Écriture inclusive en langue française

Marxisme et mouvement ouvrier.

Re: écriture "dé-genrée" (dégénérée ?)...

Message par Plestin » 04 Déc 2020, 10:40

... et dans toute démarche qu'ilLEs ... ?
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Re: écriture "dé-genrée" (dégénérée ?)...

Message par cali » 01 Jan 2021, 12:17

com_71 a écrit :
lutte ouvrière a écrit :l’accord dit de proximité qui permet d’écrire « les hommes et les femmes sont belles » plutôt que « les hommes et les femmes sont beaux ».


Mais "mon frère et ma soeur sont belles" serait déjà plus difficile à faire accepter par l'usage. Même si "mon frère et ma soeur sont beaux" est critiquable, ça passe mieux. L'argument "le masculin a acquis un statut de neutre" a une certaine consistance linguistique.

Seuls des changements sociaux bien plus profonds que des petites incursions de la petite bourgeoisie journalistique ou enseignante dans le domaine de la langue pourront quelque chose dans ce domaine.


Je reviens sur le sujet. En Belgique en 2020, le mouvement de solidarité Black Lives Matter a évolué en une réjouissante chasse aux statues du roi Léopold II et d'administrateurs belges du Congo, qui a contraint les médias à étaler le CV de ces criminels. Petit détail : ceux qui taggaient ces statues de peintures rouges étaient des congolais. En contrecoup, les réactions de l'opinion des blancs de façon unanime, y compris naturellement les gens de gauche et anti-racistes, a été de s'offusquer de ces atteintes à "l'histoire", la "culture",le "patrimoine", etc. Un moment très intéressant. Je vous raconte cela pour dire que je ne crois pas une seconde à cette histoire "du masculin qui aurait acquis le statut de neutre linguistique". A ceux qui ne voient pas le rapport entre les statues et la défense de la belle langue Françoise, je répond : l'oppression est transparente, imperceptible, lorsque l'on est du bon coté du manche, et mes camarades masculins feraient bien de ne pas jouer à cache-cache avec leurs privilèges, cela joue des tours.
J'en viens à l'argument que ce mouvement (sur l'écriture genrée) est "petit-bourgeois". Mais toutes les luttes d'idées, y compris le communisme, sont menées par la petite-bourgeoisie. Critiquer le contenu en restant sur le constat du milieu qui agit, c'est superficiel. Veut-on parler de la nature historique d'un but politique ? Mais le temps des révolutions bourgeoises a passé, le patriarcat, le racisme, l'oppression nationale restent et cela devient également les tâches de la révolution prolétarienne. Arguer de la nature de classe d'une protestation pour la disqualifier, c'est raisonner d'une façon métaphysique. C'est croire que le socialisme générera automatiquement, par des mécanismes abstraits et sans liens avec les luttes d'idées antérieures, les antidotes contre la haine des femmes, le racisme et les autres formes d'oppression. Les communistes n’ont pas à souligner les limites de classes d’une révolte ou d’une protestation contre l’oppression. Ils ont seulement à compléter cette révolte en expliquant les causes sociales de cette oppression et en démontrant en quoi et comment toutes ces formes d’oppression sont en définitive liées à la domination de classe.
Je termine. Je ne crois pas que la dénonciation de l’écriture genrée puisse déboucher sur une solution grammaticale cohérente. Le langage est une production sociale complexe et dynamique créé par d’innombrables interactions en lien avec les préoccupations et l’expérience des locuteurs. Oui, un langage dont la structure et les règles ne nous obligera plus à répéter, d’une façon humiliante et aliénante, les antiennes du patriarcat, ne pourra se développer que dans une société débarrassée des classes sociales et de l’oppression des femmes. Est-ce que cela doit nous empêcher de dire à une femme, une petite-bourgeoise : « je partage ton indignation et le la prend tout à fait au sérieux, c’est pour cela que je suis communiste » ?
cali
 
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Re: écriture "dé-genrée" (dégénérée ?)...

