a écrit :Coupés du monde, entier, nous ne savions pas ce qui se passait en dehors de Kronstadt, tant dans la République Soviétique qu'à l'étranger. Peut-être quelqu'un spéculait-il sur notre insurrection ? ce qui se produit toujours dans ces cas-là, mais je dois dire que c'était en vain. Ne faisons pas d'hypothèses sur ce qui aurait pu se produire ultérieurement, au cas où les événements eussent pris une autre tournure, car tout pouvait arriver, et nous ne pouvions rien prévoir.
Mais les Kronstadiens ne s'apprêtaient pais à donner l'initiative à qui que ce soit, tant qu'ils étaient vivants. Si les communistes nous ont accusés dans leurs journaux, d'avoir accepté la proposition de la Croix Rouge Russe, se trouvant en Finlande, pour nous aider en ravitaillement et en médicaments ; de notre côté, nous n'y voyons rien de mal.
Nous l'avons fait selon la volonté de tout le comité et de l'assemblée des délégués. Nous considérions que c'était une organisation purement philanthropique, nous proposant une aide inoffensive et sans arrière-pensée. Lorsque nous décidâmes de laisser entrer à Kronstadt cette délégation, nous l'avons menée à l'Etat-major de la forteresse les yeux bandés. A la première réunion, nous leur avons déclaré que nous acceptions leur aide, en tant qu'organisation philanthropique, mais que nous étions libres de toute obligation. Nous donnâmes satisfaction à leur demande de laisser un représentant Kronstadt, pour surveiller la répartition des produits qu'ils devaient faire parvenir principalement aux femmes et aux enfants.
Le capitaine Vilken resta à Kronstadt, enfermé dans une chambre sous surveillance, afin qu'il ne puisse sortir sans autorisation. Quel danger ce Vilken représentait-il ? S'il pouvait constater uniquement l'état d'esprit de la garnison et des citoyens de la ville, de toute façon ce n'était pas une « assez bonne noisette pour ses dents ».
Est-ce en cela que consistait l'aide de la contre-révolution ? Peut-être même en ce que Victor Tchernov envoya son salut à Kronstadt insurgé, et lui proposa ses services ; ce à quoi le Comité Révolutionnaire répondit que son salut était reçu avec reconnaissance, mais que son arrivée était inopportune. Le C.R. considérait en effet que ce problème devait être réglé par le Soviet désigné après de nouvelles élections. Est-ce en cela que consista le soutien de la Contre-révolution russe et internationale ? Est-ce ainsi que les Kronstadiens se jetèrent dans les bras d'un parti anti-soviétique ? Je ne fais que rendre compte des faits, le plus exactement possible, comme ils se sont produits, indépendamment de mes convictions politiques personnelles.
Ce qu'il dit à la fin de ce texte ("indépendamment de mes convictions politiques personnelles") peut expliquer pourquoi Petritchenko a fait appel aux blancs Grimm et Wrangel le 31 mai 1921.