PARIS (AP) - Au lendemain des voeux de Jacques Chirac, qui a demandé au gouvernement d'avancer sur le droit au logement opposable, plusieurs associations de mal-logés et de "jeunes précaires" ont annoncé lundi qu'une centaine de personnes, dont une dizaine de familles, occupaient un immeuble en plein coeur de Paris, exigeant notamment la réquisition des bâtiments vides appartenant à de gros propriétaires.
"Jacques Chirac a demandé la mise en oeuvre du droit au logement opposable. Et bien Chirac décrète, et nous, nous appliquons", a expliqué avec ironie à l'Associated Press Lionel, l'un des porte-parole de "Jeudis Noirs", collectif d'étudiants et de "jeunes actifs" incapables de se loger décemment en raison de la flambée des loyers.
Ce collectif, ainsi que l'association Droit au logement (DAL) ou encore le Comité des sans-logis (CDSL) sont à l'origine de cette action.
Les occupants comptent faire du bâtiment, vide depuis trois ans et situé rue de la Banque, dans le 2e arrondissement de Paris, le "ministère de la Crise du Logement", pour faire pression sur le gouvernement et "obliger les partis" à se positionner sur la question de l'exclusion durant toute la campagne pour la présidentielle et les élections législatives.
Droit au logement explique ainsi les objectifs de cette occupation. Il s'agit en premier lieu, selon un communiqué de l'association, de "loger et reloger dans l'attente d'un logement durable des familles expulsées, chassées par la pression de la spéculation immobilière, mais aussi des étudiants, des artistes, et, c'est plus nouveau, des jeunes salariés, eux aussi frappés par la hausse incontrôlée des loyers et de l'immobilier".
En outre, les occupants veulent "organiser des actions et des initiatives pour contrer le mal-logement et la pénurie et faire de ce lieu un véritable 'QG associatif contre la crise du logement', rassembleur, ouvert, pragmatique et militant".
"Notre action s'inscrit dans la droite ligne de ce que font les Enfants de Don Quichotte. Et nous espérons tous que cette poussée formidable va permettre de faire craquer les politiques", a expliqué lundi à l'Associated Press le président de DAL, Jean-Baptiste Eyraud.
L'immeuble d'un peu plus de 1.000 m2, haut de six étages -huit niveaux en comptant les sous-sols- est situé au coeur du 2e arrondissement et appartient à la Lyonnaise des Banques. Il abritait jusqu'au 18 décembre 2003 des bureaux du CIC. Situé à deux pas de la Bourse de Paris, deux banderoles ornent désormais les façades: "Application de la loi de réquisition", "Contre la spéculation, réquisition!".
L'immeuble est en bon état. Des sanitaires en état de fonctionner sont installés à chaque étage, et il y a l'électricité.
Les premiers squatteurs sont en fait entrés dans les lieux dans la plus grande discrétion il y a une dizaine de jours, pirouette légale pour éviter tout expulsion manu militari: si les occupants sont en mesure de prouver qu'ils sont dans les lieux depuis 48 heures et qu'il n'y a pas de trace d'effraction, l'évacuation n'est plus possible sans une procédure en bonne et due forme.
La police est passée "très discrètement, une simple voiture", indique Micheline, une militante de DAL, mais les forces de l'ordre n'ont pas cherché à faire évacuer les lieux. AP