Psy-X,Y,Z...

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par locrate » 20 Fév 2005, 10:33

(canardos @ dimanche 20 février 2005 à 09:15 a écrit : [QUOTE=locrate,samedi 19 février 2005 à 21:23] [QUOTE=canardos,samedi 19 février 2005 à 19:49][QUOTE=Cyrano,samedi 19 février 2005 à 18:58] Le point G
ensuite vers 4 ,5 ans les enfants observent les adultes, découvrent chez eux les diffrences sexuelles, et se classent par rapport à eux petits garçons ou petite fille en regardant la petite difference qui a des si grandes consequences en matiere de comportement social....la petite fille decouvre qu'elle sera une future maman qu'elle doit etre calme gentille et bien elevée et le petit garçon qu'il sera un futur soldat aviateur ou pilote spatial et qu'il doit un etre un dur et un heros...qu'il peut etre brutal et qu'il doit etre servi le premier

D'après Marcel Ruffo, ce "choix" se fait beaucoup plus tôt, vers 18 mois je crois.
Mais personnellement, je ne m'en souviens pas. Alors... [/QUOTE]
peut-etre trois quatre ans, mais certainement pas avant.....tout depend pour l'age de l'apparition de ces comportements d'imitation du comportement des parents

les jouets offerts, la maman qui joue à la poupée avec sa fille....l'enfant cherche à plaire et imite, il reflete les modeles parentaux.....cela n'a pas grand chose avec la fameuse sexualité infantile chere aux freudiens....

Mon fils a seize mois, et crois-moi, ces comportements d'imitation sont déjà bien présents.
Il sait la différence entre papa et maman, et commence à comprendre qu'il "sera un futur soldat...qui peut être brutal et doit être servit le premier".
locrate
 
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Message par Wapi » 20 Fév 2005, 10:57

Canardos,

a écrit :mais ensuite le papier parle bien de transfert obstacle à la guerison et de contre transfert, il parle meme d'alienation transferentielle et de transfert institutionnel sur une équipe mais il n'explique pas toujours pas ce qu'est le transfert et le contre transfert et comment ils infuent sur la guerison....

tu n'aurais pas un cours qui rappelle ces notions de base, wapi


....cette formulation me laisse songeur....

quel cour de quel prof pour quel élève en quelle classe ?

Mais au minimum pour un bon élève n'est-ce pas ?

Juste un peu casse-pieds... mais sympa quand même ?

Je préfère te fournir une petite bibliographie où tu te promèneras si tu le souhaites.

Il y a de quoi faire ici :

http://www.psy-desir.com/site/article-impr...?id_article=893

Voici très beau texte poético-clinique fait par un type très très sérieux, et aussi ex-mathématicien "professionnel" de surcroît...

Avec les éléments qu'on a eu depuis, on peut mieux l'apprécier.

a écrit :                                Le transfert

…opéra en un acte

Livret d'après Freud, Lacan et les autres…

Musique de Michel Balat

Institutions N°9, juin 1991

Ouverture

L'établissement d'un protocole de travail ne saurait naître simplement d'un savoir préalable : la surprise d'un hasard est indispensable pour assurer dans la réalité ce qui n'aurait été qu'un schéma théorique.

En visite à l'Hôpital d'Orléans, dans le service de Christian Phéline (neurochirurgie), une surveillante me faisait remarquer que les ASH jouaient un rôle déterminant dans l'éveil des comateux. Telle d'entre elles, racontait-elle, lorsqu'elle faisait le ménage auprès d'un comateux, emplissait d'un gentil babillage l'espace de la chambre : "Alors, Mr Untel, comment ça va aujourd'hui ? Savez-vous qu'hier, Mme Unetelle a quitté le service ? Figurez-vous que…". A ce gisant qui n'en pouvait mais, elle présentait une vie tissée de tous les jours simples, riches et banals, sur un ton dans lequel ne perçait - et pour cause - aucune intention soignante, un ton qui n'exigeait pas de réponse. Ce n'était pourtant pas sans effet puisque la surveillante notait, jour après jour, la transformation visible de l'état réceptif du patient après les visites de l'ASH. Parfois même, racontait-elle, tel événement s'était produit durant la visite de l'ASH : une première manifestation, chez le malade, de l'intention de communiquer.

