Psy-X,Y,Z...

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par Wapi » 21 Fév 2005, 12:28

Cyrano a déjà apporté des éléments de réponse, je te les remets :

a écrit :
Grandir…

1. Le stade oral (0 à 6 mois). J'existe !
C'est la primauté de la zone buccale comme zone érogène, source pulsionnelle (on n'oubliera pas la peau, le toucher, comme source de plaisir). Il n'y a pas de différenciation de l'enfant avec les objets extérieurs – y compris avec la "Mère". Ne pas oublier que le mot "Mère" doit être pris au sens large : c'est la personne qui prodigue les soins et l'attention : s'alimenter, être caressé. Bébé est dans état de dépendance absolue, en symbiose avec les objets ou les personnes (la non-présence d'une partie de lui-même (biberon, mère) peut être vécue par un sentiment déplaisant, désagréable – bébé va pleurer).

2. Le stade oral tardif (6 à 18 mois – ou stade anal). Faites gaffe, je mords !
Avec l'apparition des dents (et ses douleurs), la morsure est un des premiers actes pour s'accaparer le monde et pour soulager la tension. Il y a une ambivalence puisque l'objet aimé, l'objet qu'on ressent comme bon peut être agressé, détruit par la morsure. Ce stade marque aussi la fin d'une relation primordiale, privilégiée avec la mère.

3. le stade sadique-anal (18 mois à 3 ans). Cogito !
La mère est une personne à part entière. La marche et la pensée se développent, ainsi que le contrôle des sphincters. L'enfant est dans une indépendance relative mais réelle. Avec le contrôle des sphincters, la défécation est donc un acte maîtrisé qui donnera du plaisir à l'enfant (et aux parents !). La zone érogène principale migre vers la zone d'excrétion. L'enfant expérimente ce qu'il peut retenir et donner (pour lui et les autres). Différer la défécation donne une puissance érogène. Mais faire son travail au dernier moment quand on est adulte n'a plus ce pouvoir érogène, c'est une compulsion de Thanatos.
Le sadisme, c'est une agression vers un objet, cette agression procurant un plaisir. L'enfant peut retenir ses selles pour agresser la mère. Il découvre qu'il peut détruire un objet extérieur. Ces opérations sont gratifiantes au sens où on s'intéresse alors à l'enfant.

4. Le stade phallique (3 à 6 ans). J'en ai un !
L'enfant porte de l'intérêt aux organes génitaux. Sa curiosité s'éveille (d'où viennent les enfants ? pourquoi y'a des garçons, pourquoi y'a des filles ?). la psychanalyse désigne par angoisse de castration la réaction au constat d'absence de pénis chez les filles. Pour Freud, le clitoris alors est unique zone érogène des organes sexuels chez la fille. Le garçon pense que les filles ont perdu leur pénis. Les filles se découvriraient l'envie d'avoir un pénis.
[J'avoue honnêtement, je n'ai jamais très bien compris cette histoire, et je peine même à résumer les idées… Mon fils a fait ses premiers pas et ses premières années d'enfance sur une immense plage naturiste. La différenciation sexuelle ne semblait pas poser problème ni interrogation.]
C'est à ce stade qu'on trouve le fameux complexe d'Œdipe. C'est l'amour pour le parent de sexe opposé, et la haine pour le parent du même sexe. Là, je présente de façon simpliste (Quand je serai grande, je me marierai avec papa). La résolution du complexe d'Œdipe : faire son deuil du parent pour lequel on éprouvait une pulsion libidinale afin de pouvoir réinvestir cette pulsion sur d'autres personnes.



Mais où diable veux-tu en venir dans cette discussion ?
Wapi
 
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Message par Wapi » 21 Fév 2005, 13:13

Bon, je suggère qu'on remette à plus tard la discussion sur les cas où "le génital" , "l'oral" et "l'anal" se mélangent plus ou moins gaiement dans la sexualité, et qu'on en revienne au transfert.

Cyrano n'a-t-il pas un texte qui traîne ?
Wapi
 
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Message par shadoko » 21 Fév 2005, 13:19

a écrit :
ce qui amuse l'enfant dans sa période caca boudin, c'est la transgression des interdits, l'opposition aux parents....pas de dimension sexuelle la dedans sauf celle que tu y mets....

La "transgression d'un interdit", pour un enfant tout petit, ça ne me paraît pas clair non plus. A moins qu'on sorte du ventre de sa mère avec un concept tout prêt dans la tête: "je vais transgresser les interdits". Pour dire ça, il faut expliquer pas mal de choses aussi.

Sinon, ce qui est expliqué plus haut est plutôt:
"les premiers contacts au monde extérieur de l'enfant sont plutôt d'ordre sexuel (en tout cas ceux qui vont influer sur son psychisme durablement)."

