D'abord, la lutte travail-capital est un schéma qu'il faut réactualiser, ou disons ... retemporaliser... : [je retranscris]
a écrit :La crise n'est pas passagère, on assiste à une crise généralisée de la valeur, de la mesure de la richesse, du travail, des échanges, des biens naturels par le marché, donc par la valeur marchande. Et à l'évidence, alors que la productivité s'est développée, au lieu de produire de la créativité humaine, de la disponibilité civique, etc., on a une montée dans les centres, y compris dans les centres européens et états-uniens... 37 millions de chômeurs hors couverture médicale aux Etats-Unis : c'est une aberration, il n'y a aucune logique à ça ! Pourquoi la croissance devrait-elle produire davantage de pauvreté et d'exclusion ? [...] on est dans une crise de type là et derrière il y a le capital. Il n'absorbe pas tout [...] ce n'est pas réduire tout à la contradiction unique, vous avez employé les mots de contradictions secondaires, elles ne sont pas secondaires, mais elles relèvent d'une autre temporalité. L’oppression des femmes n'est pas réductible au capital, ce serait idiot de le dire, mais il y a là un noeud : c'est que les femmes qui sont exploitées, opprimées, domestiquement, sont en plus celles qui subissent, par exemple, en Amérique latine, les effets des dégâts écologiques quand elles ont en charge la famille et l'alimentation. donc il y a des oppressions qui se croisent, qui se combinent...
A Philippe Raynaud, philosophe anti-communiste, professeur de sciences politiques à Paris II et à l'institut d'études politiques, auteur des "Nouvelles radicalités de l'extrême-gauche" (?), et qui ne croit donc pas à l'"affrontement du prolétariat et de la bourgeoisie" ("je ne vois aucune raison de supposer, sous prétexte que le monde marchand est incapable de produire des régulations suffisantes, que la solution de l'avenir se trouve dans la relance du projet de la révolution prolétarienne"), Bensaïd répond ce machin :
a écrit : C'est ce qu'il faut décliner derrière le terme de révolution. il appartient à un ensemble de vocabulaires qui tournent autour de la révolution française, donc on peut considérer que tout cet héritage conceptuel, de citoyenneté, de souveraineté, est aujourd'hui mal mené, ébranlé, le mot de révolution n'est pas ressorti indemne... Le siècle a eu lieu, comme dit Badiou... le XXe siècle et ses désastres. Mais il n'empêche qu'il exprime toujours une aspiration qui a traversé depuis les hérésies religieuses l'aspiration à un "monde autre". il y a cet irréductible, l'aspiration à un monde meilleur, au royaume de Dieu sur terre. Et puis, il y a la version profane de cette révolution, qui, pour moi, n'est pas liée à un schéma lyrique, prise du Palais d'Hiver, débarquement à Cuba, mais simplement il y a l'opposition de plus en plus effective entre deux logiques qui sont une logique de concurrence , de profit, de lutte de tous contre tous, dont la forme extrême est la guerre de tous contre tous, et les guerres actuelles, et le monde actuel, contrairement à ce qu'avait promis Bush père à la chute du mur de Berlin, n'est pas pacifié, mais a connu une recrudescence des guerres... ; et l'autre logiciel, c'est de pousser -- je dis pas la forme, le régime, bien sur on pourrait changer des idées là-dessus -- mais de pousser la logique, qui justement se trouve dans les ailes radicales du mouvement social, de comment redéfinir un principe de service public, et des droits sociaux qui lui sont associés, et tenter d'étendre, si tant est que nous devrions tous devenir des intermittents du travail, comment étendre le droit au revenu par une socialisation du salaire, et comment étendre, comment décliner le bien commun de l'humanité, qui se pose pas seulement pour la terre, dans des pays comme l'Asie, l'Afrique ou l'Amérique latine, mais qui se pose pour l'eau à travers le droit à polluer, qui se pose pour les mers et qui se pose pour les connaissances. Est-ce qu'on acceptera la privatisation du séquençage du génome, des langages informatiques ou du théorème de Descartes ou de la poussée d'Archimède ?
Je précise qu'il s'agit d'une émission destinée à la philosophie, aux sciences humaines en rapport avec les grandes "questions" contemporaines. Il s'agit, en somme d'y parler, sciences, théorie et conviction. Et qu'elle constitue donc bien l'un des rares endroits sur les ondes où l'on peut dépasser les discussions politiques habituelles sur les revendications et dire ce que l'on pense dans le fond, dire que notre conviction réside dans la lutte de classes et la prise du pouvoir par les travailleurs, dire que c'est là la seule réponse des révolutionnaires à la question du "bien commun de l'humanité".
Souvent, la forme révèle le fond et ce n'est pas toujours très rassurant...