Informations Ouvrières N° 128, semaine du 16 au 22 décembre 2010
EDITORIAL
Payer ou répudier ?
Pour aller jusqu’au bout de l’éclatement des administrations centrales de l’Etat, « un dialogue social approfondi avec les organisations syndicales (…) est une clé essentielle de réussite ».
Ainsi s’exprime Fillon, ce 13 décembre, dans son discours aux préfets.
Pour étendre les « contrats aidés » et généraliser « l’alternance » des jeunes — bref: aggraver précarité et surexploitation —, « le dialogue social constructif que nous recherchons au niveau national doit se décliner aussi sur les territoires ».
Pour tourner directement l’orientation des jeunes vers les besoins des patrons, il faut « associer les partenaires sociaux et les représentants régionaux ».
Dans tous les domaines, le gouvernement n’a qu’une « clé de réussite » possible: le « dialogue social », qui prétend associer les syndicats à ses plans de misère, de chômage, de destruction et de régression sociale.
Fillon évoque la nécessité de « dépenses publiques mieux maîtrisées ».
La bonne blague...
Mieux maîtrisées par qui ?
Cinquante milliards d’euros ont été versés par l’Etat en 2009 au titre des intérêts de la dette.
Bénéficiaires: les grandes banques et institutions financières.
Deuxième budget de l’Etat, en constante augmentation, ce service de la dette équivaut à un million et demi à deux millions d’emplois !
Le « dialogue social » a pour base que les « partenaires sociaux » ne disent mot du service de la dette et se plient à « la nécessaire réduction des déficits publics », comme l’a fait l’intersyndicale des cinq organisations le 29 novembre dernier.
Le consensus n’est possible que si tous, majorité et opposition, patrons et syndicats ouvriers, acceptent de se ranger à cet impératif, au nom de l’« intérêt général ».
« La dette est un poison mortel qui tue les empires et provoque les révolutions », s’inquiétait, en mai dernier, Jean-Marc Vittori, éditorialiste au journal capitaliste Les Echos (1).
Et de passer en revue les moyens de s’en sortir: rembourser la dette, la rééchelonner ou laisser filer l’inflation qui en diminue le montant.
Remarquons que ces trois moyens reviennent à piller les ressources du peuple travailleur, démanteler ses acquis, aggraver les conditions d’exploitation.
Cela dans un seul but: satisfaire la voracité des banquiers et des institutions internationales détenteurs de la dette, et les exigences des capitalistes.
Mais Vittori évoque une autre possibilité: « la solution Lénine : répudier la dette, comme le fit la Russie en 1917 ».
On ne peut soupçonner l’éditorialiste des Echos d’être partisan de Lénine.
L’alternative qu’il dessine n’en a que plus de poids.
Car depuis que ces lignes ont été écrites, la dette n’a cessé de s’alourdir, la spéculation se déchaîne, les agences de notation menacent de faillite les Etats les uns après les autres, les plans de rigueur frappent en rafale tous les peuples d’Europe…
Alors, la dette: la payer ou la répudier ?
Pour les travailleurs et leurs organisations, cela signifie: ou bien courber l’échine devant les diktats de la dette et — consensus et dialogue social obligent — mettre le doigt dans l’engrenage de toutes les contre-réformes qui en découlent ;
ou bien refuser de la reconnaître et dresser, face à elle et contre elle, la légitimité de chacune des revendications ouvrières et la nécessaire indépendance de classe pour les faire prévaloir.
Samedi 11 décembre, les délégués à la conférence pour l’unité ouvrière se sont clairement prononcés pour le deuxième terme de cette alternative.
La discussion s’engage à présent sur leurs conclusions.
Daniel Gluckstein
Secrétaire national du POI
(1) 17 mai 2010.