(Puig Antich @ vendredi 27 janvier 2006 à 13:28 a écrit : Ce que suggére "dictature du prolétariat", ça dépend pour qui.... Puis, parmi tous ceux qui ont ce référent, personne ne la considére comme un but en soi.
Ce qu'on entend enfin par "état prolétarien" peut aussi varier. Ce qui est sûr, c'est que la définition minimale de l'Etat, c'est "une bande d'hommes - et de femmes - armés". Il faudra une telle bande pour faire la révolution. Aprés, l'Etat dans le sens de machine bureaucratique, avec une codification rituelle, le pouvoir et sa reproduction augmentée qui devient l'objectif en soi, ... ça, si on peut s'en passer, c'est cool. Mais n'est-ce pas justement l'inverse de ce que doit être la dictature du prolétariat ?
Certes, mais ta question n'est-elle pas alors que de mots ? On en finirait comme Bernard à considérer que l'on peut mettre la même chose sous dictature du prolétariat, et sous communisation. C'est bien pourquoi il faut aller aux concepts, et pas seulement aux formes, aller aux formes en mouvement, en devenir dans leurs contradictions en contenus, et pas seulement comme stades, statiques, d'étapes.
Si "la dictature du prolétariat" n'est pas une fin en soi, un aboutissement, comment se produit le communisme ? Comment se produit le so called "dépérissement de l'Etat" ? L'abolition de la valeur, du salariat, de la propriété etc. ? La "dictature du prolétariat", dans sa compréhension par le mouvement ouvrier au début du siècle, pouvait se concevoir comme parachèvement de l'évolution des "forces productives" et leur libération de l'emprise de la valeur, des "rapports de production". L'URSS ne pouvait y échapper, et Lénine savait bien qu'en fait de "dictature du prolétarait" il instituait peu ou prou un capitalisme d'Etat sous la direction d'un parti au départ ouvrier... Avec ce qui s'en suit, la création d'une "classe" bureaucratique, économico-politique, comme ersatz de bourgeoisie capitaliste déficiente historiquement à la fin du tzarisme, "classe" qui continuera de se nommer PCUS jusqu'au bout, jusqu'à Gorbatchev-Eltsine : c'est bien se qui explique que les mêmes personnes se "reconvertissent" : tout a changé = rien, pour le prolo, au fond. Cette "classe" cumule directions politique et économique, qui sont séparées dans le capitalisme bourgeois, d'où les deux formes du
Spectacle que distinguera Debord en 67:
intégré et
diffus, puis, en 88, avant la chute du mur :
concentré. Rien n'a véritablement "dégénéré", on ne peut guère envisager rétrospectivement une issue très différente, la possibilité de changer le rapport social du point de vue du prolétaire, de l'ouvrier russe. L'ultra-gauche avait vu juste dès les années vingt à cet égard et la chute du mur lui a donné historiquement raison. On a beaucoup entendu à cette époque : "personne n'avait prévu l'effondrement du communisme..." Evidemment, pour les communistes qui avaient compris la nature du régime soviétique depuis 70 ans, ce n'était pas un "retour au capitalisme", ce n'était qu'un changement de formes de ce qui, au fond, n'avait jamais changé dans le rapport social d'exploitation.
Aujourd'hui, qui veut développer jusqu'au bout les forces productives pour faire la révolution ? Il semble que le capitalisme n'ait pas attendu, et qu'il n'a produit comme progrès (scientifique, technique...) que ce qui est adéquat à son système, à la logique de la valeur.
Sur l'Etat.
Les conceptions de la dictature du prolétariat se fondent sur une prise de pouvoir d'un Etat qui n'est pas défini hors du temps, comme a minima "une bande d'hommes - et de femmes - armés", mais comme le remplacement de l'Etat bourgeois dans ses caractéristiques d'Etat moderne, telles que Marx les analyse dès ses écrits de jeunesse, et dont les nouveaux "prolétaires dictateurs" héritent. En essence, en contenu, c'est toujours l'Etat issu de la Révolution française, l'Etat hégélien, l'Etat bourgeois, et son pendant "la société civile" : tout ce qui se réfère à ce dyptique (sans parler de la Nation, de la république, et même de la démocratie), relève de la philosophie politique pré-marxienne, et pas de la théorie communiste. Tant qu'on est dans le capitalisme, on n'en sort pas, les deux s'adaptent ensemble. Et tant qu'on sera dans le bras de fer de la communisation, entre capitalisme et communisme, c'est à cette nature de l'Etat et de la "société" que seront confrontés les prolétaires dans leurs luttes, qui ne pourraient que se refléter au niveau de l'Etat, entre sa conservation et sa destruction : vouloir à la fois un pouvoir d'Etat ouvrier et le communisme, c'est une antinomie, une contradiction dans les termes. Ceux qui viseront l'objectif ou s'arrêteront au stade de créer un Etat démocratique ou un pouvoir d'Etat ouvrier deviendront de fait contre-révolutionnaires dans le processus, quelle que soit leur origine sociale et leur drapeau.
Même s'il y a un temps étatique dans le processus, c'est contre sa constitution que se poursuivra la révolution. S'il existe un "Etat ouvrier", les révolutionnaires deviendront contre l'Etat ouvrier dans le même mouvement qu'ils poursuivront la destruction du capital et la dissolution des classes. Les révolutionnaires ne voudront pas rester "ouvriers", et aucun membre d'un quelconque Etat ne sera plus un ouvrier mais un obstacle au communisme, et ça, on peut déjà en avoir une idée aujourd'hui, dans les luttes ouvrières comme dans les partis dit ouvriers.