Le centième anniversaire

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Valiere » 27 Nov 2005, 19:06

UN SIECLE DE COMBAT DES ENSEIGNANTS SYNDICALISTES POUR QUE L’ECOLE SOIT LAIQUE


Il y a bientôt un siècle, le 30 novembre 1905, 133 instituteurs et institutrices, bradant l’interdiction qui leur est faite annoncent la transformation des associations d’instituteurs en syndicat à part entière.
Ce manifeste, véritable charte lancé par « l’Emancipation de l’instituteur » ne mâche ni ses mots, ni ne masque les objectifs visés.

"Notre enseignement n’est pas un enseignement d’autorité. Ce n’est pas au nom du gouvernement même républicain, ni même au nom du peuple français que l’instituteur confère son enseignement : c’est au nom de la vérité. Les rapports mathématiques, les règles de grammaire non plus que les faits d’ordre scientifique, historique, moral qui le constituent, ne sauraient dès lors être soumis aux fluctuations d’une majorité. «
"Il découle de ces principes que le corps des instituteurs a besoin de toute son autonomie, les instituteurs eux-mêmes de la plus large indépendance... »

L’autonomie et l’indépendance dans le cadre de l’application des programmes sont difficiles à obtenir face à une triple oppression : celle de l’administration, celle des potentats locaux et la dernière très puissante : celle de l’Eglise qui n’a pas désarmé... loin de là.

La hiérarchie catholique demande aux parents d’envoyer leurs enfants à l’école chrétienne sous peine de se « rendre indignes des sacrements de l’Eglise »...
Rappelons pour mémoire que la Ligue de l’Enseignement a refusé en 1902 de suivre le Grand Orient qui exhorte Combes à « instaurer le monopole de l’enseignement laïque » !

Naturellement comme l’école publique est bien implantée et que beaucoup de catholiques la fréquentent, l’Eglise ne tolère la fréquentation de « la laïque » que sous la surveillance des parents.
C’est ainsi que les instituteurs et les institutrices doivent affronter une offensive menaçant la laïcité de l’école et prenant différentes formes :

- La pression exercée par des élus réactionnaires et par des parents contre le choix de tels manuels scolaires ;
- La déscolarisations partielle : des prêtres demandant aux enfants de venir au catéchisme après la récréation de l’après midi....

Les syndicalistes et l’ensemble de la profession tiennent bon, ils résistent et n’hésitent pas à avoir recours aux tribunaux...
Cette ténacité conduit les gouvernement républicains, après beaucoup d’hésitations à publier fin octobre 1909 une circulaire ministérielle dénonçant les bureaux d’associations ( réactionnaires cléricaux) auprès de l’instituteur comme « une attente intolérable à l’indépendance de l’enseignement et à la dignité de ceux qui le donnent »....

Les institutrices et instituteurs syndicalistes défendent l’école laïque mais aussi affirment leur intention d’adhérer à la CGT et aux bourses du travail afin d’agir en cohérence :
« Nous instruisons les enfants du peuple le jour. Quoi que de plus naturel que nous songions à nous retrouver avec les hommes du peuple, le soir »

Ce droit syndical sera très dur à obtenir, la répression s’abattra sur nombre de syndicalistes : blâmes, déplacements et révocations....La jeune fédération nationale des syndicats d’instituteurs créée en juillet 1905 résistera...
Le syndicalisme enseignant qui s’étendra à tous les ordres d’enseignement est ainsi né avec un triple objectif :
- Défendre l’école laïque et l’indépendance des enseignants ;
- défendre les intérêts matériels et moraux de la profession
- lier son combat à celui du mouvement ouvrier

Aujourd’hui le mouvement syndical enseignant est beaucoup plus morcelé qu’à cette époque mais aussi plus puissant. Il y a un siècle les institutrices et instituteurs syndicalistes ne sont que quelques milliers... unis et déterminés.
N’est-il pas nécessaire et indispensable, un siècle après l’appel des 133 que le syndicalisme enseignant se ressaisisse et mène le combat pour la défense de la laïcité de l’école. ?
C’est un combat d’actualité face à des tentatives de démantèlement de l’école publique, de mise en concurrence d’établissements, d’introduction de logiques libérales avec des recherches de financements et d’ouverture de l’école laïque à des associations anti laïques comme « Familles de France ».

Valière

NB Suivra le texte historique que j'ai saisi
Valiere
 
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Message par Valiere » 27 Nov 2005, 19:08

texte rédigé le 26 novembre et publié le 30 novembre 1905

LE MANIFESTE DES INSTITUTEURS SYNDICALISTES


Quelques jours après l’arrêt des poursuites, le 26 novembre 1905, parut le manifeste des instituteurs syndicalistes, rédigé par Roussel, président des normaliens de la Seine, Glay et Dufrenne, conseillers départementaux.
Ce texte venait à son heure, il était clair, frappant et faisait sonner haut les revendications du personnel primaire. Il était comme une déclaration des droits des instituteurs. Il fit grand bruit tant parmi les ennemis, que parmi les amis des instituteurs.

C’est, dit J.-S. Séverac dans l’Encyclopédie Socialiste, un document de la plus haute importance, car il exprime avec une netteté parfaite l’orientation des pensées et des sentiments de la fraction la plus active et la plus audacieuse du grand corps des instituteurs.

