A bout de souffle...

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Message par com_71 » 26 Déc 2021, 12:57

Éditorial, Le Monde, le 24 décembre 2021 a écrit :Rachats d’actions : quand le capitalisme tourne en rond

Il ne faudrait jamais oublier que le but du capitalisme actionnarial consiste avant tout à stimuler la croissance et l’innovation, et non à se répartir un butin. Le retour en force des rachats d’actions donne l’impression d’un capitalisme en panne de perspectives.

La trêve aura été de courte durée. Après un rapide passage à vide au plus fort de la crise pandémique, les grandes entreprises cotées se remettent à racheter massivement leurs propres actions. Aux Etats-Unis, les multinationales ont ainsi dépensé en 2021 plus de 850 milliards de dollars (750 milliards d’euros). En France, les montants restent plus modestes, mais la tendance est en forte hausse.

La pratique avait disparu pendant quelques mois en 2020 sous la pression des autorités monétaires et des Etats. Il était effectivement difficilement justifiable auprès de l’opinion publique de laisser les multinationales dépenser d’énormes sommes au profit de leurs seuls actionnaires au moment même où les pouvoirs publics déployaient des moyens financiers colossaux pour éviter l’effondrement de l’économie mondiale. Mais la reprise de 2021 a encouragé le retour en force de ces pratiques.

Le procédé consiste pour une entreprise à racheter ses propres actions sur le marché pour ensuite les annuler dans la foulée. Réduire le nombre de titres en circulation permet mécaniquement d’augmenter le bénéfice par action, ce qui a pour effet à plus ou moins court terme de doper le cours de Bourse, à la grande satisfaction des actionnaires. La logique a de quoi interpeller l’opinion. Des milliards partent en fumée pour rémunérer ces derniers alors qu’il y a encore quelques mois l’économie était tenue à bout de bras par les banques centrales et les gouvernements. Une partie de cet argent ne serait-elle pas mieux utilisée pour prévenir la prochaine crise au lieu d’attendre, une fois de plus, l’aide des pouvoirs publics ?

Les entreprises justifient de recourir aux rachats d’actions en raison du manque d’opportunités d’investissements qui offriraient une rentabilité supérieure au coût du capital. N’ayant pas mieux à faire de leurs profits, elles préfèrent rendre l’excès de trésorerie à leurs actionnaires. Le comble est que certaines entreprises vont même parfois jusqu’à s’endetter pour financer ces plans de rachats d’actions. L’objectif n’est donc plus seulement d’accumuler du capital productif, mais surtout de faire monter par tous les moyens les cours de Bourse dans le but de distribuer du cash aux actionnaires.

Des objectifs de rentabilité disproportionnés


Cette logique est perverse car ce sont les fonds d’investissement qui fixent des objectifs de rentabilité souvent disproportionnés. Dans beaucoup de secteurs, il est impossible d’identifier des projets permettant de dégager les 12 % ou 15 % de rendement exigés par ces actionnaires. Les entreprises sont alors poussées à lancer des plans de rachats d’actions dont les effets seront plus sûrs et plus immédiats.

Les dirigeants d’entreprise sont d’autant plus incités à recourir à ces pratiques qu’ils en sont les premiers bénéficiaires, dans la mesure où leur rémunération variable est souvent indexée sur la hausse du titre en Bourse. Dès lors, pour atteindre leurs objectifs, ils sont tentés de multiplier les rachats d’actions au détriment de projets d’investissement à long terme.

Pourtant, il ne faudrait jamais oublier que le but du capitalisme actionnarial consiste avant tout à stimuler la croissance et l’innovation, et non à se répartir un butin. Le retour en force des rachats d’actions donne l’impression d’un capitalisme à bout de souffle, en panne d’idées et de perspectives. Redéfinir un partage de la valeur ajoutée moins favorable au capital, au profit des salariés, et redonner la priorité aux investissements d’avenir doit permettre de sortir de cette impasse.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: A bout de souffle...

