Social-démocratie libertaire : régression ou pari?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Proudhon » 05 Août 2004, 23:41

(logan @ vendredi 6 août 2004 à 00:13 a écrit :
a écrit :Pour ce qui est de la politique, il ne va pas de soi (en-dehors des auto-proclamations, des identités et des certitudes installées) que la première hypothèse soit plus "révolutionaire". Car elle croit qu'elle a résolu le principal dans l'histoire de l'oppression dans les sociétés humaines en abolissant "le capitalisme
"

Concrètement ca mène à quoi? Il vaut mieux s'attaquer au cas par cas qu'au système?


Si on dit "le système" : on est dans la première hypothèse. Si, par contre, on dit que "le capitalisme" rend compte d'une des tendances principales de nos formations sociales, mais que d'autres tendances oppressives ne sont pas nécessairement déterminées par lui "en dernière instance", cela signifie que le concept de "capitalisme" n'est pas suffisant pour penser la globalité (on pourrait distinguer vue globale, légitime, et vue totale, discutable) des rapports sociaux. Pour s'attaquer aux oppressions, il ne s'agit pas de "cas par cas", mais de s'attaquer en même temps aux diverses oppressions, sans penser que la rupture avec le capitalisme est un préalable au reste. La rupture avec le capitalisme est nécessaire pour rompre avec l'injustice capitaliste, pas plus, pas moins. Cela signifie que des mots d'ordre comme "pouvoir ouvrier" et "appropriation sociale des moyens de production" sont justes, mais ne vont pas permettre, par eux-mêmes, de mettre en cause la domination masculine, la domination culturelle et/ou la domination politique. On peut même penser que dans une combinaison entre la reproduction de la domination masculine, de la hiérarchisation du capital culturel et des tendances à la monopolisation du capital politique, l'oppression peut voir se raffermir ses racines, voire naître une nouvelle classe dominante (sur la base de la domination masculine, de la monopolisation du capital politique et du capital culturel, et non du capital économique). Les modes de domination ne relevant pas principalement d'une logique volontaire et consciente, mais de mécanismes pour une part non-conscients, les "révolutionnaires" pourraient être ainsi les fabriquants de nouvelles chaînes, malgré eux. Du point de vue de l'expérience historique, c'est une hypothèse qui mérite d'être examinée...
Proudhon
 
Message(s) : 0
Inscription : 04 Août 2004, 09:19

Message par Gaby » 06 Août 2004, 10:34

a écrit :Cela signifie que des mots d'ordre comme "pouvoir ouvrier" et "appropriation sociale des moyens de production" sont justes, mais ne vont pas permettre, par eux-mêmes, de mettre en cause la domination masculine, la domination culturelle et/ou la domination politique.

Je reste un peu sans voix.
Déjà tes mots d'ordre me semblent bien timides, très soc'dém' décomplexé... mais trop peu pour nous.
En ce qui concerne la domination politique de la bourgeoisie suite au démantellement de son système constitutionnel, à l'instauration de soviets, faudra m'expliquer... Ce ne serait même pas le "mettre en cause" ? Vers quoi t'amène cet argument, vers le sous-entendu qu'une direction révolutionnaire du prolétariat est nécessairement l'émanation de la bourgeoisie ? J'essaie de suivre ta logique mais c'est pas simple.

Quant aux dominations masculine et culturelle, je t'invite plutôt à réfléchir sur les atours qu'elles prennent, comment elle s'expriment, au gré de quelle position hégémonique... bref de réfléchir à l'influence envahissante du capitalisme. C'est très concret hein, si on dit que la femme est le prolétaire de l'homme, c'est que ca peut même s'exprimer économiquement hein. Pas simplement une question de mentalité ou je ne sais...
Gaby
 
Message(s) : 401
Inscription : 27 Fév 2004, 10:53

Message par Proudhon » 06 Août 2004, 10:54

(Gaby @ vendredi 6 août 2004 à 11:34 a écrit :Quant aux dominations masculine et culturelle, je t'invite plutôt à réfléchir sur les atours qu'elles prennent, comment elle s'expriment, au gré de quelle position hégémonique... bref de réfléchir à l'influence envahissante du capitalisme. C'est très concret hein, si on dit que la femme est le prolétaire de l'homme, c'est que ca peut même s'exprimer économiquement hein. Pas simplement une question de mentalité ou je ne sais...