On pouvait, de ces quelques remarques, tirer un premier enseignement. Le "bain de langage" dans lequel pouvait évoluer le comateux ne devrait comporter aucune exhortation, aucune demande directe de parole.. Dans une salle de concert, l'orchestre joue et vous écrase dans le silence : gare à celui qui se manifeste ! Chez vous une simple musique familière vous emporte parfois , tirant de votre gorge des contrepoints approximatifs. La frontière a disparu entre cette petite musique intérieure et son expression vocalisée.

Musique… muser… le mot "musement" rendrait peut-être compte de ce discours intérieur que l'on pourrait presque lire sur les lèvres de celui ou celle qui s'y adonne. Musement est d'ailleurs un mot très riche qui vient de "museau". "Muser" est se tenir le museau en l'air. Le museau, à son tour, proviendrait - c'est une hypothèse - d'un terme latin : "faire "mu"", c'est-à-dire, être muet. Une bouche d'où aucun son ne sort alors qu'elle bruit intérieurement de paroles, tel est le museau. Babiller, c'est laisser s'écouler du museau ce liquide de paroles.

Scène 1 : Le cri

Nous sommes dans la clinique que dirige Edwige Richet. Autour de la table, l'équipe soignante à laquelle participe - qui soigne qui ? - Mme H…, comateuse, mutique. Cette dernière est depuis de nombreux mois dans un coma qui retentit de ses cris, rauques, orgastiques, à la limite du soutenable. Nous babillons autour d'elle. Enigme : est-elle dans le coma à la suite de coups portés par son mari ? Ou bien à la suite d'un épanchement sanguin dans le cerveau, lié à son propre alcoolisme ? La police a tenu en prison son bonhomme pendant suffisamment de temps pour ruiner sa réputation auprès des voisins - qui, d'ailleurs, n'avaient jamais admis ce prolétaire dans leur cercle doré. Ah, on plaignait beaucoup Mme H., une brave femme ! Quant à son rustre de mari !… A moins que ce soit lui qui soit à plaindre. Qui sait ? Il garde ses trois enfants. Une enquête sociale est en cours qui conclura peut-être qu'il faut décidément les lui enlever…

- "Mme H… pensez-vous que votre mari ne doit pas garder les enfants ? Sont-ils en danger auprès de lui ?"

- "Ah, ça non !", répond-elle, relevant son buste et me regardant doit dans les yeux.

Elle était jusqu'alors prostrée, la tête posée sur la table, ne se relevant parfois que pour manifester un intérêt pour tel passage de notre conversation.

- "Votre père vous battait ?"

- "Oui".

Sa tête est à nouveau droite. Elle acceptait de s'inscrire dans ce babillage essentiel.

Durant cette heure où nous étions ensemble, liés par cette parole dont les signifiants étaient propres à évoquer le monde familier de Mme H…, celle-ci ne songeait même plus à crier. Son cri n'était donc que cette immense douleur — que lui seul pouvait exprimer.

Les jours qui suivirent, un des "soignants" lui accorda quotidiennement un temps pendant lequel elle put déposer son cri auprès de lui. Il ne lui était plus nécessaire de faire bruire partout ce cri qui barrait son musement.

Scène 2 : L'amour

V… a 18 ans. Il est raide sur sa chaise d'hémiplégique. Son regard est fixe. Son seul outil de communication est sa paupière gauche qu'accompagne un léger mouvement de la main gauche. Il est le troisième enfant d'une famille dont la mère gave des oies.

- "L'accident de V… a eu lieu alors qu'il se préparait à partir de chez lui, ayant trouvé un travail au Château des R.".

Une idée s'impose : V. était peut-être rejeté par sa mère. Et si sa seule position dans l'existence était liée au fait qu'il occupe réellement sa place auprès d'elle ? La quittant, il ne pouvait plus exister.

Battant abondamment des paupières, la main gauche frétillante, V… Laissait entendre que nous n'étions pas loin de son profond mystère. Pourtant, une certaine discordance, informulable, planait.

Quelques jours après, V… dicte à une infirmière une déclaration d'amour, en lui désignant les lettres de l'alphabet les unes après les autres. Opéré des tendons, les bras plâtrés, il va même jusqu'à articuler ses premiers mots depuis l'accident.

Quelques semaines après, l'équipe s'aperçut d'une erreur dans l'histoire de V… Ce n'était pas lui qui devait quitter sa famille dans les circonstances indiquées, mais un autre patient. On s'était trompé d'histoire. Mais… sa mère avait confié à un membre de l'équipe qu'étant enceinte de V…, elle avait voulu avorter - elle n'en voulait pas —, et cet avortement avait raté. Seule la mère, en effet, pouvait donner cette indication. Elle n'en avait jamais parlé à V… L'équipe ne se sentait pas le droit de l'évoquer devant lui. C'était donc passé par cette "erreur" d'histoire, qui nous poussait à tirer des conclusions non dénuées de vérité puisque suivies d'effet.

