(Barikad @ vendredi 6 août 2004 à 12:26 a écrit :Ce qui determine les rapport humain, en dernier recours, c'est les rapports de production.
Alors dire qu'il ne suffit pas de sortir du capitalisme pour faire disparaitre l'oppresion, c'est bien gentil, mais:
1- Impossible de se débrasser de l'oppression sans bouleverser completement les priorité qui commandent la marche du monde: la vie avant les profits, les besoins sociaux avant la satifaction egoiste de la bourgeoisie. Donc le socialisme, donc la Révolution.
2- Sous le socialisme, la question de l'oppression se posera de maniere radicalement différente. D'abord parceque les rapport de production changeront, donc les rapports humain seront boulversé, mais aussi parcequ'il y aura eu un processus emancipateur de millions d'hommes et de femmes qui lui aussi pésera sur les rapport humains.
Je reviens aux deux hypothèses en discussion : 1°) les tendances principales structurant le réel social-historique sont appréhendées par le concept de "capitalisme", dotant d'une intelligibilité "la totalité" des rapports sociaux, en tant que reliés "en dernière instance" au fonctionnement dudit "système" (hypothèse "marxiste"); et 2°) le concept de "capitalisme" saisit une des tendances principales à l'oeuvre dans le réel social-historique de nos sociétés contemporaines, mais ne permet pas de penser dans une totalité "systémique" et "fonctionnelle" l'ensemble des rapports de domination (ce que suggère l'oeuvre, inachevé de ce point de vue, de Bourdieu).
Tu ne dis uniquement : la première a nécessairement raison (du type : je pars du présupposé que la notion de "mode de production" - aujourd'hui : "le capitalisme" - englobe nécessairement la totalité des rapports sociaux à un moment t, donc se débarrasser des différents modes d'oppression passe par la destruction de ce mode de production). Mais c'est simplement la conséquence logique de ton postulat de départ, mais pas une interrogation critique sur ce postulat (qui n'est pas plus "prouvé" ou "valide", avant ou après ton raisonnement).
Il y a ici deux dangers qui peuvent être imbriqués :
* un usage dogmatique des propositions théoriques (non pas soumis périodiquement à l'interrogation critique, via l'expérience et via la confrontation aux faits observables, mais prises comme des "données" quelque peu intemporelles);
* un usage identitaire des propositions théoriques (j'utilise surtout les propositions "marxistes" ou "proudoniennes" ou "bakouniniennes" ou "trotskistes" comme des éléments pour stabiliser mon identité personnelle, et non principalement comme des outils de connaissance branchés la pratique).
Les deux fonctionnent souvent ensemble : "Je suis trotkiste, donc j'ai raison, donc je fais partie de la bonne tribu..." ou "Je suis anarchiste, donc j'ai raison, donc je fais partie de la bonne tribu...". Avec pour complément : les gens des autres tribus (ou les nouvelles tribus indéterminées et pas nettes, comme "les sociaux-démocrates libertaires") ont donc plus ou moins tort, sont plus ou moins cons, sont plus ou moins des "traîtres", sont plus ou moins des "petits-bourgeois" (côté "marxiste") ou sont plus ou moins des "autoritaires" (côté anarchiste).
Mais si on envisageait les deux hypothèses plus haut comme des hypothèses justement? Comme des boussoles provisoires et imparfaites (des "concrets pensés" comme dit Marx) nous aidant à nous orienter dans les dédales de la pratique? On peut tout à fait considérer, dans cette perspective, que l'hypothèse 1 est la moins mauvaise, ou la plus pratique, ou celles qui rend compte de plus de traits de l'expérience.
La différence alors entre cet usage de l'hypothèse 1 (l'hypothèse "marxiste" préférée à l'hypothèse "bourdieusienne") et les usages dogmatiques et identitaires? C'est justement ce qu'on peut appeler le rationalisme critique, qui est pointé par les phrases de Proudhon, Marx et Bachelard :
* "ne nous faisons pas les chefs d'une nouvelle religion ; cette religion fût-elle la religion de la logique, la religion de la raison (...) flétrissons toutes les exclusions, tous les mysticismes ; ne regardons jamais une question comme épuisée, et quand nous aurons usé jusqu'à notre dernier argument, recommençons s'il faut, avec l'éloquence et l'ironie." (Pierre-Joseph Proudhon, lettre à Karl Marx, 17 mai 1846);
* "il faut douter de tout" ("Connais-toi toi-même", jeu de société en forme de questionnaire rempli par Marx, repris dans Pages de Karl Marx, présentées par Maximilien Rubel, tome 1 : "Sociologie critique", Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1970, p.95);
* "Nous insisterons sur ce fait qu'on ne peut se prévaloir d'un esprit scientifique tant qu'on n'est pas assuré, à tous les moments de la vie pensive, de reconstruire tout son savoir. Seuls les axes rationnels permettent ces reconstructions", ajoutait pas mal d'années plus tard Gaston Bachelard pour définir la démarche rationnaliste (Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, 1° éd. : 1938, réédition Vrin, 1983, p.7).
Ce rationalisme critique engage aussi à considérer, comme une autre hypothèse, l'hypothèse 2, sans a priori la dénoncer comme "déviationniste", "petite-bourgeoise", "traître à la classe ouvrière", "contre-révolutionnaire", etc. (stigmatisations typiquement associées aux usages dogmatiques et identitaires des propositions "marxistes").
Tout ça ne renvoie pas qu'à un débat intellectuel, mais aussi à nos capacités pratiques à résister à et à transformer les diverses formes d'oppression, sans se raconter de trop belles histoires, de trop beaux contes de fée sur la liberté et le bonheur infinis qu'ouvrirait nécessairement la destruction du capitalisme...