Ça me paraît, au premier abord, assez bizarre. Par exemple, pendant la période du stade "sadique-anal", de 18 mois à 3 ans, j'ai l'impression que les enfants ont bien d'autres choses à faire, bien d'autres "sources de plaisir", bien d'autres contacts avec le monde extérieur, et donc de manières de modeler leur psychisme que celle qui consiste à retenir leur sphincter (ça doit de toutes manières devenir assez vite un automatisme, non?), et à s'en servir pour faire plaisir aux parents.

C'est plutôt ça qui me semble un peu gros (de ce que je comprends pour le moment dans cette partie sur la petite enfance):
1. soit tout ramener sur le plan sexuel.
2. soit caractériser à demi-mot les autres actes par des mots à connotation sexuelle en disant "ça se passe pareil".
3. fabriquer des raisonnements, à l'aide de tout ce vocabulaire qui n'est que sexuel, pour en tirer des conclusions sur la formation du psychisme de l'enfant (et ces raisonnements, font alors, qu'on le veuille ou non, abstraction de ce qui n'est pas sexuel dans une large mesure).
4. extrapoler à partir de la petite enfance pour discuter du psychisme d'un adulte, comme si tout cela avait gardé une place prépondérante.

Il n'y a pas de "faute de logique" dans ce que je viens de décrire. Mais chaque étape semble un peu tirée par les cheveux. Peut-on avoir des justifications (je n'ose plus demander des "preuves"...). En tout cas des signes qu'on ne se gourre pas en faisant ces hypothèses.
shadoko
 
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Message par Wapi » 21 Fév 2005, 13:25

Je n'ai pas oublié que tu voulais un court cours clair sur la psychanalyse et le transfert ? Alors en attendant Cyrano, voici quelques éléments sur la "cure-type" qui n'est qu'une des formes particulière de "la psychanalyse", sur un site "grand public".

a écrit :                        La psychanalyse

La psychothérapie psychanalytique vise à comprendre la genèse du symptôme et à rendre au patient l'énergie qui est immobilisée par ses conflits inconscients. Une relation de transfert s'établit entre le patient et le thérapeute. Ce travail portant sur l'inconscient du malade ne peut être entrepris avec succès que par un thérapeute qui a lui-même vécu l'exploration de son propre inconscient : d'où la nécessité d'une psychanalyse personnelle préalable pour le thérapeute.

La psychanalyse est une analyse du "moi" effectuée dans le but d'en renforcer la puissance en en modifiant les structures. A la fois entreprise commune et combat du malade et du psychothérapeute, la cure psychanalytique ne se présente jamais comme une simple série de "consultations" mais bien comme une aventure à deux.

Le psychanalyste devient ainsi une sorte d'agent catalyseur qui attire sur lui et cristallise les sentiments confus dont le patient vient de se décharger.

Ce phénomène de transfert représente une des phases essentielles de la cure psychanalytique.

La psychanalyse implique le plus souvent, pour être couronnée de succès, l'engagement sincère du malade, engagement auquel il tentera à diverses reprises de se dérober mais qui, en fin de compte, restera effectif jusqu'au bout.

[ Plusieurs écoles existent ]

Celles de Jung, Bleuler, Adler sont moins pansexualistes que celle de Freud. Mais toutes sont fondées sur le même principe, c'est-à-dire sur la prospection de l'inconscient.

La plupart des psychanalystes se réclament de Freud mais cela ne les empêche nullement dans leur pratique de tenir compte des apports des autres théoriciens et de leur propre inspiration car la psychanalyse, que tout dogmatisme rendrait stérile, exige de la part du psychanalyste un engagement personnel.

[ Indications ]

Les psychoses se situent en général hors de son champ d'action.

C'est surtout dans les névroses que les chances d'accéder au noeud du conflit sont les plus nombreuses.

Il se peut que la cause reconnue comme telle par le patient et le psychothérapeute ne soit pas la vraie cause et ne représente qu'un compromis choisi par les deux personnages impatients d'en sortir. Le résultat risque alors d'être éphémère.

En cas d'échec, on estime en général que l'inexpérience du psychothérapeute, pourtant analysé lui-même avant d'entrer en fonction, en est la cause. Mais la résistance du patient, résistance involontaire puisqu'il s'est prêté au jeu, peut également rendre la cure sans effet.

Le vrai problème est probablement la mauvaise conception que peut avoir le patient de la psychanalyse. Ceci est dû en grande partie aux nombreux psychanalystes chez qui la pensée de Freud a développé la manie de l'interprétation et le goût des mythes. Ceci est une erreur car si le psychisme reste profondément marqué par les expériences de l'enfance, il ne cesse d'acquérir, de rejeter, de se transformer tout au long de la vie. Il reste soumis au mouvement de la conscience.