Scène 3 : L'entêtement de Perceval

Deux scènes parmi d'autres. Un protocole de travail suggéré par l'ASH. Un bain de paroles "signifiantes", saisissant comme "en oblique" le musement du comateux.. Dans le "Conte du Graal", de Chrétien de Troyes (V.4140 sq), Percevax muse sur trois gouttes de sang sur la neige qui lui évoquent sa mie. Son musement durera tant que dureront les traces. Arrive Kex, chevalier du roi Arthur, qui lui demande de venir avec lui. Percevax, furieux d'être ainsi dérangé, combat le gêneur qui fuit sous les coups. Percevax continue à muser. Puis Gauvin "se tret vers lui tote une voie anblant, sanz fere nul felon sanblant, et dit : «Sire, je vos eüsse salué, se autel seüsse vostre cuer com je faz le mien. Mes tant vos puis ge dire bien que ge suis messages le roi ; il vos mande et dit par moi que vos alez parler a lui.»". Et Percevax se laisse entraîner. Le ton de Gauvin et l'absence de ruse l'ont convaincu.

Dans les rapports avec les patients, certain savoir conduit à la ruse. Or la ruse a un ton…

Ainsi l'espace bruissant de silence entre les êtres parlants est un tissu de tons, de possibilités de paroles. Nulle articulation de parole ne se produit sans incorporer un ton qui en est l'investissement. Chez celui qui parle, le ton présente dans la parole ce qu'a été le musement, le babillage intérieur, qui la sous-tend, sa sous-jacence. Sujets supposés du musement "avant" d'être sujets appendus à l'articulation signifiante, c'est dans le musement de l'autre que nous avons à nous reconnaître. L'espace "tonal" du transfert est ainsi ce flot incessant qui sous-tend tout acte de parole.

Tisser cet espace s'opère sans le savoir.

La constitution de l'équipe mise en scène plus haut a nécessité de la part de chacun l'abandon - partiel - de ses compétences techniques. Le kiné, l'orthophoniste, l'ASH, l'infirmier, le médecin ne sont plus définis par leur savoir technique respectif : celui-ci n'est plus qu'un des traits de leur accès tonal au "patient". Soin—abnégation, soignant—soi-niant, tout ceci est sans doute à mettre au rebut au profit d'une ouverture au musement. Pour mettre les points sur les "i", il existe la même différence entre musement et amusement qu'entre percevoir et apercevoir, qu'entre statut et statue.

C'est dans cet espace ouvert par le musement qu'opère l'interprétation. Celle-ci ne peut se faire que dans le ton : nous inter—prêt—ton, nous inter—près—ton. Car le désir inconscient — puisque ce n'est que de cela qu'il est question —, et son scénario (latent—préconscient) nécessitent de la part des acteurs la manifestation du juste ton de la pièce. Que celui-ci ne soit pas unique, il n'est que de voir n'importe quelle mise en scène de telle oeuvre pour s'en convaincre. Mais est-il trouvé, qu'il arrache au spectateur un enthousiasme qui le transporte, le trans-sphère, dans l'espace "cathartique" où la scène se joue.

Final

Ainsi se jouent ces scènes triangulaires, si bien repérées par Brassens, où sont en jeu le savoir médical, le patient et celui ou celle par qui le transfert arrive :

Les croquants, ça les attriste, ça

Les étonne, les étonne,

Qu'une fille, une fill' bell' comm' ça,

S'abandonne, s'abandonne

Au premier ostrogoth venu :

Les croquants, ça tombe des nues.

[Car] la chair de Lisa, la chair fraîch' de Lison

(Que les culs cousus d'or se fass'nt une raison !)

C'est pour la bouch' du premier venu

Qui' a les yeux tendre' et les mains nues…

Peut-être nous reste-t-il tout de même à rajouter, pour tenter de limiter l'inévitable malentendu,

Mais sans technique un « ton » n'est rien qu'une sale manie.