Message par artza » 02 Jan 2021, 06:10

Le programme communiste n'est pas une caméléonie, féministe le matin, écolo l'après-midi, antiraciste musulman à dix-huit heures, et anti-antisémite après 22 heures.

Ce n'est pas une convergence rêvée de "luttes" plus médiatiques que d'idées, qui le plus souvent s'opposent ou se nient dans la vraie vie.

Les féministes (petite)bourgeoises ne supportent pas le communisme (classe ouvrière consciente organisée), faut-il expliquer pourquoi?

De même l'universitaire racisé ne peut supporter l'ouvrier et encore moins l'ouvrière communiste "blanche".


Les communistes ne peuvent que prendre l'oppression des femmes bien plus au sérieux c'est à dire à la racine que toutes les féministes petites ou grandes bourgeoises les plus sincères. La révolution en Russie ne fut-elle pas remarquable dans ses premières années?

Pour l'avenir de la langue c'est l'usage qui finira par faire loi.
Déjà ne dit-on pas, "t'es où?","t'as mal où?", "tu fais quoi?", "ça veut dire quoi?".
Non mais franchement.
Salut et fraternité pour ce nouvel an :D
artza
 
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Re: écriture "dé-genrée" (dégénérée ?)...

Message par cali » 02 Jan 2021, 19:19

Bonjour Artza,

Moi aussi je te souhaite une bonne année militante.

Ton court message a l’avantage de faire prendre l’air à certains préjugés fréquents chez mes camarades et c’est l’occasion de les exposer à la lumière.
Tu écris que « les féministes petites-bourgeoises sont hostiles au communisme ». Cette généralisation n’est ni exacte, ni utile d’un point de vue militant. Dans mon milieu professionnel, celui de l’archéologie, les collègues apprennent à se mobiliser contre l’aggravation de leur condition de travail et la précarité. Or dans ce milieu sans tradition militante et aux habitudes de soumission bien ancrées, l’influence du féminisme a été importante car, dans cette profession très féminisée, les premiers actes d’opposition à l’autorité et de comportements militants l’ont été sur le terrain de la protestation contre les inégalités hommes-femmes. Les féministes petites-bourgeoises que je rencontre dans ce contexte se sont révélées intéressées par le point de vue matérialiste-historique sur l’oppression des femmes et ne manifestent pas d’hostilité à la perspective communiste. Et il est facile de trouver des exemples de féministes qui ont porté un respect sincère aux militants communistes. Gisèle Halimi, par exemple, avait demandé à Arlette Laguilier de venir témoigner au procès où elle défendait une ouvrière qui s’était fait avorter. Trouver des exemples inverses est tout aussi facile ? Peut être. Mais on ne base pas notre politique sur la sympathie ou l’antipathie que nous inspire les représentants momentanés d’un courant social. Le fait déterminant est que l’oppression des femmes ne peut que engendrer un mouvement de protestation profond, large, à l’échelle de la société, et que cette protestation est juste et nécessaire. Aujourd’hui, la seule éducation politique réelle pour l’ égalité des sexes est assurée par les différents courants féministes que l’ont peut qualifier de bourgeois quant à leur contenu politique. Cela n’en reste pas moins une éducation et un exemple qui sert de points d’appuis à de centaines de millions de femmes dans le monde, y compris dans la classe ouvrière, mais même jusque dans les milieux ruraux arriérés du Tiers-Monde. Et heureusement que cette protestation, cette lutte existe, qu’elle a cet impact, ce que les petits groupes communistes seraient bien incapables de provoquer. Bon nombre d’idées, de principes et de normes sociales indispensables aux rapports socialistes sont défendus et développés par des courants étrangers au communisme.
Mais ce n’est pas tout. Je fait le constat, et je ne suis certainement pas le seul, que le résultat de nos expériences de mobilisation collective fait qu’il est à présent plus facile d’obtenir la solidarité des collègues archéologues, petites-bourgeoises, féministes, Bac+6, Bac+7, avec des ouvriers de fouilles que de la part des syndicalistes de notre milieux (je ne généralise pas à tous les syndicalistes :-) ), très hostiles à une mobilisation qui leur échappe, hostiles même au fait même de militer. Le même constat peut certainement être tirés dans tous les milieux qui font l’expérience de luttes collectives. Ne serait-ce pas là « la convergence des luttes » réelle et non celle rêvée par le NPA et moquée par Artza ? Nous marxistes, apprenons et comprenons que les oppressions sont solidaires entre elles, qu’une classe bourgeoise qui exploite la majorité laborieuse de la population ne peut pas ne pas s’appuyer sur le patriarcat et le racisme pour diviser ceux qu’elle doit écraser. Mais c’est pour la même raison que les révoltes contre ces différentes oppressions peuvent être solidaires, elles aussi. Cette solidarité n’est pas automatique ? C’est vrai. Dans la lutte des classe, rien n’est automatique, et en définitive, tout se joue aux rapports de force. Mais la force politique du prolétariat consiste à incarner par ses perspectives les aspirations de tous les milieux opprimés, et construire cette force là ne peut se faire à coup de jugements lapidaires sur les combats menés par d’autres courants, y compris bourgeois et petit-bourgeois.
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Re: écriture "dé-genrée" (dégénérée ?)...