Message par Cyrano » 26 Déc 2021, 14:07

Des le début du chapeau de présenation:
«le but du capitalisme actionnarial consiste avant tout à stimuler la croissance et l’innovation, et non à se répartir un butin»
C'est écrit où, ça? Quel Moïse aurait présenté ce commandement?
La formule «à bout de souffle» m'étonne toujours un peu.
Récemment, lors de la fête locale, dans le p'tit discours, le copain a parlé lui aussi d'un capitalisme à bout de souffle. Et pour faire bonne mesure, il ajouta la crise permanente du capitalisme.
Si je regarde autour de moi, ou bien si je regarde des documentaires à la télé, bref, je ne vois pas sur notre ronde planète de capitalisme à bout de souffle. Je vois surtout un capitalisme gorgé, gavé de profits, ne sachant que faire de se ponction délirante effectuée sur le bon peuple.
Etre à bout de souffle, c'est comme être à l'agonie. Encore une formule que je trouve risible. Ma soeur décédée récemment était à l'agonie, oui, je vois ce que c'est, ça sent le sapin, être à bout de souffle ou à l'agonie. J'aimerais bien que ma retraite soit à l'agonie comme le capitalisme d'aujourd'hui.
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Re: A bout de souffle...

Message par com_71 » 26 Déc 2021, 15:55

Cyrano a écrit :La formule «à bout de souffle» m'étonne toujours un peu.
Récemment, lors de la fête locale, dans le p'tit discours, le copain a parlé lui aussi d'un capitalisme à bout de souffle. Et pour faire bonne mesure, il ajouta la crise permanente du capitalisme.

L'épisode de crise actuel dure depuis 1973, c'est pas l'éternité, mais quand-même un demi-siècle...
«à bout de souffle», c'est quand-même pas les râles de l'agonie. Mais si on a la respiration difficile dès qu'on monte un ou deux étages, on sait bien que les vingt ans sont qu'un souvenir...
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: A bout de souffle...

Message par Zorglub » 26 Déc 2021, 17:21

Tiens, je voulais aussi le poster sur le mode "même Le Monde peut le constater". Cet édito est d'une lucidité pas si fréquente pour Le Monde. Lucidité de suite annulée par la naïveté relevée par Cyrano.

Derrière les apparences de progrès technologiques, limités aux pays impérialistes, le capitalisme, entre les LBO, les concentrations du capital et autres rachats d'actions, le capitalisme est en train de s'autophagocyter.

L'article du congrès sur la situation économique est évidemment bien plus clair sur le contraste entre les possibilités techniques et les possibilités sociales.
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Re: A bout de souffle...

Message par Zorglub » 27 Déc 2021, 20:25

Et pour la France :
Parasitisme record
En 2021, les grandes entreprises françaises ont dépensé plus de 16 milliards d’euros pour racheter leurs propres actions. Non seulement ceux qui les vendent empochent, mais les actionnaires restants voient leur part des bénéfices augmenter. Une part de plus en plus grande du produit du travail des salariés part ainsi directement dans la poche des actionnaires. Ils sont maîtres dans les tours de passe-passe.

https://www.lutte-ouvriere.org/breves/parasitisme-record-192678.html
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Re: A bout de souffle...

Message par Cyrano » 28 Déc 2021, 14:18

«L'épisode de crise actuel dure depuis 1973, c'est pas l'éternité, mais quand-même un demi-siècle...
«à bout de souffle», c'est quand-même pas les râles de l'agonie
»
C'est tout comme, des termes interchangeables. Tantôt à bout de souffle, tantôt à l'agonie. Le CLT de février 2021 titrait: "Le capitalisme, un système économique à l’agonie, un ordre social à renverser".