Wapi
 
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Message par Wapi » 20 Fév 2005, 21:42

repetitio mater studiorum


( "la répétition est mère des études", un célèbre pédagogue)



Voici Canardos, une nouvelle tentative de comprehension du transfert à partir de la notion d'échange et de l'analyse des "clubs thérapeutiques" dans les structures de soin.


a écrit :   TRANSFERT ET ÉCHANGE EN THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE


GINETTE MICHAU


Dans un premier essai du concept d'institution, dans un travail datant de 1958, entrait le terme : échange. Il me semble vrai que c'est dans l'organisation matérielle de tous les types d'échanges qu'on peut aborder la fonction de l'institution, son sens ; la définition du terme institution, quelle qu'elle soit, doit être fonctionnelle. L'organisation matérielle des échanges se trouve impliquée dans des structures qui, existant normalement dans toute société, lui donnent sa figure et sa particularité. L'institution étant une réalité sociale, les structures où s’impliqueront les échanges auront une forme particulière. A défaut d'autres termes, nous parlerons de zones, de lieux d'existence, pour décrire les supports des échanges qui, en fait, devraient être compris dans un espace à dimensions. En thérapeutique institutionnelle, pour créer ces zones où la dimension d'échanges soit préservée au maximum, il est nécessaire que le collectif mette en place des instruments où cette dimension soit impliquée dans leur existence même, c'est-à-dire de façon inconsciente. La réalité sociale doit être là comme pression aliénante, empêchant ces instruments de sédimenter ou de se ritualiser, les obligeant à s'y soumettre sans la méconnaître.

Le Club est un de ces instruments. En effet, à la figure de chaque hôpital, ce qui le caractérise, est d'avoir une dimension tentaculaire impliquée inconsciemment dans les manifestations de son existence. On peut dire que chaque membre du club, chacune des commissions prise comme un tout, ne sait pas que son acceptation de la loi du club entraîne la privation d'une pseudo-liberté de choix. A la limite, il en va du club comme de certaines populations australiennes : une fois le circuit de prestations lancé, on ne peut l'arrêter sous peine de difficultés allant jusqu'à la guerre - qu'il est justement là pour empêcher. Dans un club, la dialectique est la même ; pour être méconnue, elle n'en est pas moins impérative.
Ainsi, à Prémontré, nous ne sommes pas libres, sous peine de faillite et d'effondrement de la structure du club, de ne pas fournir les commandes de parpaings contractées à l'extérieur de l'hôpital, non plus que de ne pas alimenter les stocks de la cantine et du bar ; non seulement nous nous priverions de la source de revenus qui permet aux commissions de fonctionner, aux loisirs de s'organiser, mais nous bloquerions le circuit des commandes.

Certains de ceux qui par leur fonction se font tour à tour le porte-parole ou le support du mécanisme, ressentent globalement le poids de cette dialectique soit en l'assumant, soit en s'en trouvant exclu.
C'est un exemple courant de voir des soignants ou des ergothérapeutes ayant mis en place un instrument de travail, un atelier où plusieurs de leurs malades inactifs recommencent à s'accrocher et à devenir productifs, se trouver parfois dans une situation difficile. Par exemple, au moment où, ayant accepté au nom du groupe en activité de fournir à une demande x, notamment une commande importante, ils se trouvent devant le choix suivant : être les représentants du groupe pour que la pression extérieure se modèle au mouvement ralenti de cette production particulière, ou satisfaire à la demande pour que le mécanisme puisse continuer à exister puisque son but est le même apparemment : donner au groupe une possibilité de production par son travail.
Combien d'angoisses et de malaises sont dus à l'engagement dans cette situation, d'autant plus que le mécanisme d'adhésion à l'un ou l'autre des choix est rationalisé aux dépens de l'autre.

Cette pression aliénante extérieure a un effet de résonance sur l'institution elle-même, elle doit être assumée par le club qui s'efforcera de la faire accepter par la direction de l'hôpital. Actuellement, une reconstruction est prévue de certains bâtiments de notre service : les organismes du club se trouvent dans l'obligation d'exercer une pression sur les structures hospitalières pour faire accepter les modifications de plan, nécessaires au transport de leur outillage, s'ils veulent continuer à fonctionner ; une interruption du mouvement signerait l'arrêt de mort du club.
Lorsqu'il s'agit d'organismes moins structurés, polarisant des prestations autres que dans un club, la nécessité est la même. Par exemple, quels problèmes peut poser à un directeur d'hôpital la demande formulée par une commission d'enfants débiles et psychotiques quand, lors de la construction d'un nouveau service, celle-ci demande que soit réservée sur les crédits, la construction d'un bâtiment pour un âne et de clapiers pour les lapins ? Quel est le poids que peut avoir, face à une administration rigide, la demande de quelques enfants ? Et pourtant, comme est capitale la réponse à lui donner. Dans ce cas particulier, les " échanges " avec un vieil âne ont permis le démarrage d'une structure complexe articulée avec le club des adultes, et dont l'existence facilite à de nombreux enfants la vie dans un cadre socialisé nécessaire à leur évolution.