Voici le texte de ce manifeste :

Considérant qu’il est établi qu’aucun texte de loi ne dénie formellement aux instituteurs le droit de former des syndicats ;
Que, d’autre part, il n’est pas exact d’affirmer qu’il y ait une jurisprudence contre les syndicats d’instituteurs ;

Attendu qu’il est constitué, aussitôt après la promulgation de la loi 1884, un syndicat des membres de l’enseignement, et, plus, récemment, plusieurs syndicats d’instituteurs, sans que l’autorité judiciaire s’en soit émue, et que les poursuites contre les associations syndicales d’instituteurs n’ont commencé que sur l’injonction du pouvoir exécutifs ;
Considérant cependant que ni la loi ni la jurisprudence n’interdisent aux associations d’instituteurs la forme syndicale, elles ne la leur reconnaissent pas formellement non plus ;
Et qu’il appartient dès lors au pouvoir législatif d’en décider ;
Considérant qu’un projet de loi ayant cet objet est en instance devant le Parlement et qu’il doit venir prochainement en discussion ;
Les instituteurs syndicalistes croient devoir, dans le but d’éclairer l’opinion publique et le pouvoir législatif sur ce qu’ils se proposent en recherchant la forme syndicale, faire la déclaration suivante :
« Si l’on admet qu’il soit dans la nature des choses et de l’intérêt supérieur de l’Etat que la capacité syndicale soit refusée aux agents qui détiennent une portion de la puissance publique, on ne saurait sans prévaloir pour dénier aux instituteurs le droit de constituer en syndicats.
Notre enseignement n’est pas un enseignement d’autorité. Ce n’est pas au nom du gouvernement, même républicain, ni au nom de l’Etat, ni même au nom du peuple Français que l’instituteur confère son enseignement ; c’est au nom de la vérité. Les rapports mathématiques, les règles de grammaire, n’ont plus que les faits d’ordre scientifique, historique, moral qui le constituent, ne sauraient dès lors être soumis aux fluctuations d’une majorité.


« Il découle de ces principes que le corps des instituteurs a besoin de toutes son autonomie, et les instituteurs eux-mêmes de la plus large indépendance. Hors, cette autonomie du corps enseignant primaire et cette indépendance de ses membres ne peuvent être pleinement réalisées que par la constitution en syndicats des associations professionnelles d’instituteurs.
« Les instituteurs syndicalistes croient, d’autre part, être dans le sens de l’évolution républicaine en réclamant pour leurs regroupements corporatifs la forme syndicale, comme étant la seule qui convienne à l’organisation démocratique de l’enseignement primaire, qu’ils sont résolus à poursuivre.
« Les instituteurs sont, en effet, décidés à substituer à l’autorité administrative, qui avoue son impuissance devant les ingérences politiques, et aux influences politiques auxquelles ils ont été, jusqu’ici, obligés d’avoir recours pour corriger les injustices administratives, la force syndicale.
« Les instituteurs réclament la capacité syndicale pleine et entière. Toutefois, il est profondément injuste d’affirmer que leur préoccupation soit de conquérir le droit de grève. C’est, ils y insistent, dans une pensée d’organisation républicaine qu’ils demandent au pouvoir législatif de leur reconnaître la capacité syndicale.
« C’est, enfin, pour des raisons morales de l’ordre le plus élevé, que les instituteurs réclament le droit de se constituer en syndicats : Ils veulent entrer dans les Bourses du Travail. Ils veulent appartenir à la Confédération générale du travail.
« Par leurs origines, par la simplicité de leur vie, les instituteurs appartiennent au peuple. Ils lui appartiennent aussi parce que c’est aux fils du peuple qui sont chargés d’enseigner.
« Nous instruisons les enfants du peuple, le jour. Quoi de plus naturel que nous songions à nous retrouver avec des hommes du peuple, le soir ? C’est au milieu des syndicats ouvriers que nous prendrons connaissance des besoins intellectuels et moraux du peuple. C’est à leur contact et avec leur collaboration que nous établirons nos programmes et nos méthodes.
« Nous voulons entrer dans les Bourse du Travail pour y prendre de belles leçons de vertu corporative, et y donner l’exemple de notre conscience professionnelle.
« Nous avons, de la forme syndicale, la plus haute conception. Le syndicat ne nous apparaît point créé uniquement pour défendre les intérêts immédiats de ses membres, mais il nous semble qu’il doit se soucier autant de rendre plus profitable à la collectivité la fonction sociale que ses membres remplissent.
« Les syndicats doivent se préparer à constituer les cadres des futures organisations autonomes auxquelles l’Etat remettra le soin d’assurer sous contrôle et sous leur contrôle réciproque les services progressivement socialisés.
« Telle est la conception syndicale que nous voulons porter dans les Bourses du Travail. Et telles dont les raisons, d’ordre théorique et d’ordre pratique, pour lesquelles nous demandons au pouvoir législatif de reconnaître aux associations professionnelles d’instituteurs la capacité syndicale. »
En attendant, nous engageons tous les instituteurs syndicalistes à adhérer aux syndicats déjà existants.
Valiere
 
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Message par toulaiev » 29 Nov 2005, 23:44

Vu la division syndicale c'est un aniversaire teinté de deuil... :cry3:

un enseignant...
toulaiev
 
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Message par Valiere » 01 Déc 2005, 09:26

Il existe quand même une volonté et une amorce de tendance révolutionnaire intersyndicale
Valiere
 
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Message par Sterd » 01 Déc 2005, 23:57

(Valiere @ jeudi 1 décembre 2005 à 11:26 a écrit : Il existe quand même une volonté et une amorce de tendance révolutionnaire intersyndicale
Chez les instits ? :blink:
Sterd
 
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Message par Thomas » 02 Déc 2005, 19:45

Achieri , le Lénine de 2005 :sygus: :sygus: :sygus: :sygus:
Thomas
 
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