Un martien avec une bonne longue-vue, regardant notre Terre et le capitalisme actuel répandu partout, verrait ma foi de beaux profits, de belles fortunes, de beaux yachts, bref, un capitalisme pété de thunes. Et il voit dans longue-vue qu'on écrit que ce système est à bout de souffle, pire, il agonise. Le martien que je suis a e besoin de comprendre cette insistance à nous présenter le capitalisme malade, et pour tout dire, n'allant pas bien du tout.
Ou du moins, c'est quoi faire des discours en parlant d'un capitalisme «à bout de souffle», en disant «qu'il nous la fait payer cher, sa crise». Une crise qui dure depuis 50 ans. Autant avouer que la crise dure depuis presque 200 ans.
Et si c'était pas à bout de souffle, à l'agonie, en crise, ça serait quoi? Un capitalisme à visage humain? J'l'ai vécu ce capitalisme là, bof, j'peux vous dire, bof.

Je ne vois pas où est la lucidité étonnante de l'article du Monde. Décrire un fonctionnement actuel et public du capitalisme ne me semble pas être de la lucidité exacerbée – simplement de l'info. A ce compte là, les articles des Echos sembleront souvent lucides.
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Re: A bout de souffle...

Message par Zorglub » 28 Déc 2021, 20:15

Parce que même le constat objectif sur leur système n'est pas spontané pour un journal comme Le Monde, au moins pour sa partie non abonné. A voir la naïveté par toi relevée.

A ce compte, Les échos, cités aussi par les copains, sont sans filtre.

Mais partons sur de bonnes bases, le texte du congrès ou le CLT, ou plus encore le livre Les convulsions du capitalisme depuis la 2ème GM.


Les économistes bourgeois se félicitent du retour des bénéfices. Mais à quel prix (on devrait dire extorsion) ? Les extraterrestres, que certains (posadistes ?) voyaient comme le seul recours pour le socialisme, auraient une longue-vue pas très grand-angle pour ne voir que la minorité qui est justement de plus en plus parasite.
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Re: A bout de souffle...

Message par Cyrano » 30 Déc 2021, 13:14

Mais, désolé, x'cuses, Zorglub, je ne vois pas la pertinence d'un article qui parle d'un capitalisme à bout de souffle. Mais bon, entre nous, c'est pas une fracture fondamentale, la peste en soit des retraités touilleurs d'articles.
Je ne vois pas non plus (décidemment!) qu'on ait besoin de partir des bases que tu cites. Déja, le texte du CLT n'aidera en rien sur les formules "à bout de souffle", agonie", etc. qui me font ronchonner. On peut relire quelques CLT pour avoir des titres sur le capitalisme qu'en finit pas d'agonir.
La fin de l'article du Monde : «Le retour en force des rachats d’actions donne l’impression d’un capitalisme à bout de souffle, en panne d’idées et de perspectives.»
La théorie de l'effondrement est à la mode, ça en est un avatar?
Mais en quoi le capitalisme est-il à court d'idées, de perspectives? Des idées pour se faire encore plus de money, money, ça, on peut être sûr. Quelles idées attend donc Le Monde? Y'avait des idées, des perspectives vers les années 1960? – quand Pierre Viansson-Ponté écrivait son fameux article, le 15 mars 1968: "Quand la France s'ennuie", tout un programme de rien.
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Re: A bout de souffle...

Message par Ottokar » 30 Déc 2021, 18:18

Disons les choses franchement, ce n'est pas dans les habitudes d'organisations marxistes de souligner que le capitalisme est en pleine forme, qu'il a eu un petit passage à vide (ou même un gros) mais que rassurez-vous il va s'en sortir une fois de plus. Depuis Marx, notre courant souligne non seulement les injustices et épouse les révoltes contre celles-ci, mais souligne à chaque fois les gâchis, le fait que le système soit inefficace, qu'une autre organisation sociale ferait mieux, etc.
Quitte à le voir à l'agonie alors qu'il bouge encore. Bon, il a survécu. Et alors, tu veux dire bravo ?
Donc, on souligne les manques, les faiblesses, les crises, tout ce qui va mal et qui l'emportera avec l'action des masses. Cela ne veut pas dire se boucher les yeux, ne pas voir que certains pays se développent, que l'humanité a davantage de richesses à sa disposition.
Mais il faut voir aussi à quel prix. Là où il était conquérant au 19e, il est beaucoup plus frileux et parasitaire à notre époque.
Je n'ose pas dire "à bout de souffle" mais quand même sacrément essoufflé.
Ottokar
 
