"Jules Guesde et le communisme"

Marxisme et mouvement ouvrier.

"Jules Guesde et le communisme"

Message par Gayraud de Mazars » 09 Juil 2022, 12:45

Salut camarades,

Expulsé de France Léon Trotsky écrivait à Jules Guesde, le 11 octobre 1916.

Descendez, Jules Guesde, de votre automobile militaire, sortez de la cage où l'État capitaliste vous a enfermé, et regardez un peu autour de vous. Peut-être le destin aura une dernière fois pitié de votre triste vieillesse et pourrez-vous percevoir le bruit sourd des événements qui s'approchent. Nous les attendons, nous les appelons, nous les préparons. Le sort de la France serait trop affreux si le calvaire de ses masses ouvrières ne conduisait pas à une grande revanche, notre revanche, où il n'y aura pas place pour vous, Jules Guesde, ni pour les vôtres.


https://www.marxists.org/francais/trots ... 161011.htm

Oui, Jules Guesde avait changé et trahi sa classe ouvrière, sans oublier cependant qu'il fut pendant des décennies un dirigeant marxiste révolutionnaire reconnu en France comme à l'international !

A lire cet article toujours d'actualité il me semble !

«Jules Guesde et le communisme»,
L'Humanité, 8 janvier 1923.
Par Khristian Rakovsky

Il s'agit ici du début d'un résume de l'article sur Guesde écrit par Rakovsky a la demande de Lénine pour la revue L'Internationale communiste. Guesde, rallié a l'union sacrée en 1914, était mort en juillet 1922. Il était devenu un "traitre social-chauvin" aux yeux des communistes, mais l'usage n'était pas alors établi de réecrire l'histoire en fonction des options politiques ultérieures de ses protagonistes.

"Il y a juste trente ans que, tout jeune, je debarquais a Paris, muni d'une lettre de recommandation de Plekhanov pour Jules Guesde. Je me rappelle cette date, car je suis tombé juste au moment le plus dramatique de la célèbre grève des mineurs de Carmaux.

Me conformant au rituel suivi par les hommes qui s'intéressent a la vie politique en France, ie me suis rendu a la Chambre des députés, porteur d'un billet de Guesde pour Ferroul *, à ce moment l'unique député guesdiste au Palais-Bourbon .

La séance etait très mouvementée: on discutait justement la question de la grève de Carmaux. Mais elle dégénéra dans un. tumulte extraordinaire quand, au milieu de la discussion, Joseph Reinach ** demanda la parole pour poser une question urgente au président du conseil Emile Loubet***. Il demandait confirmation de la nouvelle aff1chée dans les couloirs de la Chambre: des bombes avaient été trouvées au siège de la Société des Mines de Carmaux et, au moment ou les policiers les transportaient au commissariat de la rue des Bons-Enfants, les bombes avaient explosé, tuant cinq policiers.

Ferroul et Baudin - député blanquiste -qui, tous les deux, venaient de rentrer d'une tournée à Carmaux, devint très grande. En outre, à cette séance prit la parole le marquis de Solages, député, qui, ainsi que le baron Reille - également député - étaient les principaux actionnaires de la Société des Mines de Carmaux. Le marquis de Solages, pour prouver l' esprit « anarchiste » des grévistes, cita une petite chanson, une variante de la Carmagnole, probablement très répandue au moment de la grève et dont le refrain se terminait ainsi: «Le baron au bout du canon, le marquis au bout du fusil ». La Chambre eut un mouvement d'hilarité quand Ferroul, se croyant au milieu d'un meeting de Carmaux, commença sa réplique par ces mots: « Citoyens, camarades ... »

A la suite de la grève le baron Reille dut démissionner de la députation et Jaurès fut élu a sa place [à Carmaux].

Je venais dans la capitale française pour faire connaissance avec celui pour qui le groupe des marxistes révolutionnaires russes et étrangers, inspirés par Plekhanov, manifestait une profonde et réelle admiration. Avec Wilhelm Liebknecht, qualifié de "Français" par la presse reptilienne de Bismarck pour son internationalisme, Jules Guesde était considéré comme un de ceux qui incarnaient le mieux les aspirations du marxisme révolutionnaire et internationaliste

Après la mort du vieux Liebknecht, il devint vite la principale figure marxiste internationale. Au congres socialiste international de Paris, en 1900, c'est autour de Guesde que se groupa la minorité marxiste révolutionnaire qui ne voulait pas voter la fameuse résolution Kautsky - appelée par l' Iskra, l' organe des marxistes russes, résolution de caoutchouc. On se rappelle qu'en réalité cette résolution, dont il sera question plus loin, présentait une justification rétrospective à l'acte de trahison de Millerand, le premier socialiste officiel qui fut entre clans un gouvernement bourgeois.