Pourquoi "l'économique" ne renverrait qu'à la domination de la bourgeoisie : est-ce que l'homme en tant qu'homme de profite pas aussi du "surtravail" de la femme (le travail ménager) et n'a pas intérêt à la perpétuation de ce rapport social inégalitaire?

Pourquoi la matérialité des rapports sociaux ne renverrait qu'à "l'économique" : l'oppression des femmes en tant que rapport social matérialisant un rapport de forces inclue de "la mentalité", mais pas seulement : le viol, ce n'est que de "la mentalité" ou l'effet matériel d'un rapport social? les femmes battues, ce n'est que de "la mentalité"? la hiérarchisation quotidienne (et dans de nombreux domaines de la vie sociale) des tâches "nobles" (masculines) et "basses" (féminines), ce n'est que de "la mentalité"?

Et ce rapport social, historiquement ancien (les historiens et les ethnologues le font remonter aujourd'hui bien avant le capitalisme et avant l'invention même de la propriété privée), s'il a des interactions avec la logique capitaliste ne se réduit pas à elle.

Je vais perdre mon ordinateur quelques jours, peut-être que la discussion aura rebondi dans d'autres directions d'ici là...
Proudhon
 
Message(s) : 0
Inscription : 04 Août 2004, 09:19

Message par Barikad » 06 Août 2004, 11:26

Bon, ce débat depasse largement mes capacité d'expression, mais dire, comme tu le dis, que l'oppresion est independante du capitalisme et vrai et faux à la fois.
En effet, les femmes n'ont attendu les manufacture de manchester pour etre opprimé, c'est un fait. Mais la forme de l'oppresion est bien lié aux mode de production, comme l'ensemble de la societé.
Ce qui determine les rapport humain, en dernier recours, c'est les rapports de production.
Alors dire qu'il ne suffit pas de sortir du capitalisme pour faire disparaitre l'oppresion, c'est bien gentil, mais:
1- Impossible de se débrasser de l'oppression sans bouleverser completement les priorité qui commandent la marche du monde: la vie avant les profits, les besoins sociaux avant la satifaction egoiste de la bourgeoisie. Donc le socialisme, donc la Révolution.
2- Sous le socialisme, la question de l'oppression se posera de maniere radicalement différente. D'abord parceque les rapport de production changeront, donc les rapports humain seront boulversé, mais aussi parcequ'il y aura eu un processus emancipateur de millions d'hommes et de femmes qui lui aussi pésera sur les rapport humains.
Barikad
 
Message(s) : 0
Inscription : 28 Mai 2003, 09:18

Message par Gaby » 06 Août 2004, 11:42

a écrit :Pourquoi "l'économique" ne renverrait qu'à la domination de la bourgeoisie : est-ce que l'homme en tant qu'homme de profite pas aussi du "surtravail" de la femme (le travail ménager) et n'a pas intérêt à la perpétuation de ce rapport social inégalitaire?

C'est bien à moi que tu réponds ? Y'a un problème dans le décodeur là. Quel est l'idiot qui avancerait l'idée que "l'économique" (sic, et là c'est toi que je cite) ne renvoit qu'à l'hégémonie de la bourgeoisie ? Comme toi, j'ai avancé l'idée que la femme était le prolétaire de l'homme, sous la forme d'un travail rémunéré de façon bien hypocrite. Alors pourquoi fais-tu mine de me contredire ?

Ensuite tu te braques sur le terme de "mentalité" mais je ne vois pas bien pourquoi. Les esprits sont conditionnés par les rapports sociaux, certes, pourquoi tu fais la fine bouche ensuite ? J'ai l'impression que tu contredis pour le plaisir de.