Dr Lyonel Rossant, Dr Jacqueline Rossant-Lumbroso.



Le problème étant aussi ce qu'on a comme "précompréhension " de la psychanalyse... et du transfert.
Wapi
 
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Message par Cyrano » 21 Fév 2005, 13:31

a écrit :Ecrit par : Wapi  le lundi 21 février 2005 à 13:13
Cyrano n'a-t-il pas un texte qui traîne ?

Oui, j'ai !
Mais j'ai lu Clausewitz… Je posterai en milieu d'après midi… Pendant ce temps, les contradicteurs étirent tellement leurs lignes qu'elles en deviennent diaphanes...
Cyrano
 
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Message par Wapi » 21 Fév 2005, 13:51

Salut Shadoko,

Tout d'abord j'espère que tu as pu trouver quelques éclaircissement dans les textes qui ont été mis ce week-end sur ce fil et sur les autres s'y rapportant... et que nous ne t'avons pas fait perdre du temps à les lire.

Pour tes dernières questions, je n'ai pas personnellement assez d'éléments sous la main pour te répondre bien. Les amis peut-être ?

En revanche pour ceci :

a écrit :4. extrapoler à partir de la petite enfance pour discuter du psychisme d'un adulte, comme si tout cela avait gardé une place prépondérante.

Il n'y a pas de "faute de logique" dans ce que je viens de décrire. Mais chaque étape semble un peu tirée par les cheveux. Peut-on avoir des justifications (je n'ose plus demander des "preuves"...). En tout cas des signes qu'on ne se gourre pas en faisant ces hypothèses.



Extrapoler... on "n'extrapole" rien du tout abstraitement.

On recueille très souvent une parole où la personne elle même fait le lien, et parfois très puissamment encore !

Non qu'on lui ait "suggéré" en rien quoi que ce soit, je précise par avance !

Mais cette seule idée que quelqu'un puisse l'écouter sans la prendre pour folle ou la juger, simplement parce qu'il n'a aucun "lien" avec elle (hors le fameux "transfert), peut libèrer une certaine parole qui autrement ne serait pas advenue.

La "psychanalyse" ne s'adresse fondamentalement qu'à ceux qui sont en demande de soin, ses concepts sont des concepts à visée thérapeutiques, d'abord. Quand on "va bien", on n'en a pas besoin !

A une personne qui n'a pas de "problèmes" ou qui n'en cause pas trop aux autres, on ne va pas chercher à aller vérifier si son développement a bien été "conforme" ou non aux grandes lignes du schéma freudien.... non plus qu'à celui de Piaget d'ailleurs.

Mais qu'est-ce qu'on peut faire si une personne se met à parler de tout cela, de la merde, du corps qui pue, de la sexualité... et qu'elle-même fait remonter ça très loin ?

Et qu'elle a un rapport très douloureux ou très pathologique à tout cela et qu'elle en souffre ?

On va lui demander de se taire ? Ou la traiter de menteuse ?

Shadoko,

Est-ce que ce sont des cas de patients qui t'intéressent ?

NB : attention que ce qui est "sexuel" pour Freud déborde largement "le génital".
Wapi
 
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Message par shadoko » 21 Fév 2005, 14:00

a écrit :
Extrapoler... on "n'extrapole" rien du tout abstraitement.

On recueille très souvent une parole où la personne elle même fait le lien, et parfois très puissamment encore !

J'ai du mal à imaginer ça pratiquement. Si je comprends bien, tu dis que certains patients font le lien eux-même entre leurs problèmes et la sexualité de la petite enfance? Ça me paraît incroyable.

a écrit :
Est-ce que ce sont des cas de patients qui t'intéressent ?

Oui, par exemple. Mais seulement si c'est compréhensible. Si tu as par exemple un "cas", que tu peux résumer dans les grandes lignes, et poster la référence en pièce jointe, ce serait bien (pour qu'on ait pas à décoder pendant une heure pour y trouver ce que tu veux, on est pas des spécialistes).
shadoko
 
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Message par Wapi » 21 Fév 2005, 14:22

Ok Shadoko, je vais chercher des cas un peu "parlants" de ce point de vue.

En attendant, j'ai trouvé ce petit texte qui parle simplement de la "cure-type" pour névrosés moyens.

Je précise seulement que je ne suis pas d'accord avec son appréciation de l'argent. On peut faire une psychanalyse "gratuitement" ou très très peu cher si l'on trouve un psychiatre ou autre qui accepte.... il y en a peu mais il y en a...

Ce qui n'interdit pas d'interroger le rapport de chaque personne à l'argent.

a écrit :


LA CURE TYPE


La cure type freudienne exerce encore aujourd'hui une sorte d'hégémonie théorique dans tous les milieux de la psychothérapie. Plus précisément, on peut dire que les psychothérapies définissent leur identité enfonction de cette cure type au point de vue du temps nécessaire, des conditions matérielles, des règles techniques et des interventions.