Échange et transfert semblent liés à tous les niveaux, y compris les niveaux les plus archaïques, dont celui qui vient d'être rappelé de l'identification à l'animal.
Lorsqu'on cherche à analyser dans une institution le “ce qui oblige”, on bute parfois sur un plan qui se rapproche des prestations sacrificielles de certaines populations primitives, le risque de vengeance des Dieux pouvant se rapporter à toute une gamme de risques vécus, depuis le risque réel jusqu'au risque symbolique de castration, lorsque le groupe, une personne, ou un système du groupe ont pris pour un autre groupe ou une personne la place du Surmoi (dans le cas présent, l'instance menaçante). On s'aperçoit vite que, dans ce type de prestations, "ce qui oblige" n'est rien d'autre que la loi inconsciente du groupe qui le structure (les Dieux pour les anciens; l'existence en groupe, les autres, le " on " dans un collectif institué).

Le club, par contre, s'aliénant dans les conditions du marché local, s'y engage par contrat sous forme d'échangiste global, à la manière d'une entreprise, avec cette différence que le travail (donc la forme de contrat) à l'intérieur de l'entreprise est pris dans un autre sens que celui avec lesquels s'établissent les contrats du marché local, sur lesquels il faut malgré tout s'aligner. C'est pourquoi, dans une institution où il existe un organisme tel que le club, la notion même de travail est à redélimiter.
Dans un club comme celui de Prémontré il existe pour le paiement du travail des malades, une complémentarité entre pécule de base donné par l'hôpital et pécule complémentaire donné par le club, le premier ayant une forme de prestation fixe, le second fonctionnant avec un plus grand degré de liberté (un peu analogue à ce qui était pratiqué en 1958 au club de la clinique de La Borde).
L'argent du pécule est distribué de façon à préserver la possibilité de types d'échanges variés allant du don absolu sans obligation de rendre, en passant par la prestation du type agonistique, jusqu'au don avec espoir de don en retour, forme archaïque du contrat. La valeur du travail est notée en points, puis le pécule distribué en fonction des points obtenus par chacun. Cette distribution du pécule se fait dans une commission composée d'infirmières et des pensionnaires à qui ce pécule doit être distribué ; chacun alors, en fonction d'une perception globale du travail des autres donne son avis sur la valeur du travail, représentatrice non seulement du rendement produit, mais de sa valeur comme don, comme effort de chacun par rapport à l'existence des autres comme groupe travailleur ; on trouve également des justifications qui peuvent sembler fantaisistes mais qui sanctionnent la valeur travail de certains individus qui actuellement ne font rien, et qui n'est rien d'autre que l'investissement du groupe sur ces individus pour les encourager à se mettre dans le circuit de la production en quelque sorte, un pré-salaire.
Il existe d'autre part, entre le club et l'hôpital une aliénation réciproque : l'échange se situant avec obligation de rendre (la machine à parpaings est prêtée par l'hôpital au Club parce que c'est thérapeutique et c'est avec cette même justification que les malades font les corvées pour l'hôpital, etc.), que l'idéologie qui impose une telle justification médicale un peu facile ne fasse pas oublier que même faussé, il s'agit d'un échange et que la notion de soin psychiatrique est peut-être à approfondir là où l'échange est le plus évanescent. Nous devons articuler échange et transfert à partir de notions qui s'apparentent le plus aux échanges forcés, de ce que Mauss appelle le " mana de la chose échangée ".

Ainsi, du don archaïque en passant par le podach, le Kulua, les prestations de toute nature, plusieurs niveaux d'échange se trouvent réalisés dans un groupe social en même temps que le stade du contrat, et c'est ce qui le caractérise comme vraie société. Mauss dit " une partie de notre vie elle-même stationne toujours dans cette atmosphère du don, de l'obligation et de la liberté mêlées. Heureusement, tout n'est pas encore classé en termes d'achat et de vente. Nous n'avons pas qu'une morale de marchands. Il nous reste des gens et des classes qui ont encore les moeurs d'autrefois et nous nous y plions presque tous, au moins à certaines époques de l'année, ou à certaines occasions. "
Cependant pour tenter d'articuler plus concrètement la notion d'échange et de transfert dans l'institution nous devrons comme hypothèse de travail analyser les termes les plus complexes de l'échange, tels qu'ils se présentent dans le contrat.