J'attends toujours pour le coup de la domination politique de la bourgeoisie sous le socialisme, et à moins que tu ne sortes la diatribe de Ruhle, je vois pas bien où tu veux en venir.
Gaby
 
Message(s) : 401
Inscription : 27 Fév 2004, 10:53

Message par mael.monnier » 07 Août 2004, 00:28

(PROUDHON @ vendredi 6 août 2004 à 11:54 a écrit : Pourquoi la matérialité des rapports sociaux ne renverrait qu'à "l'économique" : l'oppression des femmes en tant que rapport social matérialisant un rapport de forces inclue de "la mentalité", mais pas seulement : le viol, ce n'est que de "la mentalité" ou l'effet matériel d'un rapport social? les femmes battues, ce n'est que de "la mentalité"? la hiérarchisation quotidienne (et dans de nombreux domaines de la vie sociale) des tâches "nobles" (masculines) et "basses" (féminines), ce n'est que de "la mentalité"?

Et ce rapport social, historiquement ancien (les historiens et les ethnologues le font remonter aujourd'hui bien avant le capitalisme et avant l'invention même de la propriété privée), s'il a des interactions avec la logique capitaliste ne se réduit pas à elle.

En réponse, je commencerais par citer l'article de Révolution Internationale que j'ai déjà cité :

a écrit :Si la femme est ainsi devenue "le prolétaire de l'homme", ce n'est pas à cause de la volonté de pouvoir du sexe masculin, mais parce que, avec la famille patriarcale (qui est apparue comme une nécessité historique permettant à l'humanité de passer de l'état sauvage à la "civilisation"), et plus encore avec la famille individuelle monogamique, la direction du ménage a perdu le caractère public qu'elle avait dans l'ancienne économie domestique du "communisme primitif". Alors que dans ces sociétés archaïques l'économie domestique était une "industrie publique de nécessité sociale" confiée aux femmes (au même titre que la fourniture des vivres était confiée aux hommes), dans la famille monogamique patriarcale, elle est devenue un "service privé". La femme a, dès lors, été écartée de la production sociale et est devenue une "première servante" (Engels). Et ce n'est qu'avec l'apparition de la grande industrie dans la société capitaliste que la voie de la production sociale a pu être de nouveau ouverte à la femme. C'est pour cela que le marxisme a toujours mis en avant que la condition de "l'émancipation" de la femme se trouve dans son intégration dans la production sociale comme prolétaire. C'est dans sa place au sein des rapports de production, et dans sa participation active, en tant que prolétaire, dans la lutte unie de toute la classe exploitée que se trouve la clef du problème. C'est uniquement en posant la question en termes de classes et d'un point de vue de classe que le prolétariat pourra y apporter une réponse.
En renversant le capitalisme et en construisant une véritable société communiste mondiale, le prolétariat aura entre autres tâches celle de rétablir la socialisation de la vie domestique en la développant à l'échelle universelle (notamment à travers la prise en charge de l'éducation des enfants par l'ensemble de la société et non par la cellule familiale conçue comme première entité économique).


A propos des femmes, il suffit d'étudier la vie des Indiens d'Amérique pour voir que ton objection sur une certaine "mentalité" est infondée. Les femmes y sont même honorées...

Exemple dans les communautés autochtones d'Argentine où les femmes se battent contre la société patriarcale que veut imposer les colonisateurs : voir "Femmes, ethnicité, et territorialité en Argentine" sur le site des Pénélopes :
a écrit :D'une culture basée sur le respect de la terre et l'harmonie avec la nature, on est passé brutalement à une culture de la terreur, où les femmes étaient particulièrement discriminées.

Ces femmes sont en lutte à côté des hommes contre l'oppression capitaliste mais :
a écrit :leurs luttes sont systématiquement associées à celles des hommes par les médias, car ceux-ci sélectionnent les images données à voir : on ne peut pas montrer une femme en train de brandir le poing, ou se faire sauvagement matraquer par la police, car cela nuit à l'image de la femme qu'on veut donner. La résistance des femmes a été en quelque sorte occultée tout au long de leur histoire, car elles ne sont pas visibles. Le pourcentage des femmes dans la presse politique et sociale étant très faible, c'est le regard masculin qui prévaut. Montrer l'image de l'homme en révolte plutôt que celle de la femme est un habitus culturel. Leur éducation visuelle étant formatée depuis l'enfance, c'est une seule et unique vision qu'on nous donne à voir : une image brouillée.


