Donc, un bonus du DVD de Max Eastman… C'est l'annexe I, avec son petit chapeau de présentation, signé Max Eastman:
Un petit livre intitulé Silhouettes révolutionnaires et signé A.-V. Lounatcharksky, Commissaire du peuple à l'Instruction publique, vient de me tomber sous la main. J'y trouve un jugement sur Trotsky si juste, si sensible, que je crois intéressant d'en transcrire quelques paragraphes.
Heureusement qu'il transcrit quelques paragraphes, y'en a 8 pages. Je vais donc transcrire quelques extraits de ses quelques paragraphes.
Lounatcharksky voir Trotsky pour la première fois, en 1905, à un meeting à Genève «après les événements de janvier», c'est-à-dire le Dimanche rouge (le 22 janvier dans notre calendrier à nous).
Trotsky, très élégant, – son élégance contrastant avec la mise générale, – était alors très beau. Cette élégance, cette façon de parler, hautaine et désinvolte qu'il avait, me causèrent une impression nettement désagréable. En fronçant les sourcils, je considérais ce gandin qui croisait avec négligence ses jambes l'une sur l'autre, et qui sabrait d'un impérieux crayon le schéma du discours qu'il s'apprêtait à faire...
Puis ce sera le retour en Russie, le soviet de Saint-Péterbourg:
Dès avant son arrestation [suite à la première révolution de 1905], la popularité de Trotsky parmi le prolétariat de Saint-Pétersbourg était considérable. […]
Ce qu'il faut dire, c'est qu'en dépit de sa jeunesse [Trotsky a 26 ans lorqu'il est élu au soviet, en 1905], Trostky était le mieux armé de tous les social-démocrates de 1905 et 1906; c'était lui le moins imprégné de cette espèce d'étroitesse d'esprit qui marquait tous les émigrés et qui entravait même jusqu'à Lénine à cette époque.
[…]
Je tiens à spécifier tout de suite que Trotsky réussit fort mal dans l'organisation, non seulement d'un Parti, mais même d'un petit groupe... Un caractère terriblement impérieux, une sorte d'incapacité ou de mauvais vouloir à se montrer aimable ou attentif avec autrui, une absence totale de ce charme qui, au contraire, environnait Lénine, faisaient l'isolement autour de lui. Jusqu'à certains de ses amis (ses amis politiques, bien entendu) qui devinrent, plus tard, ses ennemis jurés...
Trotsky ne paraissait pas fait pour le travail au sein de groupements. Mais plongé, au contraire, dans l'océan des grands faits historiques où toutes les choses personnelles perdent leur importance, on voyait rayonner ses dons, ses qualités.
[…]
L'oeuvre d'agitation accomplie au printemps de l917 sort complètement du cadre de ce livre, mais je ne puis m'empêcher de mentionner qu'à ee moment, sous l'influence de l'aveuglant et énorme succès, nombreux étaient ceux qui, voyant de près Trotsky à l'œuvre, inclinaient à penser qu'il était le chef authentique de la Révolution.
Hep, rappel: ce n'est pas Max Eastman qui cause, c'est Lounatcharksky. Qui s'emballe et devient lyrique:
Les deux grands dons extérieurs de Trotsky sont l'éloquence et le talent d'écrivain. Trotsky est, à mon sens, le plus grand orateur de ce temps. Il m'a été donné d'entendre les plus grands orateurs parlementaires, toutes les vedettes du socialisme, les plus fameux orateurs de la bourgeoisie; à l'exception de Jaurès, je n'en vois aucun qu'on puisse comparer à Trotsky.
Une prestance magnétique, le geste large et beau, un rythme tout-puissant, une voix infatigable, une merveilleuse solidité de phrase, une fabuleuse richesse d'images, une ironie brûlante, un pathétique débordant, une logique extraordinaire et projetant dans sa lumière les éclairs de 1'acier, telles sont les vertus dont ruissellent les discours de Trotsky.
[…]
En tant que chef, Trotsky, je le répète, ne brille pas dans le domaine de l'organisation du Parti. Il y est comme inapte. Il y est maladroit. Sa personnalité est trop tranchée, c'est cela même qui le gêne.
Evidemment, d'autres ne provoquaient pas cet enthousiasme, ça va se payer, ça se mange froid. C'est écrit en 1923. Ça va vite changer.
Poursuivons la silhouette et allons à la conclusion:
Quand se déchaîne une- grande Révolution, un grand peuple trouve toujours .1'homme qu'i1 faut pour chaque chose. Et c'est un des signes de grandeur de notre Révolution, que le Parti communiste ait su faire surgir, soit de son propre sein, soit des autres partis pour se les annexer alors complètement, un si grand nombre d'hommes de valeur susceptibles de gouverner.
Et parmi tous ceux-là, les deux plus forts entre les forts : Lénine et Trotsky.
A.-V. Lounatcharsky.
Silhouettes révolutionnaires, Moscou, 1923.
Et puis pas que des hommes, y'a eu aussi quelques femmes, eh, ho, OK. On le sait bien.
Pssst: je n'ai pas trouvé le texte en ligne même dans MIA. Si y'en a qui savent mieux chercher que moi…
Fin du bonus.
J'en aurai un autre petit, tout petit. Plus tard.