Dans le premier chapitre de Marx sur les échanges, dans la première section du livre I du Capital, on s'aperçoit que dans le mouvement d'échange, ce qui est transféré d'un échangiste à l'autre n'a pas la même nature. L'un donne ce qui est équivalent à une valeur d'usage, l'autre l'équivalent de cette valeur qui acquiert valeur d'échange. Le mouvement est marqué, à la limite, par l'échange d'un objet équivalent porteur de la valeur moyenne acquise sur le marché par l'objet échangé : la monnaie. Donc, en fonction du désir des échangistes, l'un d'acquérir une valeur ; l'argent n'ayant pas valeur d'usage, l'autre de posséder un objet à valeur d'usage répondant à un désir de consommation, le marché va se produire, asymétrique, quant au mouvement de la valeur en cause. C'est pourquoi, nous aurons présent à l'esprit, lorsque nous parlons d'échange, un triple phénomène :
Échange = coupure : perte de l'objet porteur de valeur pour acquérir en sa place le signe de cet objet perdu, marque, indice du manque de cet objet. Par exemple la pièce de monnaie frappée d'une tête de bélier, aux origines, " valeur de bélier ". Échange = l'acceptation de la perte de cet objet investi
Échange = circulation de cet objet investi de toutes les valeurs qui peuvent se condenser avec la notion d'objet équivalent : la monnaie.
Ainsi, à l'aide de ces hypothèses, nous pouvons plus facilement délimiter ce que l'échange n'est pas : un critère naturel, un critère psychologique ou psychosocial. Pour se produire il procède d'un mouvement qui s'apparente à celui du transfert dans la relation analytique, où il s'agit également du mouvement de la valeur.
Le lieu où le sens de cette dynamique de l'échange est articulée, doit pour que celui-ci s'accomplisse être disponible. Comme hypothèse de travail, on peut dire que c'est le même lieu constitué progressivement par la culture et repris en système global qui pour chacun, se constitue à partir de l'enfance par délimitation progressive du monde, de son corps et de la loi, et acquisitions des représentations inconscientes qui constituent le champ de son inconscient. Cette aperception des premiers signes qui oblige l'enfant à séparer signifiant et signifié, code et message procède du même mouvement que l'acquisition du langage. Il semble logique d'essayer de retrouver à partir de quel moment chaque être humain, dans son évolution, est capable de se situer dans le circuit des échanges.

Ce moment nous parait lié à la constitution du lieu du code, champ du Signifiant que Lacan appelle le grand Autre.
En effet, et Freud le souligne souvent, il ne peut y avoir de mouvement transférentiel que d'inconscient à inconscient et l'échange lui-même doit en porter la marque. La prise de conscience de l'existence du grand Autre et sa délimitation s'opère chez l'enfant au stade anal par repérage de la Demande de l'autre primordial la mère. C'est lorsque surgit l'angoisse dans le couple primitif mère-enfant qu'émerge alors le sens, " au lieu " de cette première faille.
Dès lors, la relation mère-enfant se joue pendant tout le stade anal avec ce marquage du signifiant binaire qui structure les relations de l'enfant : passif - actif ; bien - mal ; beau - vilain, etc. Le style des échanges en sera marqué. L'apprentissage du don anal nécessite un déplacement de l'investissement sur des substituts symboliques : eau -boue, et le déplacement des affects sur des objets transitionnels investis sur lesquels l'enfant a toute puissance et tout pouvoir de séparation ou non-séparation. C'est le premier déplacement d'un affect sur un objet investi de la valeur maternel mais aussi la première subjectivation de la coupure, la première apparition du symbole et de la culture ; peut-on parler du premier transfert ?