L'oppression des femmes découle donc bel et bien des rapports économiques créés par la famille monogamique et la propriété privée des moyens de production.
mael.monnier
 
Message(s) : 0
Inscription : 12 Nov 2003, 16:16

Message par Proudhon » 12 Août 2004, 09:14

(Barikad @ vendredi 6 août 2004 à 12:26 a écrit :Ce qui determine les rapport humain, en dernier recours, c'est les rapports de production.
Alors dire qu'il ne suffit pas de sortir du capitalisme pour faire disparaitre l'oppresion, c'est bien gentil, mais:
1- Impossible de se débrasser de l'oppression sans bouleverser completement les priorité qui commandent la marche du monde: la vie avant les profits, les besoins sociaux avant la satifaction egoiste de la bourgeoisie. Donc le socialisme, donc la Révolution.
2- Sous le socialisme, la question de l'oppression se posera de maniere radicalement différente. D'abord parceque les rapport de production changeront, donc les rapports humain seront boulversé, mais aussi parcequ'il y aura eu un processus emancipateur de millions d'hommes et de femmes qui lui aussi pésera sur les rapport humains.


Je reviens aux deux hypothèses en discussion : 1°) les tendances principales structurant le réel social-historique sont appréhendées par le concept de "capitalisme", dotant d'une intelligibilité "la totalité" des rapports sociaux, en tant que reliés "en dernière instance" au fonctionnement dudit "système" (hypothèse "marxiste"); et 2°) le concept de "capitalisme" saisit une des tendances principales à l'oeuvre dans le réel social-historique de nos sociétés contemporaines, mais ne permet pas de penser dans une totalité "systémique" et "fonctionnelle" l'ensemble des rapports de domination (ce que suggère l'oeuvre, inachevé de ce point de vue, de Bourdieu).

Tu ne dis uniquement : la première a nécessairement raison (du type : je pars du présupposé que la notion de "mode de production" - aujourd'hui : "le capitalisme" - englobe nécessairement la totalité des rapports sociaux à un moment t, donc se débarrasser des différents modes d'oppression passe par la destruction de ce mode de production). Mais c'est simplement la conséquence logique de ton postulat de départ, mais pas une interrogation critique sur ce postulat (qui n'est pas plus "prouvé" ou "valide", avant ou après ton raisonnement).

Il y a ici deux dangers qui peuvent être imbriqués :

* un usage dogmatique des propositions théoriques (non pas soumis périodiquement à l'interrogation critique, via l'expérience et via la confrontation aux faits observables, mais prises comme des "données" quelque peu intemporelles);

* un usage identitaire des propositions théoriques (j'utilise surtout les propositions "marxistes" ou "proudoniennes" ou "bakouniniennes" ou "trotskistes" comme des éléments pour stabiliser mon identité personnelle, et non principalement comme des outils de connaissance branchés la pratique).

Les deux fonctionnent souvent ensemble : "Je suis trotkiste, donc j'ai raison, donc je fais partie de la bonne tribu..." ou "Je suis anarchiste, donc j'ai raison, donc je fais partie de la bonne tribu...". Avec pour complément : les gens des autres tribus (ou les nouvelles tribus indéterminées et pas nettes, comme "les sociaux-démocrates libertaires") ont donc plus ou moins tort, sont plus ou moins cons, sont plus ou moins des "traîtres", sont plus ou moins des "petits-bourgeois" (côté "marxiste") ou sont plus ou moins des "autoritaires" (côté anarchiste).

Mais si on envisageait les deux hypothèses plus haut comme des hypothèses justement? Comme des boussoles provisoires et imparfaites (des "concrets pensés" comme dit Marx) nous aidant à nous orienter dans les dédales de la pratique? On peut tout à fait considérer, dans cette perspective, que l'hypothèse 1 est la moins mauvaise, ou la plus pratique, ou celles qui rend compte de plus de traits de l'expérience.

