UN SIECLE DE COMBAT DES ENSEIGNANTS SYNDICALISTES POUR QUE L’ECOLE SOIT LAIQUE
Il y a bientôt un siècle, le 30 novembre 1905, 133 instituteurs et institutrices, bradant l’interdiction qui leur est faite annoncent la transformation des associations d’instituteurs en syndicat à part entière.
Ce manifeste, véritable charte lancé par « l’Emancipation de l’instituteur » ne mâche ni ses mots, ni ne masque les objectifs visés.
"Notre enseignement n’est pas un enseignement d’autorité. Ce n’est pas au nom du gouvernement même républicain, ni même au nom du peuple français que l’instituteur confère son enseignement : c’est au nom de la vérité. Les rapports mathématiques, les règles de grammaire non plus que les faits d’ordre scientifique, historique, moral qui le constituent, ne sauraient dès lors être soumis aux fluctuations d’une majorité. «
"Il découle de ces principes que le corps des instituteurs a besoin de toute son autonomie, les instituteurs eux-mêmes de la plus large indépendance... »
L’autonomie et l’indépendance dans le cadre de l’application des programmes sont difficiles à obtenir face à une triple oppression : celle de l’administration, celle des potentats locaux et la dernière très puissante : celle de l’Eglise qui n’a pas désarmé... loin de là.
La hiérarchie catholique demande aux parents d’envoyer leurs enfants à l’école chrétienne sous peine de se « rendre indignes des sacrements de l’Eglise »...
Rappelons pour mémoire que la Ligue de l’Enseignement a refusé en 1902 de suivre le Grand Orient qui exhorte Combes à « instaurer le monopole de l’enseignement laïque » !
Naturellement comme l’école publique est bien implantée et que beaucoup de catholiques la fréquentent, l’Eglise ne tolère la fréquentation de « la laïque » que sous la surveillance des parents.
C’est ainsi que les instituteurs et les institutrices doivent affronter une offensive menaçant la laïcité de l’école et prenant différentes formes :
- La pression exercée par des élus réactionnaires et par des parents contre le choix de tels manuels scolaires ;
- La déscolarisations partielle : des prêtres demandant aux enfants de venir au catéchisme après la récréation de l’après midi....
Les syndicalistes et l’ensemble de la profession tiennent bon, ils résistent et n’hésitent pas à avoir recours aux tribunaux...
Cette ténacité conduit les gouvernement républicains, après beaucoup d’hésitations à publier fin octobre 1909 une circulaire ministérielle dénonçant les bureaux d’associations ( réactionnaires cléricaux) auprès de l’instituteur comme « une attente intolérable à l’indépendance de l’enseignement et à la dignité de ceux qui le donnent »....
Les institutrices et instituteurs syndicalistes défendent l’école laïque mais aussi affirment leur intention d’adhérer à la CGT et aux bourses du travail afin d’agir en cohérence :
« Nous instruisons les enfants du peuple le jour. Quoi que de plus naturel que nous songions à nous retrouver avec les hommes du peuple, le soir »
Ce droit syndical sera très dur à obtenir, la répression s’abattra sur nombre de syndicalistes : blâmes, déplacements et révocations....La jeune fédération nationale des syndicats d’instituteurs créée en juillet 1905 résistera...
Le syndicalisme enseignant qui s’étendra à tous les ordres d’enseignement est ainsi né avec un triple objectif :
- Défendre l’école laïque et l’indépendance des enseignants ;
- défendre les intérêts matériels et moraux de la profession
- lier son combat à celui du mouvement ouvrier
Aujourd’hui le mouvement syndical enseignant est beaucoup plus morcelé qu’à cette époque mais aussi plus puissant. Il y a un siècle les institutrices et instituteurs syndicalistes ne sont que quelques milliers... unis et déterminés.
N’est-il pas nécessaire et indispensable, un siècle après l’appel des 133 que le syndicalisme enseignant se ressaisisse et mène le combat pour la défense de la laïcité de l’école. ?
C’est un combat d’actualité face à des tentatives de démantèlement de l’école publique, de mise en concurrence d’établissements, d’introduction de logiques libérales avec des recherches de financements et d’ouverture de l’école laïque à des associations anti laïques comme « Familles de France ».
Valière
NB Suivra le texte historique que j'ai saisi