C'est par cette première " castration anale " que s'ouvre le champ du symbolique. Par la suite, l'enfant aura à se libérer de " l'effet aphanisique du signifiant binaire ", c'est-à-dire à se situer dans l'OEdipe et à inaugurer les premiers rapports de triangulation.
Une fois le champ du grand Autre constitué, coextensif au lieu du code (au sens où l'entend Jakobson), tous les échanges vont pouvoir se produire de l'échange anal sous forme de don à l'échange sous forme de contrat.
De même que l'enfant aura à reconnaître dans la mère la parole du père, la Loi, l'existence de son nom, de même dans une institution l'éclatement de la relation duelle sera toujours manifeste. Soit que des résistances du groupe seront articulées à partir d'elle, soit que des pressions venant du groupe, donc de la Loi d'existence du groupe comme groupe, tendront à la faire poser publiquement. Ceci est un fait courant dans une institution. En effet, le plus difficile à faire respecter est souvent que des décisions, des conversations de type duel -c'est-à-dire même à plusieurs, mais excluant quelqu'un (une personne, un groupe de personnes, une réunion) soient reportées face à l'instance où elles doivent se produire. Cette réaction de court-cuit est parfois inconsciente et se heurte lors de son analyse aux résistances habituelles lors du dévoilement d'un mécanisme inconscient : bonne foi, ignorance, souci d'efficacité, manque d'informations, etc. Il faut être très attentif et analyser ce mécanisme lorsqu'il se produit pour chacun il est parfois difficile d'orienter sans avoir soi-même aucune résistance envers l'instance qui doit répondre à la question, c'est-à-dire se soumettre à la Loi. Tel problème, est-ce pour la réunion de service ou pour la sous-commission de travail? La réponse est déjà en elle-même une interprétation. Schotte nous a rappelé que le terme d'Ubertragung, s'il veut dire transfert et traduction, signifie également contrat. Il ne peut y avoir contrat, donc échange, qu'à partir de la délimitation du champ de l'inconscient. Le transfert implique une Demande qui draine un désir inconscient.

L'Institution étant une réalité sociale dont la fonction est de permettre l'échange, doit pouvoir formuler les demandes du groupe. Cette formulation a le même rôle que la parole dans la cure analytique.
Le rôle des réunions ainsi que d'autres systèmes articulés qu'on peut appeler " médiateurs " est de mettre en scène ces demandes.
Il ne semble pas inutile de rappeler que le sujet se met à parler dès que les circonstances favorisent les prestations et contre-prestations ; c'est ce que Oury souligne dans son rapport sur les clubs. Le club et ses organismes ont pour but de créer des circonstances et de faire apparaître l'articulation avec ce que Oury et Guattari appellent le " signifiant du groupe ". Oury, Guattari et Poncin tentent d'arriver à une rigueur d'analyse qui ne laisse plus place à l'approximation subjective. Ainsi lorsque Oury parle d'articuler la topologie des " lieux ", il s'agit vraiment d'une articulation signifiante, c'est-à-dire de la mise à jour du système inconscient par un certain nombre d'analyseurs pertinents (rêves, acting-out, manifestations symptomatiques...). Il s'agit donc de retrouver certains "signifiants-lieux”, qui ont la valeur historiale qu'il souligne, par une réduction des oppositions qu'ils supportent et ainsi de pointer certains signifiants manquants dans la topologie de l'Institution. Par exemple, on peut s'apercevoir que pour qu'un passage à l'acte d'un malade ait pu être évité, il aurait été nécessaire qu'existe quelque chose qui se soit trouvé en opposition avec la “cuisine” vécue avec telle ou telle personne y participant, le " Bloc Médical " avec la présence de tel groupe de médecins fonctionnant ensemble, les différents " ateliers " pris globalement, et que peut-être cette réduction aurait pu aboutir à ce qu'en ce point, on s'aperçoive que ce qui manquait, c'était, par exemple, un " espace vide " avec un banc où ce malade eut pu venir s'asseoir ; espace fermé à un ensemble de personnes données, ouvert à un autre ensemble, ayant toutes un trait distinctif commun. (Ceci n'est qu'un exemple des tentatives d'Oury et, dans une autre direction, de Poncin et Gentis).

Parfois, non des personnes, mais des systèmes institutionnels jouent le rôle de supports des investissements : une réunion, un groupe de travail, une structure particulière instituée. Ces supports peuvent donc être objets de Demandes. Par exemple, " La Grille ", à la clinique de Laborde est un système complexe articulant les personnes, les emplois du temps, les horaires, les tâches définies avec des indices de valeur. La loi de la grille est d'arriver à un système de pondération qui fait que parfois un individu est en fonction de devoir faire telle tâche non parce que quelqu'un l'oblige mais, qu'après analyse, réduction, somme des diverses pondérations, c'est "en reste" la grille qui le veut. Processus analogue à l'opération décrite par Lacan dans l'équation du désir. C'est à travers l'analyse de l'imprévisible (techniquement le manque doit être prévu) qu'on peut aborder la notion de transfert dans le groupe.
Ainsi le terme transfert institutionnel peut devenir un concept plus précis qu'il ne semble devoir être jusqu'à présent.
En réservant ce manque, ce que Guattari appelle la " fonction vacuvlique " dans l'Institution, on permet à celle-ci l'expression des demandes et la dialectique du désir.