Comment s'aménage, se construit, se structure la situation analytique ?

I. Les conditons de la situation analytique

1. L'analysabilité

La cure analytique est longue et très coûteuse. Elle doit être conseillée lorsqu'on est sûr qu'elle donnera de meilleurs résultats que d'autres méthodes mais également lorsqu'on est sûr qu'à l'issu de la cure les critères de guérison auront de bonnes chances d'être réunis.

Pour que chacun des deux partenaires voit plus claire, il existe avant la cure proprement dite des séances préliminaires ou pré-analytiques. Ce sont des entretiens préalables à l'analyse qui vont permettre aussi bien à l'analyste qu'à l'analysant de préciser ou de refuser cette analyse. Ces entretiens se passent en face à face et ils ont une finalité pragmatique précise. L'analyste va se poser deux questions. Ce patient est-il analysable ? L'analyse servira t-elle au mieux ses besoins ?

La psychanalyse est un traitement de longue durée, et si un patient ne peut, pour de quelconques raisons, être régulièrement disponible, il déconseille l'analyse. Par ailleurs, c'est un traitement coûteux, si le financement perturbe trop le budget familial, cette condition mérite considération.

En ce qui concerne l'analysabilité, le thérapeute va dresser un bilan de personnalité, il inclut la biographie du sujet, ses conflits passés et présents, ses potentialités et ses ressources (psychologiques), intellectuelles, affectives et énergiques. Ce bilan est encore difficile à codifier aujourd'hui, en dernier recours chaque praticien a ses propres repères, même lorsque tout semble avoir été pesé, des surprises bonnes ou mauvaises restent possibles.

2. La force du Moi

C'est le critère classique le plus important dans une indication analytique thérapeutique, les études théoriques sur la force du Moi sont très limtées. Les critères restent donc très difficiles à apprécier. Sacha Nacht : 'Un Moi fort est celui quui n'a pas peur des pulsions émanant de l'inconscient, qui se laisse pénétrer par elles pour laisser les unes s'épanouir lorsqu'elles sont compatibles avec le principe de réalité, les autres, celles qui sont en contradiction avec ce principe, il les transformera en vue d'une adaptatioon relative à la réalité. En outre, la force du Moi se mesure à la résistance dont il est capable de faire preuve en cas d'insatisfaction pulsionnelle ou de déplaisir.' La force du Moi va se dégager de l'étude soigneuse de la biographie, on va donc étudier les réalisation affectives, sexuelles, sociales du patient en s'intéressant surtout à son attitude devant les frustrations, devant les blessures narcissiques et devant les difficultés qu'il rencontre. Deux points de vue : le premier, l'ouverture aux pulsions sans déclencher des réactions surmoïques mais en considérant d'une manière réaliste un accomplissement possible, c'est la capacité à savoir se faire plaisir quand c'est possible. Le deuxième, la résistance aux frustrations sans réactions agressives ou pathologiques.

3. L'aspect nosographique, indications et contre-indications

Classiquement, on  différencie trois cas de figure :

- Les cas accessibles à la psychanalyse, l'hystérie sous ses formes (conversion et angoisse) et les névroses mixtes.
- Les cas modérément accessibles à la psychanalyse, alcoolisme et toxicomanie.
- Les cas faiblement accessibles, les structures psychotiques, Bergeret ajoute les borderlines (cas caractérisés par un manque de solidité dans la structure psychopathologique, ont une grande labilité dans les mécanismes de défense).

Le pronostic du traitement psychanalytique est le plus souvent difficile à faire au départ, dans certains cas, certaines personnes avec une pathologie lourde voient leurs troubles disparaître avec une rapidité surprenante, d'autres patients, malgré une symptomatologie bénigne vont suivre pendant des années un traitement analytique sans succès. Dans ce deuxième cas, les patient n'arrivent pas à supporter les changements provoqués par le traitement, la personne de l'analyste joue également, l'un réussi là où l'autre échoue. Une névrose guérit d'autant plus facilement qu'elle est récente alors qu'une névrose ancienne avec des mécanismes de défense bien solide est très difficile à déraciner.

4. L'âge du sujet

Lorsqu'une névrose est ancienne, le sujet a appris à vivre avec ses symptômes, il supportera difficilement de revivre la névrose infantile avec tous les chocs et toutes les émotions qu'elle comporte. Pour la psychanalyse freudienne seul l'adulte jeune relève de la psychanalyse classique, par contre après 40 ans, le traitement peut être bénéfique si la névrose est récente, si la souffrance névrotique est au premier plan du tableau clinique, si les conditions sociales et familiales ne sont pas trop écrasantes.