C'est encore autour de Guesde que se sont groupés, quatre ans plus tard, à Amsterdam, les marxistes revolutionnaires, y compris Bebel - absent de Paris en 1900 - et Kautsky qui dut reconnaitre l'usage antiprolétarien qu'on avait fait de sa motion à Paris.

Guesde marxiste

Le rôle important de Guesde dans le mouvement prolétarien international venait du caractère marxiste qu'il voulait imprimer et qu'il a réussi en partie à imprimer au mouvement ouvrier français, qui, apres celui de l' Allemagne, était à cette époque à la tête de tous les pays. Le mérite personnel de Guesde consiste en ce qu'il a pu propager les idées marxistes précisement dans le pays qui, par tout son passé, leur paraissait le plus réfractaire.

Le mouvement ouvrier révolutionnaire en France avait une longue et glorieuse histoire, mais l'idéologie dont ce mouvement:était pénétré fut toujours celle de la démocratie petite-bourgeoise républicaine et pacifiste.

Outre cela, le mouvement ouvrier révolutionnaire en France eut toujours une teinte nationaliste, aussi bien avant que pendant la Commune. La réaction qui suivit la débacle de la Commune fortifia encore ces tendances. La classe ouvriere française, privée de ses meilleurs chefs, morts pendant la Commune ou vivant au loin en exil, tomba sous !'influence directe des pires éléments petits-bourgeois, souvent au service direct des partis bourgeois et même de la police. Certainement, il fallut une grande intelligence, un grand courage, une conception nettement socialiste et révolutionnaire, un attachement inébranlable à la cause de la classe ouvrière, pour venir, dans un pays à mentalité petite-bourgeoise chauvine, un pays que la guerre civile semblait avoir guéri des désirs d'une nouvelle révolution, prêcher une doctrine allemande - c' est ainsi qu' on qualifiait le socialisme scientifique et marxiste -, prêcher la lutte de classes et la Révolution...

Sous !'influence des partis bourgeois, les hommes qui se trouvaient a la tête du mouvement ouvrier légal en France, à l'epoque de 1872-1878, cherchaient à rassurer la bourgeoisie par tous les moyens sur les intentions « patriotiques et légales » de la classe ouvrière qui reniait tout son passé.

Guesde, lui aussi, commença par critiquer le passe du mouvement ouvrier français. La Commune même, ses hommes, son oeuvre, ne trouvèrent pas grâce devant sa critique. Seulement Guesde ne reprochait pas à la Commune et aux organisations ouvrières en France,. a la veille de la Commune, leurs idées révolutionnaires. Au contraire, il trouvait que le mouvement ouvrier en France même durant la Commune, n'était pas suffisamment révolutionnaire.

Guesde oppose le collectivisme au socialisme petit-bourgeois

Au moment où Guesde, profitant d'une première loi d'amnistie partielle, rentre en France et se jette clans la mélée, une lutte sans merci commence contre la bourgeoisie et le socialisme réformiste. Cette lutte qui, dans la période 1900-1905, avait acquis une grande notoriété internationale, dura plus d'un quart de siècle. Elle aurait probablement continue encore si, retenu loin du contact direct avec les masses ouvrières pendant une dizaine d'années par une cruelle maladie, Guesde ne s'était lui-même laisse influencer plus tard par le courant réformiste qui avait trouvé en France un représentant de génie clans la personne de Jaurès. Mais cela se rapporte a une époque où, de fait, Jules Guesde avait cesse d'etre un chef militant.

Guesde a commencé sa campagne en fondant l'Egalite, un hebdomadaire qu'il dut imprimer en province, n'ayant pu payer les 12 000 francs de caution que la République française demandait aux journaux imprimes a Paris. L'Egalite fut un véritable organe du marxisme révolutionnaire - du communisme, dirai-je - pour me servir de la terminologie contemporaine. Le vaillant organe prolétaire critiquait et ridiculisait méthodiquement non seulement l'échafaudage que la classe ouvrière, en France, s' était bâti sous I' influence des proudhoniens et de la terreur versaillaise, mais encore, l'une aprés l'autre, les idoles de toute cette idéologie démocratique et républicaine qui dominait les cerveaux des prolétaires français sous le Second Empire.

« L'épargne, la coopération, l'enseignement professionnel, écrit Guesde, l'évolution normale et pacifique des institutions républicaines, la suppression des octrois, la lutte anticléricale et d'autres joujoux avec lesquels la bourgeoisie républicaine amusait si longtemps les esclaves de notre époque, furent brises sans pitié ». Aux chimères de toutes sortes de coopératives, l'Egalite opposait comme moyen de lutte la grève et aux illusions démocratiques promettant a la classe ouvrière monts et merveilles avec l'introduction de reformes politiques et sociales, l'Egalite opposait l'expérience de l'Amérique du Nord. L'Egalite n'hésitait pas à prévenir la classe ouvrière contre les déceptions du suffrage universel si la classe ouvriere ne voyait en lui non pas un moyen pour son organisation en un parti de classes cherchant par la Révolution la conquête du pouvoir politique pour la socialisation des moyens de production, mais un moyen suprême qui, par lui-même, pouvait résoudre le problème social.

