Définitions de psy-chanalyse psy-chiatrie...

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par Cyrano » 23 Jan 2005, 11:28

Puisque le premier message est de Nadia, je vais y consacrer une brève réponse. Et puisque le sujet c'est psy-machin… je vais commencer par le début, par l'âme... Et justement, c'est le sujet du message de Nadia...
a écrit :Ecrit par : Nadia   le samedi 22 janvier 2005 à 17:54
C'est assez normal ensuite de trouver tout cela un peu mystique et plus embrouillant qu'éclaircissant. Surtout que les mots en "psych-" sont formés sur un mot grec (psychée) qui signifie "âme".
Tout cela me laisse donc sceptique...
Je comprends cette méfiance.
La psychologie : «science de l'âme», ça sens la théologie, ça sent le curé au col mal lavé, ça renifle le catéchisme ennuyeux. N'existaient-il pas des précepteurs de conscience, histoire de redresser les âmes perverses ou – horreur ! – les âmes libidineuses ? Mais l'âme n'est pas la propriété des chrétiens.

L'âme, la psyché

«Mon âme a son secret, ma vie a son mystère.» (Félix Arvers)

Léon Trotsky était moins délicat sur l'emploi du terme. Lev Davidovitch fit une conférence, vers la fin de 1932, devant des étudiants danois, à Copenhague. La conclusion de cette conférence a déjà été citée par iko (dans "Réalité de la psychanalyse"), mais quand on aime, on ne compte pas (et j'en cite moins long, j'économise votre temps de lecture…) :
«Par la main géniale de Sigmund Freud, la psychanalyse souleva le couvercle du puits nommé poétiquement "l'âme" de l'homme. Et qu'est-il apparu ? Notre pensée consciente ne constitue qu'une petite partie dans le travail des obscures forces psychiques. De savants plongeurs descendent au fond de l'Océan et y photographient de mystérieux poissons. Pour que la pensée humaine descende au fond de son propre puits psychique, elle doit éclairer les forces motrices mystérieuses de l'âme et les soumettre à la raison et à la volonté.»
(Léon Trotsky, conférence "La révolution russe", 1932)
Léon Trotsky n'était pas effrayé, non plus, par l'emploi du terme «psyché » :
«Dans une très large mesure, la forme de l'art est indépendante, mais l'artiste qui crée cette forme et le spectateur qui la goûte ne sont pas des machines vides, l'une faite pour créer la forme et l'autre pour l'apprécier. Ce sont des êtres vivants, dont la psyché est cristallisée et présente une certaine unité, même si celle-ci n'est pas toujours harmonieuse. Cette psyché est le résultat des conditions sociales. La création et la perception des formes artistiques sont l'une de ses fonctions. Et quelles que soient les subtilités auxquelles se livrent les formalistes, toute leur conception simpliste est fondée sur leur ignorance de l'unité psychologique de l'homme social, de l'homme qui crée et qui consomme ce qui a été créé.»
(Léon Trotsky, "Littérature et révolution", 1924)

Rendre l'âme

« Marquise, vous souvenez-vous
Du menuet que nous dansâmes ?
Il était discret, noble et doux
Comme l'accord de nos deux âmes. »
François Coppée