5. Le rôle de l'argent

Séance : 40-75 Euros. Une cure analytique coûte et le remboursement n'existe pas ; sauf cas particuliers, la psychanalyse est interdite aux plus démunis. La majorité des analystes s'en tiennent à un prix fixe mais certains thérapeutes modifient leurs tarifs en fonction des clients, cela n'est pas aussi arbitraire qu'il n'y paraît. L'expérience montre qu'une analyse trop peu cher fonctionne mal, le juste prix d'une analyse dépend également de l'évaluation de la demande. Le problème consiste à déterminer quel est le degré d'engagement du patient dans la psychanalyse, plus la demande est faible plus les exigences au niveau du paiement peuvent être fortes. En contre partie, lorsque la demande est très forte l'analyse pourrait être bien réduite.

Pour comprendre plus en profondeur le rôle de l'argent, il faut le replacer dans la problématique du sujet, quelle place l'argent qu'il donne a dans le déroulement de la cure ? En quoi a-t-il écho à ses symptômes ? La plupart des patients, en début d'analyse, ont tendance à considérer les honoraires comme la stricte rétribution du temps et de l'attention qui leur est accordé, le sujet paye et en échange l'analyste guérit. Ce qu'il y a d'inconscient derrière cette illusion est qu'il suffit de payer pour guérir. Paradoxalement, le rôle de l'argent dans la cure est de faire prendre conscience au patient que certaines choses ne s'achètent pas et qu'il faut payer le prix à d'autres niveaux plus profonds et souvent plus douloureux dont le paiement financier n'est qu'un pâle symbole.

6. Conditions diverses

Quelques principes généraux à respecter :

- On évite d'analyser un parent ou un ami car le transfert perd son caractère spécifique.
- Lorsque aucun secours est possible on a toutes les chances de perdre ses amis.
- Il peut avoir également contre-indication avec une analyse particulière si l'équation personnelle qui correspond à une constatation évidente qu'aucun analyste ne peut analyser n'importe quel patient intervient dans la cure, aucun patient ne peut choisir indifféremment n'importe quel analyste. Il semble que les analystes réussisent plus ou moins bien en fonction de leur propre structure psychologique et en fonction des types de malades qu'ils traitent.
- Le traitement d'un couple pose également des problèmes difficiles, il est délicat de conseiller l'analyse à un seul conjoint car soit la guérison risque d'être impossible soiit le divorce est inévitable. La cure est alors conseillée aux deux et deux analystes différents.
- La position, le patient est soit allongé sur le divan avec l'analyste derrière lui. Le regard du psychanalyste peut être inhibant pour l'analyste et l'analysé.
- La fréquence des séances varie entre une à quatre fois par semaine. Elle ne doit pas être inférieure à une fois par semaine. Théoriquement, elle dépend de la rapidité avec laquellel l'analysant restructure ses défenses d'une séance à l'autre. Plus le sujet restructure vite ses défenses plus les séances doivent être rapprochées.

Une fois que tout ceci a été pesé et décidé, l'analyse va se dérouler d'une manière immuable dans ses conditions matérielles et psychologiques. A ce moment là, vont intervenir d'autres règles qui n'encadrent pas le patient mais vont donner plutôt le mode d'emploi c'est-à-dire le fonctionnement à l'intérieur du cadre analytique.

II. Les règles techniques

Ces règles structurent la situation analytique, les unes sont destinées au patient (ex, libre association) et les autres au psychanalyste (ex, la neutralité bienveillante, l'attention flottante).

- La règle fondamentale (association libre), dès qu'un patient commence une analyse on lui communique cette règle : le malade doit s'employer de son mieux à exprimer tout ce qu'il pense, tout ce qu'il éprouve, comme il le pense et comme il le ressent. Il doit verbaliser toute image et toute pensée au fur et à mesure de leur apparition dans le champ de la conscience, sans exercer de contrôles qui précèderaient la verbalisation. Freud pensait ainsi abolire la censure consciente et faire remonter les souvenirs refoulés. Actuellement, avec le recul de l'expérience on a plutôt tendance à penser que cette règle doit être comprise comme une ligne de conduite globale tout en sachant que pour des tas de raisons elle est impossible à suivre. Lorsque le sujet essaie d'observer cette règle, lorsqu'il arrive à suivre la règle, il est mis devant l'analyste dans une situation quasi-expérimentale qui permet de saisir sur le vif comment le sujet fait face à ses résistance.

- La règle de l'attention flottante : elle concerne le psychanalyste. On la considère comme l'équivalent de la règle fondamentale pour le sujet. Nacht : 'Le thérapeute doit être capable de tout entendre sans accorder plus d'attention à ceci plutôt qu'à cela et suspendre son esprit critique. Comme le patient doit tout exprimer, le psychanalyste doit tout enregistrer et communiquer avec l'inconscient du sujet. Ce n'est que dans un deuxième temps que ce travail irrationnel sera conceptualisé et entraînera éventuellement une intervention. Cette attitude à la fois détachée et présente est d'une importance capitale, elle exige de la part du soignant une grande souplesse intérieure inconsciente et elle suppose que l'inconscient du soignant est son meilleur outil technique,  son plus sûr auxiliaire.

