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[center]Polémique autour du premier projet français de parc à thons[/center]
LE MONDE | 30.01.06 |
PERPIGNAN CORRESPONDANT
Un projet de parc à thons entre Port-Vendres et Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) suscite une vive opposition alors que l'enquête publique ouverte début janvier se poursuit jusqu'au 2 février. Le projet consiste à installer au large du cap d'Oullestrell 4 cages submersibles dans lesquelles seront élevés des thons rouges capturés en milieu sauvage.
La mode est à l'embouche du thon rouge, ce "foie gras" de la mer. Cette activité, apparue au Canada dans les années 1970, se développe depuis six ans de façon spectaculaire en Méditerranée pour répondre aux besoins du marché japonais. En 2004, on y dénombrait 46 fermes à thons. Les principaux éleveurs sont l'Espagne, la Croatie, Malte, l'Italie et la Turquie. La France, qui à ce jour n'a pas d'élevage de ce type, est quant à elle le plus important fournisseur de thons vivants aux fermes méditerranéennes, principalement espagnoles. Avec une flotte de 40 "senneurs" aux filets géants installés dans le golfe du Lion, les captures françaises épuisent la ressource. La biomasse des thons en âge de frayer a diminué de 80 % au cours des vingt dernières années.
Le professeur Jean-Claude Bisconte, conseiller scientifique de Greenpeace, a déjà saisi le sous-préfet de Céret pour demander le retrait du projet. "Nous avons identifié cinq points décisifs pour disqualifier le dossier, explique-t-il. Deux sont graves et vérifiables : la pollution et l'ampleur réelle du projet. La pollution dépend d'une part, de la quantité de thons maximale, qui elle-même détermine le volume des déchets, et, d'autre part, des courants, qui les dispersent ou non vers les zones sensibles." Autre point, "il est prévu qu'il n'y aurait que 200 tonnes de thons dans les cages, ce qui n'est pas en concordance avec le volume de 240 000 m3 des 4 cages annoncées : ou il n'y pas assez de thons ou il y a trop de cages". Pour M. Bisconte, "le projet français est la copie des fermes espagnoles, qui traitent un volume moyen de 1 000 tonnes, car pour les exploitants de fermes à thons, une production inférieure à 600 tonnes n'est pas rentable".
"PLONGEUR DANS LA CAGE"
A l'origine du projet se trouve la société BDS, représentée par l'armateur Raphaël Scannapieco. Vice-président de la commission française de thons rouges, il réfute les risques écologiques, expliquant que les craintes relatives aux déchets ne sont pas fondées : "Tout sera fait sous contrôle. Lorsque la nourriture est distribuée aux thons, il y a un plongeur dans la cage qui gère la situation." "Sur la côte d'Azur, précise-t-il, il y a des élevages de dorades à 200 m de la côte. Mes cages seront à 2 km."
Outre Greenpeace, une douzaine d'associations locales montent au créneau contre ce projet. Plusieurs réunions publiques contradictoires ont déjà eu lieu. Le jeudi 26 janvier, à Port-Vendres, les associations ont remis au sous-préfet de Céret, Jean-Pierre Gillery, une lettre résumant leur refus argumenté du projet.
Plusieurs conseils municipaux ont émis des réserves et se sont prononcés contre les parcs à thons. Le site retenu se trouve à 3 km des plages de Paulilles, où le Conservatoire du littoral a acquis les terrains d'une ancienne usine de dynamite, actuellement réhabilités par le conseil général. Il se situe aussi à proximité d'une zone sous-marine classée Natura 2000 pour ses herbiers de posidonies et de la réserve naturelle marine de Banyuls. Le ton risque donc encore de monter. C'est en juin, au terme de l'enquête publique, que le préfet devrait se prononcer sur ce dossier.
Jean-Claude Marre