Nous le disons :«Le soleil se couche», «Le soleil se lève» – s'exprimer ainsi, ça ne sent pas vraiment le matérialisme pur sucre ni l'athée total.
L'âme n'est pas un mot forgé par les chrétiens, les religieux – l'Eglise catholique, apostolique et romaine n'a pas de Copyright opera mundi sur le terme.
En fait, Nadia, tu as eu une excellente idée d'avouer, sans fard, que l'origine du mot psychologie te semblait déjà suspecte, puisque ça permet de parler de l'âme… et de justifier l'existence d'une vie psychique.
Car c'est bien parce que, dans la période historique de l'Antiquité, qu'on avait constaté que l'être humain avait une vie psychique qu'on a posé la notion de l'âme.
J'ai déjà cité Xénophon, dans "Economique" :
«Lorsque les corps des hommes sont énervés, les âmes deviennent malades.»
On est environ dans les années 350 avant J-C (je le sais pour l'avoir lu, je n'étais pas né, mais c'est bien loin du Bon Dieu et du catéchisme).
L'être humain veut que ça s'explique. Le rêve est vraisemblablement ce qui hanta les premières question sur l'existence, en nous, d'une chose qui avait sa vie, ses règles, tout en remarquant que cette chose était aussi liée à notre corps physique. C'était quoi, ces rêves ? La visite des dieux ou l'excitation inconnue d'une partie de notre corps ? Quelle était donc cette substance qui agissait lorsque nous dormions, qui nous permettait de revoir des êtres aimés disparus ? ou qui, dans la vie, qui nous faisait faire des choses que nous ne voulions pourtant pas faire ? (les grecs s'interrogeront aussi : qu'est ce qui pousse l'individu à vivre un certain destin ?)
On tentera de mettre en place une âme spirituelle qu'on distinguera d'une âme matérielle : dans la religion indoue, on distingue une âme physique, mais immatérielle, étincelle de feu qui s'éteint à la mort, et une âme psychique qui se réincarnera.
Les grecs distingueront l'esprit ("noûs") et l'âme ("psychê"), les latins en feront l'animus et l'anima. L'anima nous donnera, en se contractant, le mot "âme" qui apparaîtra vers le Xe et XIe siècle en France.
"Psychê", le "souffle de vie", est resté dans nos expressions : «rendre l'âme», «rendre le dernier soupir».

Pas d'échappatoire…
« Il est d'étranges soirs, où les fleurs ont une âme
Et, ces soirs-là, je vais tendre comme une femme. »
Albert Samain

Alors, oui, Nadia, je comprends ton hésitation, mais elle n'est pas fondée : nos notions ont forcément traversé une histoire marquée du sceau de l'idéalisme, des religions, du mysticisme.
Tu comprends bien que tu ne peux pas utiliser cet argument.
Et il serait assez piquant de constater que tu refuses (et je pense aussi à l'athée total) la "psychologie", la "science de l'âme", et que tu refuses ça 2500 ans après que d'autres, constatant l'existence d'une vie psychique, tentent de donner des réponses.
N'importe quel écolier apprend aujourd'hui des choses pour lesquelles Archimède ou Thalès de Millet, ou Epicure eussent donné leur vie pour les savoir.
Et si la psychologie se construit vraiment en tant que science à partir du XIXe siècle, c'est qu'il était nécessaire que l'étude du monde physique, puis l'étude du développement historique se développent pour ne nous laisser aucune échappatoire : dans un milieu donné, dans une société donnée, il reste des scories pour l'explication des comportements des individus de la race humaine : nous avons aussi une vie psychique, avec un élément de programmation inconsciente.

«Il a commencé par chasser les ténèbres de la production et de l'idéologie, par briser, au moyen de la technologie, la routine barbare de son travail, et par triompher de la religion au moyen de la science. Il a expulsé l'inconscient de la politique en renversant les monarchies auxquelles il a substitué les démocraties et parlementarismes rationalistes, puis la dictature sans ambiguïté des soviets. »
(Léon Trotsky. "Littérature et révolution", 1924)
L'être humain «a expulsé l'inconscient de la politique ».
Il fallait que cette expulsion se réalise pour qu'on arrive à s'intéresser vraiment à notre inconscient, à notre âme…

Ah bin tiens, j'ai oublié ma conclusion ? Je rajoute :

Oui, n'importe quel écolier apprend aujourd'hui des choses pour lesquelles Socrate ou Aristote (ou Lucrèce !) eussent donné leur vie. Alors, ne soyons pas plus ignorants que ces braves gens qui ne vécurent pas en vain, y'a 2000 ans ou plus.
Ayons même de la tendresse complice pour les tentatives d'explication fournies par tous ces braves gens : c'était déjà, ne pas accepter la volonté divine, ne pas vouloir réduire notre histoire, notre vie, à un vague hasard manipulé en sous-main par des dieux.
Ne soyons pas plus ignorants qu'eux.
Cyrano
 
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Message par Cyrano » 23 Jan 2005, 11:46

Zelda... Ça ne m'avait pas échappé, tu sais, que c'était de la poésie...
Ne commençons pas ainsi les discussions...
Cyrano
 
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