Message par com_71 » 02 Jan 2021, 22:46

cali a écrit :la force politique du prolétariat consiste à incarner par ses perspectives les aspirations de tous les milieux opprimés, et construire cette force là ne peut se faire à coup de jugements lapidaires sur les combats menés par d’autres courants, y compris bourgeois et petit-bourgeois.


La force politique du prolétariat, c'est d'abord d'être la classe qui doit être l'accoucheuse d'une nouvelle société, et qui peut l'être, par sa place dans les rapports de production actuels.
Cela nécessite que cette perspective soit défendue et incarnée dans un parti qui reste à construire. Sa construction n'a effectivement que faire de jugements lapidaires. Par contre elle nécessite une confrontation au moins politique, mais sans doute pas seulement, avec bien des courants qui veulent bien mener des combats estimables mais refusent obstinément l'objectif de la prise de pouvoir par la classe ouvrière.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: écriture "dé-genrée" (dégénérée ?)...

Message par cali » 03 Jan 2021, 17:41

Cela nécessite que cette perspective soit défendue et incarnée dans un parti qui reste à construire. Sa construction n'a effectivement que faire de jugements lapidaires. Par contre elle nécessite une confrontation au moins politique, mais sans doute pas seulement, avec bien des courants qui veulent bien mener des combats estimables mais refusent obstinément l'objectif de la prise de pouvoir par la classe ouvrière.

Là nous sommes entièrement d'accord. J'aspire à cette confrontation politique, y compris avec le féminisme, et c'est pour cela que je suis impatient que mes camarades cessent de confondre cette confrontation politique avec une forme de mépris social inversé à l'égard de la petite-bourgeoisie.
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Écriture inclusive en langue française

Message par com_71 » 07 Mai 2021, 06:46

Le sujet avait déjà été abordé sur le Falo, surtout - on se demande bien pourquoi - ;) dans "sur le site du NPA". Il y a du nouveau :
Jean-Michel Blanquer interdit officiellement l’écriture inclusive à l’école
Par ClaireConruyt • Publié le 06/05/2021 Le Figaro

«Dans le cadre de l’enseignement, la conformité aux règles grammaticales et syntaxiques est de rigueur».

Dans une circulaire publiée au Bulletin officiel, Jean-Michel Blanquer soutient que cette graphie «constitue un obstacle à la lecture et à la compréhension de l’écrit».

«La langue française «ne doit pas être triturée ou abîmée», affirmait Jean-Michel Blanquer au JDD dimanche 2 mai. Il en a profité pour rappeler la circulaire d’Edouard Philippe qui, en 2017, interdisait l’usage administratif de l’écriture inclusive. Avant d’ajouter: «Nous allons clarifier le fait que c’est vrai aussi dans nos usages pédagogiques.»

