éphéméride Prévert

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par Apfelstrudel » 04 Fév 2006, 15:35

Je ne connaissais pas les deux premiers poèmes. Et ceux qu'on connaît on ne s'en lasse pas ! :wub: :wub:
Je le quote ici pour ceux qui le rateraient aujourd'hui.

a écrit :4 février 1900 : naissance de Jacques Prévert
Jacques Prévert s'en est allé le 11 avril 1977. Il était né 77 ans plus tôt, le 4 fevrier 1900, à Neuilly-sur-Seine, dans la banlieue de Paris.

Il a raconté son enfance dans un texte qui ouvre le recueil Choses et Autres et où il évoque la fête des premières années et les soucis qui suivirent.

On y apprend que son père André Prévert travaillait à «la Providence», une grande compagnie d'Assurances de Paris, mais ne s'intéressait que médiocrement aux accidents et aux incendies. Il faisait ce métier « en attendant », disait-il, mais sans donner « jamais aucune précision sur ce qu'il attendait ». Il était bien plus passionné de théâtre et écrivait un peu dans les journaux, en qualité de critique dramatique.

De famille bourgeoise, il avait pourtant épousé une jeune fille pauvre qui aidait sa mère à faire des sacs de papier pour les marchands des Halles et le couple avait eu un premier enfant, de deux ans l'ainé de Jacques.

Le poete raconte aussi la naissance de son jeune frère, Pierre, qui devint cineaste, le chômage et les ennuis de plus en plus graves auxquels durent faire face ses parents, leurs déménagements dans Paris, puis, après la saisie du mobilier, à Toulon, et comment il empêcha son père de se suicider.

Celui-ci retrouve enfin un emploi, à l'Office central des Pauvres de Paris: il s'agissait d'aller «visiter les pauvres pour savoir s'ils méritent qu'on leur vienne en aide», visites instructives pour le petit Jacques qui accompagnera souvent son père le jeudi, découvrant des misères qu'il n'imaginait pas.

Le reste de la semaine, c'est l'école où il s'ennuie la plupart du temps, dans l'attente du jardin du Luxembourg et des jeux. Il aime lire (David Copperfield, les Trois Mousquetaires, les Mille et Une Nuits, le Tour de France par deux enfants, Sitting Bull, la Case de l'Oncle Tom). Il découvre le cinéma. Dès l'âge de 13 ans il s'efforce de gagner sa vie et pour cela il exerce toutes sortes de métiers, plus ou moins avouables.

Durant son service militaire il fait la connaissance du futur peintre surréaliste Yves Tanguy puis de Marcel Duhamel, futur directeur d'une collection de romans intitulée, suivant la suggestion de son ami Jacques, «la Série Noire».



Après le service, Prévert travaille au Courrier de la Presse où il prend l'habitude de parcourir rapidement les journaux el d'en extraire les informations les plus significatives, odieuses ou cocasses (il mettra ce talent en œuvre beaucoup plus tard dans un livre d'entretiens avec André Pozner Hebdromadaires).

A 23 ans, il commence à figurer dans des films puis Marcel Duhamel l'heberge avec Yves Tanguy dans une maison rue du Château où se réuniront fréquemment les Surréalistes Jacques Prévert retrouve là Louis Aragon qu'il avait connu enfant et devient l'ami d'André Breton, Benjamin Péret Robert Desnos, Michel Leiris, Raymond Queneau, Philippe Soupault, d'autres encore.

Les premiers textes de Jacques Prévert sont publiés dans des revues en même temps que son nom apparait au générique de films (notamment de Pierre Prévert puis de Jean Renoir dont il a écrit le scénario et les dialogues).

Entre 1932 et 1936, il rédige de nombreux textes pour une troupe théâtrale qui, en souvenir de la révolution d'Octobre 1917, prend le nom de «Groupe Octobre» et qui, à la recherche d'un public populaire, se produit dans les usines ou les magasins en grève : tentative d'un théâtre d'expression très directe, lié à l'actualité politique, tourné vers l'action immédiate.

Au terme de cette expérience, Jacques Prévert fait la rencontre de Marcel Carné avec lequel il va donner au cinéma français, dans des genres différents, quelques-uns de ses plus grands chefs-d'œuvre: Drôle de drame (1937), le Quai des brumes (1938), les Visiteurs du soir (1942), les Enfants du Paradis (1945), les Portes de la nuit (1946), etc.

Parallèlement, il signe aussi les dialogues de très beaux films d'autres réalisateurs : Jean Grémillon (Lumière d'été, 1943), Christian-Jaque (Sortilèges, 1944) avec lequel il avait travaillé avant-guerre aux Disparus de Saint-Agil (dont des enfants sont les protagonistes), André Cayatte (les Amants de Vérone, 1949).

Désormais Jacques Prévert est célèbre. La publication en 1945 par René Bertelé du premier recueil de ses textes, Paroles, connait un immense retentissement, encore accru par les chansons de Joseph Kosma qu'interprétent Juliette Gréco, Yves Montand, Mouloudji...