A ne pas en tenir compte on risque de bloquer tout le système des échanges. Ceux-ci sont l'expression d'une réalité vivante, articulation de Demandes et non système construit à partir du seul désir du thérapeute. En effet, comme nous l'avons vu : échange et désir inconscient sont liés et seule la possibilité d’être en position de sujet désirant permet l'échange. On peut même parler comme Guattari de sujet désirant au niveau de la société. Le système des institutions permet d'organiser l'échange afin de maintenir ce désir, autrement dit, de fonctionner, de lutter contre l'inertie et l'instinct de mort.
Il s'agit donc, pour que le désir soit maintenu, de se conduire pour le groupe à la façon d'un analyste : d'abord le reconnaître, puis ne pas l'écraser en comblant la Demande dès qu'elle se manifeste. La mise en place " d'analyseurs " spécifiques du groupe doit être systématique afin de se placer dans le plan de l'analyse du transfert. Ainsi, par exemple, on pourra différencier Demande et revendication. C'est tout le problème du réel et de la réalité qui a déjà été ici abordé.
D'autre part, on ne peut saisir la demande du Collectif, que de l'intérieur de l'Institution (c'est déjà l'idée qui est dans le terme de laboratoire social). En effet, une Institution est un " système clos ", un ensemble de significations, de normes, de règles, avec une loi locale (Oury).

L'Institution, production d'un groupe humain, défini, historisé, ayant sa propre existence socioculturelle, aura une gamme très étendue de possibilités d'investissements transférentiels. Comme le dit Freud, ceux-ci peuvent suivre une série de " schèmes " et être le support de désirs inconscients. Ils semblent être la trame des " rapports de transversalité " dont parle Guattari. On peut dire avec lui (Si l'on veut étendre la notion de sujet désirant à l'ensemble du groupe) que, puisqu'il s'agit de désir inconscient, symptômes, rêves ou institutions en portent la marque la " transversalité " serait le lieu du sujet inconscient du groupe et le support de son désir. Un pas de plus, et nous pouvons dire que l'analyse des rapports de transversalité est le premier effort à fournir dans un analyseur de groupe pour dévoiler les signes du transfert.

La thérapeutique institutionnelle doit mettre en place des systèmes ayant une structure symbolique propre dans laquelle l'obligation d'échanger, de donner et recevoir, soit impliquée dans son existence même. Le circuit des échanges ainsi canalisé suivant une loi locale va permettre dans leur dialectique l'émergence du signifiant et de la parole.
L'asymétrie fondamentale des échanges retrouvés dans les sociétés nécessite une analyse du désir des échangistes et son articulation avec la relation transférentielle au groupe ou a des individus symboliquement situés.
Le transfert dans une institution, peut se manifester " en actes " dès que l'inconscient est à même de sourdre une faille dans la quotidienneté pourvu qu'existe dans cette quotidienneté les dispositifs générateurs de ces failles.
C'est justement le rôle des organismes comme le " Club ", d'entretenir une demande symbolique permanente à laquelle le malade ne peut se soustraire. Ainsi, pris dans un réseau de significations, le désir pourra se manifester à travers la relation trans- férentielle. Par l'analyse du transfert à partir de cette dimension d'existence des structures symboliques locales, l'acte thérapeutique sera de permettre à chaque malade de formuler sa demande en l'articulant avec celle du groupe et ainsi de l'introduire dans le cercle des échanges où il peut retrouver sa fonction d'homme libre.



Est-ce plus clair à présent ? Tu vois que la difficulté qu'il y a à définir et à préciser la notion de "transfert" n'empêche pas que celle-ci dégage vraiment du sens.
Wapi
 
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Inscription : 08 Jan 2005, 16:30

Message par Wapi » 21 Fév 2005, 12:14

a écrit :une petite question, wapi, qu'est ce que c'est que la "castration anale" dont parle cette ginette Michau? on cautérise le trou de balle au fer rouge?



c'est pour dire qu'on n'est pas obligé d'étaler son caca partout passé un certain âge.

Wapi
 
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