions exhaustives. Cependant, je tiens à mes qualificatifs : antiparlementarisme, antisyndicalisme, parfois passivité absolue et lors des années 30, une incompréhension grave du fascisme. Tu sembles défendre leur attitude. Mais dans le fond je suis sûr que tu ne tirerais pas le trait d'égalité Blum = Mussolini. En privé tu me disais que les Bordiguistes avaient commis cette erreur (je n'en sais rien perso'). Ici j'ajoute que des conseillistes ont tenu comme propos cette terrible équation.



Bref, il ne viendrait à personne l'idée de juger le Trotskysme à partir de l'exemple de la LTF (je l'espère). Trotsky parle de certaines personnes qui ont sombré dans la bêtise crasse et coupable, pas du petit mais hétérogène ensemble de l'ultra-gauche en général. Même s'il s'est trompé sur un paquet de trucs et qu'on peut le critiquer politiquement, quelqu'un comme Pannekoek n'est pas à ranger dans la même catégorie que ceux que Trotsky allume. Mais il faut tout de même souligner les profonds désaccords qui existent entre ses quelques partisans, et le Trotskysme.
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Message par Puig Antich » 05 Sep 2005, 18:39

a écrit :L'ultra-gauche, c'est sous toutes ses formes le refus du Léninisme, à qui l'on impute la responsabilité de l'histoire de l'URSS, pendant l'expérience socialiste puis pendant la dégénérescence stalinienne.


Alors il faut définir "ultra-gauche" ; car la gauche communiste italienne est léniniste - du moins elle s'en réclame.



Des appels à s'impliquer dans la guerre impérialiste ? Certes, ça me fait bondir, et les nationaux-bolcheviks sont à traîter comme les autres nationalistes. Mais des groupes trotskistes ont commis des erreurs similaires, pas forcément jolies jolies - pour être poli -, en appelant le prolétariat à lier son sort avec des forces bourgeoises nationalistes dans le tiers-monde. Est-ce pour autant qu'on peut résumer le trotskisme aux errements de certains, et faire mine de le définir par celà ? Donc, si ultra-gauche = danger de devenir un fasciste ; alors trotskiste = islamo-gauchiste ... Ce n'est pas sérieux comme base à la discussion...


Sinon, antiparlementarisme oui, antisyndicalisme, pas forcément. Rejet du front unique, pas forcément non plus. Les Bordiguistes ne sont pas antisyndicalistes ; et d'autres partisans de la gauche communiste non-trotskite ont participé aux syndicats, à toutes les épôques. L'équation Blum = Mussolini, j'attends de voir les extraits sur pièce, non que je n'y crois pas, mais je ne pense pas qu'on peut réduire un texte à cette simple expression. Je ne défends pas d'attitudes particulières - quelles attitudes je semble justifier ? -, et ne prétend pas m'être fixé définitivement une idée sur ce que pourraît être dans sa globalité une politique révolutionnaire "juste" ... juste, quelques théses de l' "ultra-gauche" me semblent pertinentes : sur l'URSS, sur le défaitisme, sur la nature du communisme. Je suis bien loin de défendre l'attitude exclusive de tel ou tel groupe particulier.
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Message par Gaby » 05 Sep 2005, 18:49

(Puig Antich @ lundi 5 septembre 2005 à 19:39 a écrit : Donc, si ultra-gauche = danger de devenir un fasciste ; alors trotskiste = islamo-gauchiste ... Ce n'est pas sérieux comme base à la discussion...
Tu réponds à côté, ce n'est pas ce que j'ai dit (exemple le commentaire sur la LTF). J'écris bien qu'on ne doit pas juger globalement à travers des exemples isolés. Personne ne le fait ici, et certainement pas Trotsky. Les critiques sont formulées à différentes échelles, du très particulier au plus général.

Pour le réformisme semblable au fascisme, ce n'est quand même pas quelque chose que tu n'as jamais trouvé chez les conseillistes quand même ? Même Bourseiller y fait référence dans son Histoire de l'UG...
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Message par Puig Antich » 05 Sep 2005, 18:53

Je nie pas, mais je pense qu'on doit juger chaque texte en particulier, et que les théoriciens des conseils se sont le plus souvent attelés à d'autres tâches que de définir précisément la social-démocratie. Sur le syndicalisme, c'est différent, avec la critique du corporatisme de Gorter par exemple...
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Message par com_71 » 05 Sep 2005, 22:11

a écrit :La figure de Ludwig [1] nous devient de plus en plus proche au fur et à mesure que nous voyons ces bureaucrates « fatigués » et « déçus » qui, voyez-vous, sont tellement tourmentés par Staline et leur propre passé que, sans changer d'état d'esprit, ils vont tout droit dans le camp de la démocratie bourgeoise ou du semi-anarchisme libéral [2]. Sous les coups de la vie, ces messieurs en viennent à la conclusion que la révolution d'Octobre a été une « erreur » et qu'il faut donc imaginer quelque chose de mieux, de jamais vu, d'inédit, qui soit totalement à l'abri, hermétiquement, de toute faiblesse et de tout échec. Et, en attendant cette doctrine de salut, les dilettantes ultra-gauches, alliés à des fascistes plus francs, s'occupent de racontars et d'intrigues contre les révolutionnaires. Faut-il des exemples ?


Oh la la. Pas le peine d'analyser ce passage sur des pages et des pages. Ce qui a choqué Thomas, c'est visiblement le membre de phrase : "alliés à des fascistes plus francs" et plus exactement le qualificatif "plus francs" qui assimile les "dilettantes ultra-gauches" à des fascistes moins "francs", mais fascistes quand même. Je ne jurerais pas que Trotsky a vraiment écrit ça en russe. P. Broué, qui a publié ce texte en français, a souvent fait appel des traducteurs pas forcément très "politiques", et une inexactitude - finalement sur un seul mot - a pu échapper à l'équipe. Et qu'est-ce exactement qui a été traduit par "ultra-gauches" ?

Trotsky, par-delà les divergences avec tel ou tel courant que Lénine qualifiait de "gauchistes", a toujours considéré la solidarité avec la révolution russe comme une ligne de clivage parmi tous ceux qui se disaient anti-staliniens. Il polémiquait certes, mais comme avec des camarades, avec de nombreux révolutionnaires "gauchistes" (comme Bordiga ou Korsch). Trotsky n'a jamais manié l'amalgame comme arme politique. Il voulait éclairer au maximum la conscience de la classe ouvrière et utiliser les amalgames ne fait qu'obscurcir les choses.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Puig Antich » 05 Sep 2005, 22:40

Y as t'il une autre traduction disponible de ce texte, ça pourraît être intéressant?
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Message par Ottokar » 06 Sep 2005, 09:06

les mémoires de Krivitsky ont été rééditées il y a un certain temps, je les avais lues... Un film avec Dutronc, Nathalie Baye et Claude Brasseur s'en était inspiré ("L'ombre rouge") avec un fin un peu meilleure car Dutronc-Krivitsky finissait recueilli par les trostkystes. Par contre, dans mon souvenir, les mémoires de Krivitsky faisaient un peu confidences à la CIA. Autant que je me souvienne, il s'est retiré de la politique et il est mort aux USA... Si c'est une allusion à Krivitsky, on comprend que Trostky soit frappé par le contraste entre la lettre d'Ignace Reiss et le passage de Krivitsky de Staline aux camp des "démocrates", c'est-à-dire à la bourgeoisie.
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