Au premier numéro de l'Egalite, dans un article-programme, la rédaction prend soin de souligner: «En notre qualité d'adhérents de la doctrine collectiviste, partagée actuellement par les prolétaires conscients de l'ancien et du nouveau monde, nous sommes sûrs que le développement social et scientifique de l'humanité nous mène inévitablement vers la propriété collective du sol et des moyens de production ». Guesde emploie indifféremment clans certains articles le terme communisme comme également approprié à sa doctrine. Mais qu'il appelle ses idées communisme ou collectivisme, il tient a souligner qu'il s'agit toujours du socialisme scientifique. Dans une lettre adressée à Jules Vallès au moment de quitter son journal, le [i]Cri du Peuple
, qu'il combattit pendant deux ans, Guesde écrit: «Vous saviez que ce qui entrait avec moi dans votre Cri du Peuple, c'était le « sectarisme », comme il a plu a certains fantaisistes d'appeler le socialisme scientifique élaboré par Marx et mis, pour ainsi dire en action, par nos congrès de Marseille, du Havre et de Roanne». [/i]

* Le docteur Ernest Ferroul (1853-1921), médecin à Narbonne, avait été conquis par Guesde en 1882 et devint son proche collaborateur. Elu député en 1888, i1 fut un des défenseurs des grévistes de Carmaux a la Chambre.
**Joseph Reinach (1856-1921), journaliste, avait été élu député en 1889.
***Emile Loubet (1838-1929), deputé en 1876 était président du conseil de 1892 à 1894 et fut plus tard President de la Republique.


https://www.marxists.org/francais/clt/1 ... r-1984.pdf

Guesde Carte SFIO.jpg
Jules Guesde vue de profil
Guesde Carte SFIO.jpg (204.96 Kio) Consulté 1585 fois


Cette photo a une histoire !

Photographie (SFIO) archives personnelles de Germain Bousquet, militant marxiste du POF avant la création de la SFIO, verrier à Carmaux. C'était mon arrière - arrière grand père !

Ce militant marxiste, mon ancêtre était extraordinaire ! Arrêté par les gendarmes pendant la grève des verriers de Carmaux de 1894, qui donnera la Verrerie Ouvrière d'Albi, avec Jaurès comme député. Il avait répondu aux gendarmes, qui l'avait arrêté que deux phrases !

- Qui êtes - vous ?
- Je suis Germain Bousquet, verrier ! -
Vous êtes présumé révolutionnaire ?
- Pourquoi présumé...

Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Re: "Jules Guesde et le communisme"

Message par com_71 » 09 Juil 2022, 16:02

GdM a écrit :Oui, Jules Guesde avait changé et trahi sa classe ouvrière, sans oublier cependant qu'il fut pendant des décennies un dirigeant marxiste révolutionnaire reconnu en France comme à l'international !

A lire cet article toujours d'actualité il me semble !


D'actualité ! Bien discutable !
Les faux amis de la classe ouvrière sont actuellement légions, comme dans le passé ; mais aucun, vivant en 2022, ou décédé récemment, qui "fut pendant des décennies un dirigeant marxiste révolutionnaire reconnu en France comme à l'international".
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: "Jules Guesde et le communisme"

Message par artza » 10 Juil 2022, 06:31

Un personnage comme Guesde est inimaginable aujourd'hui
Le Guesde de 1880 comme celui de 1914 ...et celui de 1920 "il faut monter la garde autour de la révolution russe" est inimaginable.

Le capitalisme sénile peut-il produire autre chose que des intellectuels sans volonté et sans courage?

Guesde est mal vu en France parmi les milieux qui se flattent d'être avancés, d'où leur odeur!

Pionnier du marxisme en France il ne put ni ne sut en assurer la victoire.

Très tôt englué dans le parlement, pris en étau entre la phrase anarchiste travestie syndicaliste et la gauche dreyfusarde réformiste en parole, conciliationniste en fait, conservatrice au bout du compte .

La tâche était aussi dure que délicate.
artza
 
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Re: "Jules Guesde et le communisme"

Message par com_71 » 10 Juil 2022, 07:40

artza a écrit :Le capitalisme sénile peut-il produire autre chose que des intellectuels sans volonté et sans courage ?


Pour assurer sa défense, certainement.
Mais dans le camp des travailleurs, pour aider à l'accouchement d'une nouvelle société, l'espoir est permis !
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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