- La neutralité bienveillante : cette règle inclus que l'analyste doit éviter toute réponse affective vis-à-vis de son patient, il doit se garder de tout jugement de valeur sur ce que le patient dit ou montre, de toute participation personnelle face à ce que le patient éprouve ou manifeste à son égard. Freud dit que cette attitude de neutralité est indispensable au développement authentique du transfert.

III. L'évolution classique d'une cure

1. La ou les séances pré-analytiques

Dès que l'indication est donnée, le sujet prend rendez-vous et il rencontre le psychanalyste pour la première fois. Cette première entrevue est très délicate à mener de la part du psychanalyste car d'une part à la fin de cette séance il doit posséder suffisamment de connaissances sur le sujet pour l'accepter ou le refuser, de plus il doit préserver sa neutralité pour la suite de la cure. Dès le début, respecter la règle de neutralité, ces-à-dire avoir un comportement suffisamment neutre pour que le sujet puisse exprimer ses projections. Il faut également une relation suffisamment chaleureuse pour que le sujet perçoive une personne humainement présente.

2. La cure proprement dite

Le rôle de l'analyste, Nacht : 'Rapidemment et progressivement les besoins pulsionnels du patient s'orientent vers l'analyste, c'est de llui que le malade attend et réclame les satisfactions qu'il ne peut obtenir ailleurs. Le thérapeute s'efforcera avec tact et fermeté de détourner de lui ses exigences et de les satisfaire réellement dans la vie, vu sous cet angle l'analyse apparaît comme une lutte entre le malade et le thérapeute.'

Les résistances et l'interprétation : par résistance, on entend toutes les forces qui chez un patient s'opposent au travail psychanalytique. Ces résistances sont des répétitions de toutes les défenses utilisées dans le passé par le sujet, elles sont en grande partie inconscientes, la thérapie se donne pour but de dévoiler comment le patient résiste, ce à quoi il résiste et pourquoi il résiste. Laforgue classe ces résistances en trois grands types :

- Résistances qui se traduisent d'une façon brutale par une opposition directe, la seule attitude, la patiente.
- Résistances qui apparaissent de façon sournoise, le sujet se fait humble et modeste, il cherche à charmer, séduire, déclencher de la pitié, dans le but d'écarter l'analyste de sa conduite de neutralité. Le psychanalyste doit être capable de repérer ceci.
- Résistances qui se dissimulent derrière toutes sortes de symptômes pathologiques simulés ou réels, psychiques ou organiques, inventés pour dérouter l'analyste et faire échouer le traitement.

Plus concrètement, l'analyste va rencontrer un certain nombre d'attitudes, par exemple, le sujet est silencieux, forme la plus rencontrée dans la pratique, la plus transparente, implique que le patient ne veut pas communiquer ses pensées à l'analyste. Face à ce silence, le sujet peut avoir deux réactions, soit il est conscient que son silence dissimule quelque chose, soit il l'attribue au fait qu'il n'a rien à dire. Dans les deux cas, il faudra comprendre les raisons de ce silence et l'analyste, après un délai raisonnable, intervient en lui demandant ce qui lui fait fuir l'analyse en ce moment.

Deuxième forme de résistances, celles qui se traduisent par une absence d'affects comme si le sujet n'était pas impliqué en racontant des événements chargés émotionnellement, c'est une dissociation entre le discours et l'affect ou entre deux parties de la même personne, symptôme névrotique.

Résistance qui se manifeste dans la posture du sujet, cette position défensive se  manifeste par une certaine rigidité du corps, le sujet va adopter une même posture pendant toute une séance. Contradiction entre la posture et le discours, par exemple, un patient qui décrit froidement un événement et qui s'agite sans arrêt. Certaines postures manifestent bien le replus, mains serrées, bras croisées sur la poitrine, les chevilles vissées l'une à l'autre, la façon d'entrer ou de sortir du bureau de l'analyste en fuyant le regard.

Résistance en parlant que de faits superficiels ou insignifiants.

Série de comportements fréquents dans toutes les psychanalyses, par exemple, le retard du patient aux séances, les séances manquées, l'oubli de payer, l'absence de rêves.

Face à toutes ces manifestations, la résistance fait obstacle à la compréhension mais avant tout elle sauvegarde l'équilibre du patient et on peut récapituler l'attitude de l'analyste en décrivant les étapes qui vont permettre au sujet d'intégrer les forces de la résistance.

