Pour les péripéties relatées dans ce livre entre le groupe de Staline (avec Zinoviev, Kamenev, Boukharine, etc.) et le groupe des opposants (avec Trotsky, etc.), bin, on peut voir dans le
Trotsky de Jean-Jacques Marie. On peut trouver un parcours rapide de ce sujet (même pas 10 pages) dans le petit livre
Staline de Jean-Jacques Marie, paru aux éditions Librio. D'autres idées?
Lénine a un premier AVC en mai 1922. Il s'en remet un p'tit peu. De retour après sa convalescence, il constate l'importance de la bureaucratisation et la place prise par Staline (ainsi que son assurance arrogante). En décembre 1922, il est victime d'une nouvelle attaque: son coté droit est paralysé (en fait, ce sont deux attaques qu'il subit en décembre) mais il a toujours l'usage de la parole. Il se retire de la vie politique officielle et il continue à communiquer avec des textes dictés à son secrétariat: ce qu'on appelle des lettres (dont la lettre connue sous le nom de "
Testament de Lénine" rédigée fin décembre 1922) ou même carrément des articles publiés dans la Pravda en 1923.
En mars 1923, une dernière attaque prive Lénine de la parole et le transforme en pantin muet. En janvier 1924, ça en sera fini du grand bonhomme. "
Mieux vaut moins, mais mieux" est le dernier article publié du vivant de Lénine, au début de mars 1923. Une petite visite sur le site de marxists.org vous donnera tous ces textes.
Tout ça va si vite. En 1923, ça ne fait que 6 ans que Léon Trotsky a adhéré au parti bolchévique. La NEP date de 2 ans. Et Joseph Staline semble être le nouveau patron, défiant même Lénine.
Léon Trotsky, pas très en forme physique, cogite quand même: en 1923 et 1924, il y a eu la parution de
Cours Nouveau qu'a provoqué un tollé. Et
Les leçons d'Octobre qui ont filé un ulcère à Staline: celui-ci n'est même pas nommé tellement son rôle fut insignifiant dans les journées d'octobre.
Hors-sujet, Il y eut aussi en 1924 la parution d'articles de Trotsky sur l'Europe et l'Amérique. Un petit passage épatant est cité dans le Trotsky de Jean-Jacques Marie :
«
L'Amérique libère toujours quelqu'un : c'est, en quelque sorte, sa profession. […].
Quand elle veut annexer un territoire étranger ou mettre un pays en tutelle, elle organise une petite révolution indigène, puis intervient pour pacifier le pays.»
Hep, mais non, c'est pas paru y'a quelques années, c'est écrit y'a un siècle.
On revient à Max Eastman.
On commence au début, au chapitre premier, sous titré simplement:
Lénine et Trotsky.
Max Eastman y explique pourquoi il décide de parler publiquement des magouilles qui ont accompagné la maladie de Lénine et celles qui ont suivi sa mort. Il justifie aussi sa légitimité à en parler par sa présence en Russie, au moment des faits.
Rien de ce qui s'est passé en Russie n'a été plus mal compris du monde occidental que la crise du parti communiste russe. Il n'est cependant rien que les ouvriers des pays étrangers qui se tournent vers Moscou comme vers un phare, aient plus naturellement le droit de comprendre que cette crise qui précipite dans une opposition silencieuse des hommes comme Trotsky, Rakovsky, Radek, Antonov, Piatakov, Krestinsky, Préobrajensky, bien d'autres amis et auxiliaires de Lénine, et qui concentra le pouvoir entre les mains d'un groupe dominé par Staline, Zinoviev et Kamenev.
J'ai séjourné en Russie pendant le développement tout entier de la crise, j'ai assisté au Congrès du Parti où elle parvint à son point culminant ; j'ai pu, sans nul obstacle, grâce à ma connaissance du russe, pénétrer de plain-pied les faits et les idées impliqués dans tous les débats. J'ai donc pensé faire œuvre utile en exposant les choses franchement, complètement, telles que je les ai vues.
J'ai hésité à le faire pendant plus de six mois : je voulais être sûr que, par delà les fins de la vérité historique, et de la justice individuelle, je servirais surtout la stratégie de la Révolution.
Aujourd'hui, j'en suis convaincu, il est temps que quelqu'un se lève pour exposer les faits dans leur nudité rigoureuse, et non pas d'après les besoins de la politique immédiate ni pour des visées éphémères.
Dans ce chapitre, Le Max résume ce qui opposait Lénine et Trotsky, avant 1917.
Rejetant la théorie .menchevik par laquelle le terme de la Révolution russe était une république bourgeoise, rejetant également le mot d'ordre avec lequel Lénine les combattait : « Dictature démocratique des ouvriers et des paysans », il [Trotsky] avait adopté la conception de la « Révolution permanente » de Marx. Il déclara que la Révolution russe, une fois déclenchée, conduite par des marxistes déterminés, ne s'arrêterait ni à l'un ni à l'autre de ces stades préliminaires, mais que, soutenue par les paysans, elle irait droit à la dictature du prolétariat, inaugurant ainsi l'ère de la Révolution mondiale.
Cette prédiction réaliste, la conception souple et résolue en même temps de la « Révolution permanente étaient extrêmement proches de la méthode intellectuelle de Lénine. Elles conduisirent Trotsky aux côtés de Lénine, dès le moment où commença le vrai travail, alors que les plus anciens «léninistes» reculaient, effrayés par l'audace de son programme d'action.
Lénine ET Trotsky, c'était une évidence pour tous:
Malgré les faits, une extrême jalousie à l'égard de Trotsky subsistait. dans le groupe des vieux disciples de Lénine. L'assurance de Trotsky, une sorte de manque «d'habileté» personnelle, sa confiance en lui-même, n'étaient certainement pas sans lui fournir quelque aliment ; quoi qu'il en soit, il est assez compréhensible que cette jalousie se soit produite.
Trotsky, pour eux, restait toujours le nouveau venu ; par contraste, avec ce don du réalisme qui touchait au prodige chez Lénine, le brillant de Trotsky, sa personnalité originale, frappante, magnétique, leur restait étrangère et leur semblait manquer de fonds; jamais ils n'ont vu en Trotsky l'individu donné, mais uniquement le personnage qui prétend au plan de Lénine. […] Lénine disait toujours : « Lénine et Trotsky » comme nous tous, dans la presse, écrivions journellement «Lénine et Trotsky».