a écrit :
Aux Pays-Bas, percée des antilibéraux et d'un parti anti-immigrés
Durement sanctionnés lors des législatives du 22 novembre - les premières depuis le non à la Constitution de l'UE -, les partis traditionnels néerlandais font face à un pays en perte de repères
BRUXELLES CORRESPONDANT
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LA NOUVELLE CHAMBRE
DIX PARTIS
seront représentés dans la nouvelle chambre des députés néerlandaise, qui réunit 150 députés élus à la proportionnelle.
COMPOSITION :
41 élus chrétiens démocrates (le parti du premier ministre sortant Jan Peter Balkenende), 32 travaillistes (PVDA, social-démocrate), 26 socialistes (Socialistiche Partij, gauche antilibérale), 22 libéraux (VVD), 9 élus du Parti pour la liberté (PVV, populiste), 7 écologistes, 6 élus de l'Union chrétienne (calvinistes), 3 libéraux réformateurs (D 66), 2 élus du Parti social réformé (parti protestant fondamentaliste) et 2 élus du Parti pour les animaux (PvdD).
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Les électeurs néerlandais, appelés mercredi 22 novembre à renouveler leur chambre des députés, ont rendu leur pays difficilement gouvernable. La formation chrétienne démocrate du premier ministre sortant, l'austère Jan Peter Balkenende, que l'on disait en mauvaise posture en début de campagne, sauve sa mise en ne perdant que trois sièges pour en conserver 41 sur les 150 de l'assemblée. Mais ses alliés potentiels, aussi bien à droite qu'à gauche, sont étrillés.
Le Parti libéral (VVD), avec lequel il gouvernait jusque-là, perd 6 sièges et n'en conserve que 22. Les électeurs ont également pénalisé le Parti travailliste, première formation d'opposition, dont le leader, Wouter Bos, subit une lourde défaite personnelle. Son parti ne conserve que 32 de ses 42 sièges alors qu'il était promis, il y a peu encore, à une victoire éclatante.
Les gagnants d'une élection qui a confirmé le grand fractionnement du paysage politique sont deux formations situées aux extrêmes. Le Socialistische Partij (SP), formation antilibérale de gauche, triple sa représentation en passant de 9 à 26 sièges et devient le troisième parti du royaume. Issue de la gauche maoïste des années 1970, cette formation, qui a joué un rôle important dans la victoire du non à la Constitution européenne lors du référendum de 2005, plaide pour un pays " plus humain, plus social, plus solidaire ". Elle a basé une partie de son succès sur son opposition à " l'Europe de Bruxelles ", qui incarne à ses yeux l'ultralibéralisme et une menace pour les conquêtes sociales néerlandaises.
Jan Marijnissen, le leader du parti, a fait preuve d'un indéniable charisme qui lui a permis de débaucher de nombreux électeurs traditionnels du Parti travailliste et des déçus du parti populiste de l'ex-Liste Pim Fortuyn (LPF) : 25 % des nouveaux électeurs du SP viennent de la gauche traditionnelle, 15 % du camp populiste.
Un phénomène semblable s'est produit à droite. Fondateur du nouveau Parti pour la liberté, le député Geert Wilders, qui a remis en avant des thèmes agités par Pim Fortuyn avant son assassinat, en 2002, a également su capter les voix d'anciens électeurs de la LPF. Cette dernière, qui avait encore 8 sièges dans l'assemblée sortante, n'en a plus. Le parti de M. Wilders en glane, lui, 9. Il a aussi récupéré des électeurs sur le Parti libéral. Associé à M. Balkenende dans la coalition sortante, celui-ci s'était divisé sur la figure controversée mais populaire de sa ministre de l'immigration, Rita Verdonk, qui a imposé au gouvernement sortant une politique très dure sur l'immigration.
Avec ses slogans (" moins d'impôts, moins d'islam, plus de respect "), M. Wilders a séduit 600 000 Néerlandais pour lesquels l'immigration musulmane est un problème. La focalisation sur ce thème traduit cependant, pour beaucoup, un malaise plus profond et une condamnation des options multiculturalistes qui furent l'orthodoxie des gouvernements à la fin des années 1990.
Deux autres formations, très différentes, l'Union chrétienne, un parti calviniste soucieux des questions sociales, et le Parti pour les animaux, bénéficient de l'émiettement de l'électorat : le premier remporte 6 sièges, l'autre 2.
A l'annonce des résultats, le vice-premier ministre, le libéral Gerrit Zalm, a décrit " une droite éclatée, une gauche extraordinairement éclatée ".
Tom de Graaf, ancien responsable du parti réformateur D 66, qui ne conserve que 3 sièges, a déploré la qualité d'une campagne qui n'a que rarement mis en avant les questions de fond et s'est limitée à " l'émotion, l'amusement et l'infantilisation ".
La formation d'une majorité s'annonce comme une épreuve redoutable pour M. Balkenende. Il n'aura, a priori, pas d'autre issue que de gouverner avec les travaillistes et un troisième parti. Mais le rapprochement entre les chrétiens démocrates et M. Bos n'a rien d'évident.
Jean-Pierre Stroobants