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Re: A bout de souffle...

Message par Cyrano » 02 Jan 2022, 09:30

Ce que je lis dans ton message, Ottokar, me laisse un eu étonné.
Dire que le capitalisme va bien, lui, mais que nous, on ne va pas bien, où est donc le mal? Et plus le capitalisme se porte bien, moins nous on se porte bien. Dire sans arrêt depuis des dizaines d'années que le capitalisme agonise, ce n'est certainement pas dire le vrai aux gens, car on n'en sait strictement rien, on ne connaît pas ses colonnes d'Hercule. Un jour, bien sûr, le loup arrivera, peut-être. Et ceux qui criaient au loup s'esclafferont sur leurs dons de prédiction?
Lorsque le capitalisme surmonte une crise, on n'ira pas dire bravo, on ne dira pas dire aux gens rassurez vous, ça va mieux. Caricaturer ainsi, ça ne me va pas.
Trouver le capitalisme essouflé… Mais quelles attentes aurait-on de cette organisation économique merdique et mortifère? Essoufflé de quoi? Ce sont les réformistes qui peuvent avoir des attentes, pas des révolutionnaires.
On a eu un vaccin anti-Covid, on expédie un télescope sophistiqué, on a le fil qui s'enroule dans l'aspirateur, on a le TGV mais qui arrive en retard, on a la fibre, on a ceci, cela, produit par l'activité humaine qui continue sa petite vie. Et ailleurs? Ah bin ça, bon, évidemment. Le capitalisme s'est imposé au monde et pas pour apporter le bien-être au monde. Et les richesses des riches se gonflent jusqu'à en donner le tournis. En 1848, les jeunes Marx et Engels le décrivaient en visionnaire. On est bien d'accord, non? Oui? Ce n'est parce que le capitalisme est en crise qu'il nous pressure, ni qu'il est essoufflé qu'il nous fout dans la merde, c'est parce que c'est le capitalisme – avec toujours une paille au cul, pleurant sur ses profits malgré des yachts qui frôlent le milliard de dollars pendant que d'autres ne peuvent même pas se payer une planche à voile.
Pour moi, c'est mentir un peu que gloser sans cesse sur le capitalisme à l'agonie, essoufflé, au bord du précipice, au bord de la banqueroute, et pour tout dire, en effondrement. Zorglub me recommandait la lecture du petit bouquin: Les convulsions du capitalisme. Un sacré survol des bienfaits du capitalisme – et au passage, des pendules remises à l'heure pour les Trente Glorieuses. Dans la conclusion, que je suis allé relire, y'a écrit que le capitalisme a atteint ses limites. Mais on n'en sait rien, hélas, on n'a pas de manuel sur les limites. Lénine qualifiait le capitalisme de sénile. Eh bien, on peut dire que la capitalisme résiste drôlement en EHPAD. Y'a aussi une citation de Rosa Luxembourg sur l'effondrement du capitalisme, une «nécessité objective». Rosa prenait bien soin de noter un eu plus haut: «en théorie, du moins». Ah ok, ok… On s'en branle de la négation de la négation, faudra de toute façon lui foutre sur la gueule.
Une seule chose est sûre: si il n'y a pas de «transformation révolutionnaire de la société» il y aura «la ruine commune des classes en lutte.»
Voilà, c'est ma façon de voir.
Cyrano
 
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