Enfin, nous y voici :
Mars 1919, ça va être la création de la IIe Internationale, mais l'ambiance est morose, selon Angelica Balabanoff.
C’est dans une salle du Kremlin, au début de mars, tout juste un mois après la clôture de la conférence de Berne, qu’eut lieu le lancement de cette nouvelle Internationale qui, en quelques années, allait devenir l’épouvantail de toutes les nations du monde.
A Berne, les délégués de l’aile droite et du centre s’étaient violemment affrontés, principalement sur la question de la Russie et des Bolcheviks et sur la reconstitution de la Seconde Internationale. Plusieurs partis socialistes – ceux d’Italie, de Suisse, de Serbie, de Roumanie et d’Amérique – s’étaient abstenus d’envoyer des délégués. Mais l’aile droite l’avait emporté, et l’on avait sévèrement condamné les méthodes de « dictature » employées en Russie.
J’étais à peine installée à Kiev que Rakovsky et moi-même fûmes rappelés à Moscou pour assister à la conférence communiste, Rakovsky comme représentant de la Fédération social-démocrate révolutionnaire des Balkans et moi comme secrétaire du Zimmerwald. Nous arrivâmes pour la séance du second jour et j’eus l’impression que même les longs et impressionnants discours de Lénine, Trotsky et Zinoviev ne parvenaient pas à hausser la réunion au niveau d’un événement historique; en observant les délégués et les invités qui peuplaient la salle, j’eus le sentiment d’une sorte de malaise. Quelque chose sonnait faux et contredisait l’esprit dans lequel la réunion avait été prévue. (Arthur Ransome, le journaliste anglais qui assistait à la conférence, déclara plus tard qu’ « on s’était toujours senti à côté de la question ».)
Sur les trente-cinq délégués et les quinze invités présents, le Comité central avait sélectionné les trois quarts. Ils provenaient des soi-disant « partis communistes » des petites nations anciennement comprises dans l’empire russe : Esthonie, Lettonie, Lithuanie, Ukraine et Finlande; ou bien c’étaient des prisonniers de guerre ou des radicaux étrangers qui se trouvaient par hasard en Russie à ce moment-là.