La différence alors entre cet usage de l'hypothèse 1 (l'hypothèse "marxiste" préférée à l'hypothèse "bourdieusienne") et les usages dogmatiques et identitaires? C'est justement ce qu'on peut appeler le rationalisme critique, qui est pointé par les phrases de Proudhon, Marx et Bachelard :

* "ne nous faisons pas les chefs d'une nouvelle religion ; cette religion fût-elle la religion de la logique, la religion de la raison (...) flétrissons toutes les exclusions, tous les mysticismes ; ne regardons jamais une question comme épuisée, et quand nous aurons usé jusqu'à notre dernier argument, recommençons s'il faut, avec l'éloquence et l'ironie." (Pierre-Joseph Proudhon, lettre à Karl Marx, 17 mai 1846);

* "il faut douter de tout" ("Connais-toi toi-même", jeu de société en forme de questionnaire rempli par Marx, repris dans Pages de Karl Marx, présentées par Maximilien Rubel, tome 1 : "Sociologie critique", Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1970, p.95);

* "Nous insisterons sur ce fait qu'on ne peut se prévaloir d'un esprit scientifique tant qu'on n'est pas assuré, à tous les moments de la vie pensive, de reconstruire tout son savoir. Seuls les axes rationnels permettent ces reconstructions", ajoutait pas mal d'années plus tard Gaston Bachelard pour définir la démarche rationnaliste (Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, 1° éd. : 1938, réédition Vrin, 1983, p.7).

Ce rationalisme critique engage aussi à considérer, comme une autre hypothèse, l'hypothèse 2, sans a priori la dénoncer comme "déviationniste", "petite-bourgeoise", "traître à la classe ouvrière", "contre-révolutionnaire", etc. (stigmatisations typiquement associées aux usages dogmatiques et identitaires des propositions "marxistes").

Tout ça ne renvoie pas qu'à un débat intellectuel, mais aussi à nos capacités pratiques à résister à et à transformer les diverses formes d'oppression, sans se raconter de trop belles histoires, de trop beaux contes de fée sur la liberté et le bonheur infinis qu'ouvrirait nécessairement la destruction du capitalisme...
Proudhon
 
Message(s) : 0
Inscription : 04 Août 2004, 09:19

Message par Proudhon » 12 Août 2004, 09:15

(Gaby @ vendredi 6 août 2004 à 12:42 a écrit :
a écrit :Pourquoi "l'économique" ne renverrait qu'à la domination de la bourgeoisie : est-ce que l'homme en tant qu'homme de profite pas aussi du "surtravail" de la femme (le travail ménager) et n'a pas intérêt à la perpétuation de ce rapport social inégalitaire?

C'est bien à moi que tu réponds ? Y'a un problème dans le décodeur là. Quel est l'idiot qui avancerait l'idée que "l'économique" (sic, et là c'est toi que je cite) ne renvoit qu'à l'hégémonie de la bourgeoisie ? Comme toi, j'ai avancé l'idée que la femme était le prolétaire de l'homme, sous la forme d'un travail rémunéré de façon bien hypocrite. Alors pourquoi fais-tu mine de me contredire ?

Ensuite tu te braques sur le terme de "mentalité" mais je ne vois pas bien pourquoi. Les esprits sont conditionnés par les rapports sociaux, certes, pourquoi tu fais la fine bouche ensuite ? J'ai l'impression que tu contredis pour le plaisir de.

J'attends toujours pour le coup de la domination politique de la bourgeoisie sous le socialisme, et à moins que tu ne sortes la diatribe de Ruhle, je vois pas bien où tu veux en venir.