- Reconnaître la résistance.
- Démontrer la résistance au patient.
- Eclaircir les motifs de la résistance.
- Interpréter la résistance.

Reconnaître la résistance, c'est-à-dire identifier dans le matériau fournit si une résistance est à l'oeuvre.

Démontrer la résistance au patient, c'est-à-dire, il s'agit d'amener le patient à comprendre qu'il résiste. Donc, il est nécessaire de le confronter au fait même de sa résistance, le faire que si cette confrontation a une chance d'être comprise. Si l'analyste ne dit rien, d'autres résistances se développent. Il faut favoriser la démonstration de la résistance en attendant que la résistance se manifeste plusieurs fois et l'aider à devenir démontrable.

Eclaircir les motifs de la résistance, pourquoi le patient résiste t-il ? C'est-à-dire, quel affect pénible veut-il éviter ? De l'angoisse, de la culpabilité ou de la honte ? Un certain nombre de réactions corporelles vont nous apporter des indices donc détourner la tête, se mettre à trembler, à transpirer, à s'agiter... On peut dire au patient, vous semblez embarrassé, triste, effrayé, avoir envie de pleurer. Il est important de dire, vous semblez et non pas vous êtes car on peut toujours se tromper et même si on a raison, il faut laisser au sujet la possibilité de fuir l'interprétation.

Interpréter la résistance : il va s'agir de comprendre quel souvenir passé déclenche ces affects, il va falloir retrouver dans l'histoire du sujet les situations pathogènes. Le point le plus important est de trouvers le niveau juste de l'interprétation. C'est adapter la profondeur de l'inntervention au juste besoin du sujet, c'est-à-dire ni trop profon ni trop superficiel par rapport à ce que le sujet a déjà compris de son intériorité. Le sujet doit avoir le sentiment d'avancer dans la connaissance de ses mécanismes psychologiques mais il ne faut pas avancer trop vite pour ne pas déclencher ses défenses et en particulier l'agressivité, en lui disant des choses qu'il n'est pas encore en mesure d'accepter. Il ne faut jamais interpréter les résistances prématurément, il faut respecter le temps psychologique de chacun. Une interprétation est d'autant plus efficace qu'elle est courte et qu'elle se réfère à ce que le sujet vient d'éprouver ou de penser. Il faut que le sujet soit dans l'énergir de l'émotion pour en vivre totalement son existence et sa force. Il est important de ne pas jouer le jeu de la résistance du patient, par exemple, si le sujet est silencieux, le silence de l'analyste peut aggraver la situation. Il est essentiel de lui dire en début d'analyse que la détection d'une résistance et son analyse constituent une partie importante du travail analytique et donc de lui préciser qu'il ne s'agit d'une erreur ou d'une faiblesse de sa part. Le sujet ne doit pas se sentir rejeté du fait de ses résistances, ni dans le sens, ni dans le ton.

L'attitude du psychanalyste peut renforcer ou diminuer les résistances, la ligne générale de l'attitude est d'essayer de faire surmonter ces résistances avec le minimum de souffrances. D'une part, se garder d'interprétations hâtives et ne permettre d'aborder certains problèmes que lorsque le sujet est assez fort pour les résoudre. Tout ce que le thérapeute comprend ou a compris n'a pas à être toujours ni tout de suite ni entièrement communiqué au sujet. Un certain nombre de facteurs déterminent la mesure d'une interprétation, d'abord la connaissance du cas, la structure de la personnalité, la qualité du Moi, l'intensité de ses résistances, sa sensibilité et ses dons psychologiques.

Evolution de la cure : elle est toujours en trios phases, celle d'installation de la situation analytique, de la névrose de transfert et de fin de la cure.

La phase de début est vécue d'une manière généralement gratifiante, Nacht parle de 'Lune de miel', le sujet étale avec complaisance ses symptômes et son histoire, il en obtient des satisfactions narcissiques, exhibitionnistes ou masochistes. La neutralité de l'analyste est éprouvée comme permissive et le Surmoi du patient bénéficie immédiatement d'un certain assouplissement. L'analyste est perçu comme bienveillant et la peur inconsciente de toute névrose tend à se calmer. Donc, le Moi est plus ouvert aux pulsions, c'est cette ouverture qui va modifier la situation. C'est du psychanalyste que le sujet va attendre des satisfactions à ses nouveaux besoins. Tout va être vite déçu car de ce côté la situation analytique est délibérément frustrante, cet état de frustrationn se répercute très vite sur le transfert qui devient alors ambivalent. Cette relation transférentielle devient le centre même de la vie du sujet, c'est ce que Freud a appelé la névrose de transfert. L'évolution de cette névrose va reproduire fidèlement l'autre névrose infantile avec ses besoins insatisfaits, ses frustrations, ses agressivités et ses peurs. L'analyse de tous ces mouvements transférentiels et leurs rapprochements avec les conduites du sujet dans la vie actuelle aboutissent à des prises de conscience successives qui vont progressivement fortifier le Moi. La peur diminue et le sujet pourra exprimer de mieux en mieux son agressivité, on dit que le Moi devient adulte et le sujet entre dans ldernière  phase de l'analyse. Son intérêt pour l'analyse et l'analyste diminue jusqu'à ce qu'il soit capable de se séparer de son thérapeute.

