a écrit : Des dissidents de la CGT de Peugeot-Sochaux créent une section syndicale SUD-Auto
L'argument du désaccord politique et syndical est vigoureusement démenti par la nouvelle direction.
La création d'une section syndicale SUD-Auto à l'usine Peugeot de Sochaux (Doubs), à l'initiative d'anciens dirigeants historiques de la CGT, provoque une polémique qui pourrait connaître des prolongements judiciaires.
Officiellement, cette scission est présentée comme la conséquence de divergences politiques et syndicales. Mais elle intervient aussi à la suite d'un différend financier qui n'est pas encore résolu.
Lundi 3 février, Loris Dall'o, militant de trente ans de la CGT et secrétaire général de la section depuis treize ans, jusqu'à son éviction en septembre 2002, a expliqué, en compagnie d'une vingtaine d'autres "dissidents", les raisons de la scission. Ils estiment avoir été "victimes" d'un "putsch" interne pour "faire entrer Lutte ouvrière et le Parti communiste au sein de la section", a affirmé Patrick Jacquemin, le nouveau secrétaire de SUD-Auto de PSA-Sochaux. Et M. Dall'o, lui même ancien militant du Parti communiste, d'insister : "Nous avons ½uvré pendant des années pour nous démarquer du PCF, et voilà qu'on nous oppose LO. Ce n'est pas pour retomber dans le même vieux piège."
Sur les 40 membres de la commission exécutive du syndicat CGT, qui compterait 400 adhérents, douze sont connus pour leur appartenance au parti d'Arlette Laguiller. Ses militants se seraient alliés à une frange "dure" du PCF du Doubs, pour éliminer une équipe qui revendiquait son indépendance.
DÉPENSES INEXPLIQUÉES
L'argument du désaccord politique et syndical est vigoureusement démenti par la nouvelle direction. Lors d'une conférence de presse, mercredi 5 février, le secrétaire général, Bruno Lemerle, a donné sa version des "vrais motifs" du départ de M. Dall'o, mettant en cause sa gestion financière des caisses du syndicat. L'accusation est d'autant plus sensible qu'elle porte sur une partie des 120 000 euros reversés au syndicat par les 169 militants de la CGT reconnus victimes de discrimination syndicale et indemnisés par Peugeot. A la suite de ce règlement, en 1999, ils s'étaient engagés à allouer à la section 10 % des indemnités de dédommagement obtenus de la direction dès l'arrivée de Jean-Martin Folz à la tête du groupe PSA. Initialement affecté sur un compte spécial, le montant aurait ensuite été utilisé pour les besoins courants du fonctionnement de la section.
Lors du dernier congrès interne, en juillet 2002, la commission financière a refusé d'accorder son quitus à l'équipe sortante, en constatant qu'il ne restait qu'à peine plus de 11 500 euros. Une partie des dépenses a pu être justifiée en achat de matériel. Mais d'autres resteraient inexpliquées, notamment après la disparition de livres de comptes, selon Bruno Lemerle. Evoquant la possibilité d'une action en justice, le successeur de M. Dall'o s'en tient à la version "d'un argent dilapidé dans des dépenses de confort et de train de vie de l'ancienne équipe."
Evoquée il y a plus de six mois, l'affaire n'a éclaté au grand jour qu'après les élections professionnelles de janvier, au cours desquelles la CGT a renforcé sa position de principale organisation. Dans ses listes, elle avait maintenu M. Dall'o et quelques autres dissidents, qui ont démissionné du syndicat aussitôt après pour fonder la première section SUD-Auto chez Peugeot.
Avant de donner leur aval à cette nouvelle section, les dirigeants centraux de SUD ont demandé des explications et des garanties. Annick Coupé, tête de file du Groupe des Dix, qui est venue à Sochaux apporter son soutien à ses nouveaux adhérents, se souvient que, lors de la fondation de SUD, les responsables de son organisation avaient eux aussi été victimes d'une campagne de suspicion financière.
Michel Delberghe