N'éteignons pas les lumières

[youri1968]

Un artcicle très intéressant de la situation actuelle voici quelques extraits:

«L'idée de critique est consubstantielle aux Lumières», rappelle Tzvetan Todorov. Et elle ne peut pas avoir de limites, puisqu'elle repose sur le subjectivisme: par définition, l'usage, par les uns, de leur liberté d'expression déplaira aux autres, mais ce déplaisir, qui peut aller jusqu'à la souffrance morale, est le prix de cette liberté pour tous

L'un des fondements des Lumières a été brutalement contesté par l'affaire danoise: la distinction entre les réalités et les croyances, le discours religieux et le discours scientifique, opposition devenue une évidence en Europe, mais qui anima le XVIIIe siècle, ainsi que le montrent nombre de documents de l'exposition Lumières! témoignant d'une lutte alors vive entre le raisonnement scientifique et l'obscurantisme, dont nous avons perdu le souvenir.

L'universalisme décline sous l'influence du relativisme culturel: le principe de l'égalité devant la loi s'applique à géométrie variable

C'est le grand retour du maurassisme: la tribu, le groupe, le sang, la race priment de plus en plus sur l'individu autonome, émancipé de toute dépendance, qu'avaient voulu les Lumières. Le «droit à la différence» en vogue dans les années 1980 en Europe - y compris en France, où le modèle républicain fut quasiment mis entre parenthèses - a conforté la dynamique communautaire d'Européens d'immigration récente et venus d'horizons étrangers aux principes des Lumières.

Il y eut un mouvement des Lumières au sein des élites musulmanes à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Epoque où, parmi bien d'autres, le mufti d'Egypte Muhammad Abduh affirmait que, en cas de conflit entre la Raison et la tradition religieuse, «c'est à la Raison qu'appartient le droit de décider». De même, Qasim Amin revendiqua l'égalité de l'homme et de la femme dans une société totalement mixte. Et Ali Abderraziq proposa de renoncer au système de pouvoir de l'Etat islamique pour adopter la forme des Etats européens, séparant pouvoirs spirituel et temporel. Ce mouvement des Lumières a échoué.

Les Lumières, fragiles, peuvent s'éteindre si elles ne sont pas défendues

Dernière différence qui nous sépare des artisans des Lumières: ils avaient conscience de la fragilité et de la contingence de leurs valeurs, parce qu'ils avaient connu l'absolutisme et le poids des préjugés qui lui préexistaient. Ils savaient qu'il fallait défendre avec conviction, et en permanence, l'esprit des Lumières. En Grande-Bretagne, où une chaîne de télévision a récemment annulé la diffusion d'un documentaire sur les abus contre les filles musulmanes pour éviter d' «augmenter la tension communautaire»

Ca vaut la peine de prendre le temps de lire tout le texte

[Raymond]

Est paru récemment:

Les anti-lumières de Zeev Sternhell



La déliquescence dans nos sociétés et nos organisations politiques des valeurs universelles que nous devons aux Lumières
franco-kantiennes » ne procède pas de la génération spontanée. Dès le XVIIIè siècle et tout au long des deux cents dernières années s'est édifiée une autre tradition - une autre modernité. Sur une argumentation similaire, elle a fait la guerre aux Lumières. L'une des raisons de la cohérence interne de cette pensée qui s'en prend aux Lumières tient au fait que tous ses hérauts se lisent les uns les autres avec une grande attention. Pour l'historien des idées, leur ÷uvre constitue un matériau premier, mais en même temps ils sont chacun à son tour interprètes de la pensée de leurs prédécesseurs, historiens des idées, critiques de la culture, philosophes politiques et aussi publicistes de renom.
Tanne écrit longuement sur Brute et Carline, Meinecke consacre de longs développements à Burke et une centaine de pages à Herder, pour Renan Herder est le « penseur-roi », Maistre suit Burke et est lui-même suivi par Maurras, Sorel attaque les Lumières avec la même hargne que Maurras, Croce lit Vico avec le même enthousiasme que celui avec lequel Meinecke se penche sur Herder. Le concept de l'imperméabilité des cultures de Spengler poursuit et développe la pensée de Herder. Isaiah Berlin écrit avec un ravissement semblable sur Vico et Herder et subit l'influence de Meinecke. Il attaque d'une manière comparable les Lumières françaises et, en produisant sa propre version de leur oeuvre, ajoute dans la seconde moitié du XXè siècle un nouveau maillon à la culture politique des anti-Lumières.
Avec la rigueur et l'esprit méthodique qu'on lui connaît, le grand historien israélien Zeev Sternhell établit avec précision une généalogie convaincante des anti-Lumières (ou des contreLumières, si l'on préfère). Ce faisant, il éclaire les enjeux de notre temps tant il est vrai que les maux contre lesquels ont combattu les Lumières sont de tous les temps. Pour éviter à l'homme du me siècle de sombrer dans un nouvel âge glacé du conformisme, la vision prospective créée par les Lumières d'un individu maître de son présent, sinon de son avenir, reste irremplaçable.
Zeev Sternhell, professeur d'histoire des idées, occupe la chaire LéonBlum de science politique à l'université hébraïque de Jérusalem.

595 pages
édition : avril 2006


Disponible à La Brèche

[Jacquemart]

Cette manière de discuter de la lutte des "Lumières" contre l'obscurantisme en dehors de toute référence aux classes sociales, à leur lutte, au mouvement ouvrier et à sa conscience politique, est d'une - fausse - naïveté assez sidérante plus de 150 ans après la'élaboration de la philosophie matérialiste de l'Histoire.

Je sais que dans bien des milieux politiques, il est de bon ton de touver que "citoyen" sonne d'une manière plus agréable que "camarade", il n'en reste pas moins que si on lutte contre les intégristes avec pour seule arme le Culte Apolitique de la Raison, on n'est pas près de gagner.

[logan]

C'est tout de même très politique cette manière de poser le problème

Précisons tout de suite que les extraits sont tirés de L'Express... journal appartenant au marchand d'armes Serge Dassault.
Pour en savoir plus sur ce qu'est l'Express voir ici

Mettre l'Islam en cause avant tout le reste c'est à la mode en ce moment. Et le pape, il n'est pas obscurantiste? :124:
Ca permet aux médias de dire que le principal problème ce n'est pas la dégradation de la situation sociale mais la menace islamiste (brr) et l'immigration.

Toutes les religions sont réactionnaires car elles ont pour fonction de consoler les travailleurs et de les endormir là où ils ont besoin de s'éveiller et de s'organiser.
La dégradation des conditions de vie dans la société est un formidable marchepied pour les religions et superstitions en tout genre, en l'absence de lutte d'ensemble des travailleurs.
Quand on tombe, on se raccroche à n'importe quelle branche.
Ca, l'Express ne le dit pas. :whistling_notes:

Le meilleur moyen de se débarrasser de l'obscurantisme c'est de renforcer chez les travailleurs la foi... en eux-mêmes, et dans leur capacité à remplacer cette société absurde. Il n'y a que de là que la lumière jaillira. :hinhin:
Et ça l'Express ne le dit pas non plus.

[clavez]

je crois que le problème de sternell est de chercher des racines à l'antisémitisme, et d'en trouver partout, surtout dans la gauche française.
l'histoire de la pensée ressemble facilement à des procès d'intention. Particulièrement chez sternel pour qui tout ce qui retourne de la justification par l'action est proto-fasciste, ce qui inclu bergson et peut-être victor cousin.