C’est désormais chose faite. «Dans le cadre de l’enseignement, la conformité aux règles grammaticales et syntaxiques est de rigueur», peut-on lire dans une circulaire publiée ce jour au Bulletin officiel, signée par Jean-Michel Blanquer et adressée aux recteurs d’académie, aux directeurs de l’administration centrale et aux personnels du ministère de l’Education nationale. «Il convient de proscrire le recours à l’écriture dite ‘‘inclusive’’, qui utilise notamment le point médian pour faire apparaître simultanément les formes féminines et masculines d’un mot employé au masculin lorsque celui-ci est utilisé dans un sens générique.»

La féminisation des métiers encouragée


Cette écriture, avance-t-il, «constitue un obstacle à la lecture et à la compréhension de l’écrit».«L’impossibilité de transcrire à l’oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture à voix haute comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages, notamment des plus jeunes.» Enfin, lit-on, cette graphie peut empêcher les enfants souffrant de certains «handicaps ou troubles des apprentissages» d’accéder au français.

La circulaire encourage néanmoins la féminisation des métiers et des fonctions. «Le choix des exemples ou des énoncés en situation d’enseignement doit respecter l’égalité entre les filles et les garçons, tant par la féminisation des termes que par la lutte contre les représentations stéréotypées.» Jean-Michel Blanquer conclut ainsi: «Je vous remercie de veiller au respect de ces règles communes, qui participent de la promotion et de la garantie de l’égalité entre les filles et les garçons (...) mais aussi des enjeux fondamentaux de transmission de notre langue.»
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Re: Écriture inclusive en langue française

Message par com_71 » 07 Mai 2021, 06:50

Peut-être le sujet sera-t-il abordé dans l'opuscule "Révolutionnons (aussi) l'orthographe" annoncé aux "Bons caractères".
https://www.lesbonscaracteres.com/livre ... rthographe

À ce sujet, GdM avait cité Alain Rey :
Gayraud de Mazars le 30 Oct 2020 a écrit :En 2017, le linguiste Alain REY évoquait la question de l'écriture dite "inclusive"... dans un article du Figaro !
"L'écriture inclusive" va-t-elle mourir d'elle-même ?
Elle est une surréaction, certes compréhensive idéologiquement et moralement, mais à côté de la plaque. Elle est inutile, ne serait-ce que parce qu'elle ne peut pas se représenter à l'oral. Un texte en écriture inclusive ne peut pas se parler. C'est donc une complication ridicule et inutile sur un système qui est déjà, pour des raisons historiques, terriblement compliqué. Cette écriture méconnaît la réalité des choses.
On ne va pas aller saccager 1000 ans d'histoire au nom de quelques années de réflexion idéologique par un usage imposé par une toute petite minorité! Ça ne marchera pas. Mais je ne dis pas que je suis contre.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Écriture inclusive en langue française

Message par com_71 » 07 Mai 2021, 07:37

Un moment de la discussion, plus haut dans le fil :
cali a écrit :
com_71 a écrit :
lutte ouvrière a écrit :l’accord dit de proximité qui permet d’écrire « les hommes et les femmes sont belles » plutôt que « les hommes et les femmes sont beaux ».


Mais "mon frère et ma soeur sont belles" serait déjà plus difficile à faire accepter par l'usage. Même si "mon frère et ma soeur sont beaux" est critiquable, ça passe mieux. L'argument "le masculin a acquis un statut de neutre" a une certaine consistance linguistique.

Seuls des changements sociaux bien plus profonds que des petites incursions de la petite bourgeoisie journalistique ou enseignante dans le domaine de la langue pourront quelque chose dans ce domaine.


... je ne crois pas une seconde à cette histoire "du masculin qui aurait acquis le statut de neutre linguistique"...
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Re: Écriture inclusive en langue française

Message par Cyrano » 09 Mai 2021, 07:49

com_71:
Peut-être le sujet sera-t-il abordé dans l'opuscule "Révolutionnons (aussi) l'orthographe" annoncé aux "Bons caractères".

Bah! Ça fait au moins deux ans que ce livre est annoncé à paraître, puis annoncé à paraître, etc. Les auteurs ont eu le temps de ré-écrire le premier dictionnaire de l'Académie.
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