C'était donc peut-être un malentendu et une interprétation trop hâtive de ma part.
Proudhon
 
Message(s) : 0
Inscription : 04 Août 2004, 09:19

Message par logan » 12 Août 2004, 09:24

C'ets bien beau tout ça mais quelle conséquences pratiques cela revêt il ?
Derrière un vocabulaire abscons on y voit 1 seule idée : "il ne faut pas être dogmatique"

D'accord mais alors?
Je pense que l'abolition du capitalisme ne résoudra pas d'un coup toute sles oppressions. Par contre si on veut avoir une chance d'abolir toutes les oppressions il faut d'abord en finir avec le capitalisme, système d'exploitation de l'homme par l'homme.
logan
 
Message(s) : 440
Inscription : 23 Fév 2004, 13:47

Message par Proudhon » 12 Août 2004, 09:58

(mael.monnier @ samedi 7 août 2004 à 01:28 a écrit :En réponse, je commencerais par citer l'article de Révolution Internationale que j'ai déjà cité :

a écrit :Si la femme est ainsi devenue "le prolétaire de l'homme", ce n'est pas à cause de la volonté de pouvoir du sexe masculin, mais parce que, avec la famille patriarcale (qui est apparue comme une nécessité historique permettant à l'humanité de passer de l'état sauvage à la "civilisation"), et plus encore avec la famille individuelle monogamique, la direction du ménage a perdu le caractère public qu'elle avait dans l'ancienne économie domestique du "communisme primitif". Alors que dans ces sociétés archaïques l'économie domestique était une "industrie publique de nécessité sociale" confiée aux femmes (au même titre que la fourniture des vivres était confiée aux hommes), dans la famille monogamique patriarcale, elle est devenue un "service privé". La femme a, dès lors, été écartée de la production sociale et est devenue une "première servante" (Engels). Et ce n'est qu'avec l'apparition de la grande industrie dans la société capitaliste que la voie de la production sociale a pu être de nouveau ouverte à la femme. C'est pour cela que le marxisme a toujours mis en avant que la condition de "l'émancipation" de la femme se trouve dans son intégration dans la production sociale comme prolétaire. C'est dans sa place au sein des rapports de production, et dans sa participation active, en tant que prolétaire, dans la lutte unie de toute la classe exploitée que se trouve la clef du problème. C'est uniquement en posant la question en termes de classes et d'un point de vue de classe que le prolétariat pourra y apporter une réponse.
En renversant le capitalisme et en construisant une véritable société communiste mondiale, le prolétariat aura entre autres tâches celle de rétablir la socialisation de la vie domestique en la développant à l'échelle universelle (notamment à travers la prise en charge de l'éducation des enfants par l'ensemble de la société et non par la cellule familiale conçue comme première entité économique).


A propos des femmes, il suffit d'étudier la vie des Indiens d'Amérique pour voir que ton objection sur une certaine "mentalité" est infondée. Les femmes y sont même honorées...

Exemple dans les communautés autochtones d'Argentine où les femmes se battent contre la société patriarcale que veut imposer les colonisateurs : voir "Femmes, ethnicité, et territorialité en Argentine" sur le site des Pénélopes :
a écrit :D'une culture basée sur le respect de la terre et l'harmonie avec la nature, on est passé brutalement à une culture de la terreur, où les femmes étaient particulièrement discriminées.

Ces femmes sont en lutte à côté des hommes contre l'oppression capitaliste mais :
a écrit :leurs luttes sont systématiquement associées à celles des hommes par les médias, car ceux-ci sélectionnent les images données à voir : on ne peut pas montrer une femme en train de brandir le poing, ou se faire sauvagement matraquer par la police, car cela nuit à l'image de la femme qu'on veut donner. La résistance des femmes a été en quelque sorte occultée tout au long de leur histoire, car elles ne sont pas visibles. Le pourcentage des femmes dans la presse politique et sociale étant très faible, c'est le regard masculin qui prévaut. Montrer l'image de l'homme en révolte plutôt que celle de la femme est un habitus culturel. Leur éducation visuelle étant formatée depuis l'enfance, c'est une seule et unique vision qu'on nous donne à voir : une image brouillée.


L'oppression des femmes découle donc bel et bien des rapports économiques créés par la famille monogamique et la propriété privée des moyens de production.