De sa femme Janine, avec laquelle il vivra un discret mais profond amour de plus de trente annees, il a une fille Michèle,

Et tout se passe alors comme si c'était un peu en pensant à elle qu'il écrit successivement Contes pour enfants pas sages et le Petit Lion (1947), le commentaire du film d'Albert Lamorisse Bim le Petit Ane (1949) ou le scénario et les dialogues de la Bergère et le Ramoneur de Paul Grimault (1950, 2e version: 1979, sous le titre le Roi et l'Oiseau), et plus tard, l'Opéra de la lune avec des images de Jacqueline Duhême (1953).



Les recueils poétiques se succèdent: Histoires (1946-1963), Spectacle (1951), la Pluie et le Beau Temps (1953), mais il ne renonce pas au cinéma, adaptant Notre-Dame de Paris de Victor Hugo pour Jean Delannoy (1956) ou racontant l'histoire d'Agnès Bernauer dans les Amours célèbres de Michel Boisrond (1961).

De nombreux peintres (Braque, Picasso, Calder, Miro, Max Ernst) et photographes (Brassaï, Ylla, Izis, André Villers, Robert Doisneau) sont ses amis et illustrent ses livres lorsque ce n'est pas lui qui figure sur leurs portraits ou qui présente leurs œuvres. Tous l'encouragent à cultiver son goût des collages qui se manifeste enfin dans Fatras (1966) et Imaginaires (1970).

Avec son frère Pierre, il travaille aussi pour la télévision: le Petit Claus et le Grand Claus (1964) d'aprés Andersen, et la Maison du Passeur (1965) font les délices de ceux qui ont la chance de les voir. Il fait paraitre Arbres (1968) avec des gravures de Georges Ribemont-Dessaignes.

Un ultime recueil composé avec René Bertelé, Choses et Autres (1972), livre à ses lecteurs, à côté de souvenirs d'enfance, le témoignage de sa jeunesse intacte et de sa sympathie avec tous les mouvements de libération. Mais Jacques Prévert n'a pas fini de nous surprendre car il laisse beaucoup de textes que révèlent notamment un volume publié en 1980 sous le titre Soleil de nuit et un autre en 1984: La cinquième saison.



Jacques Prévert / 1900-1977 / Paroles - Souvenirs de famille ou l'ange garde-chiourme

Il nous lisait toujours la même histoire, triste et banale d'un homme [Jésus] d'autrefois qui portait un bouc au menton, un agneau sur les épaules et qui mourut cloué sur deux planches de salut après avoir beaucoup pleuré sur lui-même dans un jardin, la nuit. C'était un fils de famille qui parlait toujours de son père - mon père par-ci, mon père par-là, le royaume de mon père - et il racontait des histoires aux malheureux qui l'écoutaient avec admiration, parce qu'il parlait bien et avait de l'instruction.
Il guérissait les hydropiques, et il leur marchait sur le ventre en disant qu'il marchait sur l'eau, et l'eau qu'il leur sortait du ventre, il la changeait en vin; à ceux qui voulaient bien en boire, il disait que c'était son sang.
Assis sous un arbre, il parabolait: « heureux les pauvres d'esprit, ceux qui ne cherchent pas à comprendre, ils travailleront dur, ils recevront des coups de pied au cul et ils feront des heures supplémentaires qui leur seront comptées plus tard dans le royaume de mon père. »




Jacques Prévert / 1900-1977 / Paroles - La crosse en l'air [feuilleton]

… mais le pape l'interrompt
Ah! Foutez-moi la paix à la fin
je ne suis tout de même pas arrivé à mon âge et à la haute situation pour me laisser emmerder par un malheureux petit libre penseur de rien du tout
venu je ne sais d'où
Je ne suis pas libre penseur dit le veilleur
je suis athée
Hein quoi dit le Saint-Père
et l'autre dans le tuyau de son oreille
l'autre se met à gueuler
Allo allo Saint-Père vous m'entendez
athée
A comme absolument athée
T comme totalement athée
H comme hermétiquement athée
E accent aigu comme étonnement athée
E comme entièrement athée
pas libre penseur
athée
il y a une nuance






Jacques Prévert / 1900-1977 / Paroles - Pater Noster

Notre père qui êtes aux cieux
Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York
Et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité
Avec son petit canal de l'Ourcq
Sa grande muraille de Chine
Sa rivière de Morlaix
Ses bêtises de Cambrai
Avec son océan Pacifique
Et ses deux bassins aux Tuileries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde
Qui sont là
Simplement sur la terre
Offertes à tout le monde
Éparpillées
Émerveillées elles-mêmes d'être de telles merveilles
Et qui n'osent se l'avouer
Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde
Qui sont légion
Avec leurs légionnaires
Avec leurs tortionnaires
Avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs
Reîtres
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons


:smile:

"pas libre penseur
athée
il y a une nuance."
Apfelstrudel
 
Message(s) : 0
Inscription : 05 Avr 2004, 10:26

Retour vers Tribune libre

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 13 invité(s)

cron