La notion de "communisme primitif" ne correspond plus, dans sa vision homogénéisatrice, à la variété des sociétés humaines étudiées aujourd'hui par les ethnologues. Elle correspond à une représentation, déjà à l'époque sans doute idéalisée, qu'Engels tirait des travaux ethnologiques disponibles au 19° siècle. Il y a encore là le risque d'un usage "dogmatique" des propositions théoriques, ne tenant pas compte des connaissances engrangées depuis, et servant alors davantage de fétiche identitaire (personnel et collectif : "Ma tribu et moi") que d'outils de connaissance fécondant la pratique.

Pour être plus précis, je donnerai un exemple de la complication des sociétés analysées par les ethnologues (cet exemple ne donnant qu'une figure, et ne prétendant pas englober la diversité observée, mais exprimera cette diversité : l'exemple, contrairement à ceux du camarade, ne servira pas à illustrer une thèse totalisatrice à propos des sociétés dites "primitives", mais à inciter à la prudence) :

"Parmi les divers groupes que les Han (ethnie majoritaire de la Chine) appellent Mo-so, ceux qui habitent Yongning et ses alentours s'appellent eux-mêmes Na. Agriculteurs montagnards, ils regroupent environ 30000 personnes. Jusqu'à nos jours, femmes et hommes de cette ethnie peuvent entretenir librement des relations sexuelles avec plusieurs partenaires, et en changer selon leur gré. L'homme visite nuitamment la femme dans la maison où celle-ci cohabite avec soeurs et frères des différentes générations de sa lignée, pour, au matin, regagner systématiquement la maison de sa propre lignée, habitat qui constitue le seul foyer économique au sein duquel il travaille, produit et consomme.

Entre les partenaires, il n'existe aucune relation économique. Les enfants nés de ce commerce sexuel font partie, invariablement, de la lignée de la mère, dont les membres assurent l'éducation, sans que le géniteur y intervienne d'une quelconque manière. Celui-ci n'est d'ailleurs souvent 'identifié' que par sa ressemblance avec l'enfant. Parfois il n'est même pas connu, les femmes recevant des partenaires différents. Nous n'avons d'ailleurs trouvé, dans la langue na, aucun terme qui recouvre la notion de père, leur terminologie de parenté étant strictement consanguine et matrilinéaire."
Cai Hua, Une société sans père ni mari - Les Na de Chine, PUF, 1997, p.14.

Ce livre est basé sur des enquêtes de terrain échelonnées entre 1985 et 1992. Le mariage et le monogamie sont donc proscrits traditionnellement dans cette société. Sauf pour "l'ethnie" dominante : les sïpi; la transmission du pouvoir, dans cette structuration de type "féodale" passant par la relation père-fils. L'ethnologue fait l'hypothèse qu'il s'agit là d'une manière d'"intégrer la politique administrative du gouvernement central chinois, donc un résultat de la diffusion de la culture des Mandchous" (p.283). Toutefois malgré ces règles inhabituelles quant aux relations sexuelles et au mariage, cette société développe une division sexuelle des rôles sociaux assez traditionnelle : "Au sein de chaque matrilignée, en général il existe deux 'dabu' (chefs), un homme et une femme. Selon l'expression des Na, 'Le chef masculin s'occupe des affaires extérieures, et le chef féminin se charge des affaires intérieures'." (p.99) On retouve là une tendance ancienne de la domination masculine étudiée par Pierre Bourdieu (La domination masculine, Seuil, 1998) autour du couple intérieur (féminin)/extérieur (masculin).

La bureaucratie stalinienne chinoise a essayé d'imposer le mariage et la monogamie, en fonction d'une vision évolutionniste du cours des société humaines qu'elle prétendait tirer du "marxisme" (la monogamie étant considéré comme un "stade d'évolution" plus "civilisé"). Mais la société a résisté : sur un échantillon de villages étudié par l'auteur en 1989, seulement 10,1% des personnes vivaient en couples officiels et 1,8% cohabitaient de manière spontanée.
Proudhon
 
Message(s) : 0
Inscription : 04 Août 2004, 09:19

PrécédentSuivant

Retour vers Histoire et théorie

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 2 invité(s)