La fin de l'analyse : elle pose la question essentielle, quand peut-on juger qu'un traitement thérapeutique est terminé ? Le problème de la fin d'une analyse est de savoir ce qu'est la guérison psychologique et les psychanalystes estiment qu'un état idéal de santé psychique n'est jamais atteint par personne. Néanmoins, il y a des conditions psychologiques qui permettent de dire que le sujet se trouve mieux dans son psychisme. Critères : absence de souffrance et la capacité de résister aux frustrations sans déclencher des mécanismes de défense. Ces deux conditions permettent de vivre en paix avec soi-même et avec les autres donc ils apparaissent comme les critères les plus sûrs pour envisager la fin d'un traitement.

Quelques critères de guérison :

- Capacités de satisfaction génitales
- Capacités de supporter les frustrations libidinales sans défenses régressives et sans anxiétés.
- Capacités de supporter les pulsions agressives envers soi et envers autrui sans culpabilités et sans que cela entraîne la perte de l'objet d'amour.
- Capacité de supporter le deuil.

Cet ensemble de conditions n'est pas réalisable que lorsque le sujet est libéré de la peur, peur de soi, peur des autres, c'est-à-dire peur de la réalité intérieur qui entraîne la peur de la réalité extérieure. Il semble que ce qui autorise à considérer une analyse comme terminée est la constatation répétée que le patient a acquis en toute liberté intérieure la capacité de satisfaire ses besoins instinctuels d'une manière adaptée à ses propres possibilités constitutionnelles et au milieu dans lequel il vit.

Conclusion : l'analyse fournit incontestablement des possibilités nouvelles et plus fortes de protections et d'actions dans la vie mais qu'en aucun cas ce n'est une immunisation absolue contre les accidents névrotiques ou contre les blessures de la vie puisque aucun homme parfaitement équilibré n'en possède autant.



C'est bien résumé je crois... en attendant Lacan et le problème du transfert dans la psychose, sur lequel il y a déjà eu des éléments sur les fils.
Wapi
 
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Message par Wapi » 21 Fév 2005, 15:08

pour Shadoko,

à propos des agressions sexuelles "psychopathiques" et certains liens avec la construction de la personnalité de l'agresseur telle que la conçoit une certaine tradition analytique :

a écrit :
Claude Balier

La psychanalyse confrontée à la violence criminelle

Au-delà de l'articulation Soins-Justice, nous avons constamment cherché, au cours de cette soirée, l'identité des agresseurs sexuels, leur capacité à se constituer comme sujets responsables. Il nous a fallu plonger au niveau des racines mêmes de ce qui fait l'Etre humain, avec ses pulsions et ses défenses les plus archaïques, bien en deçà ou au delà du refoulement qui nous est familier. Je veux parler bien sûr du clivage.

Il me vient maintenant le désir de porter un regard d'ensemble sur la compréhension de ces comportements singuliers, dont certains pourtant issus d'une "disposition perverse polymorphe" qui est celle de l'enfant que nous avons tous été. A cette période de la vie, il s'agit de pulsions partielles, en attente d'organisation sous le primat génital. En démystifiant l'idée de monstres, comme l'on fait J.M. Elchardus(Emprise,mimetisme et travail soignant.Adolescence vol. 7n°2 1989) et D. Zagury(La psychiatrie face aux violences.Perspectives psychiatriques 2001 vol.40 n°2), que vaut notre effort de compréhension ? Peut-il aider ces sujets à trouver une autre voie ? Quelles sont les fonctions respectives du juge et du thérapeute au cours d'une collaboration contrôlée que je crois indispensable et précieuse ?

Les comportements sexuels violents représentent une forme particulière de la violence destructrice en général. C'est donc la violence et la destructivité qui nous importent, même si elles revêtent une singularité selon le développement de la personne et l'environnement familial, et du fait de la place de la sexualité dans l'économie humaine.

C'est pourquoi j'ai été amené à établir, au-delà des classiques perversions réparties en fonction de la source, du but et de l'objet de la pulsion, une distinction entre les "perversions sexuelles" comportant des procédés défensifs assez élaborés, et ce que j'ai appelé la "perversité sexuelle", plus proche de la psychose, où domine la violence et la destructivité. Cette distinction se recoupe avec celle que j'ai faite entre "recours à l'acte" et "passage à l'acte".

Il est en effet courant d'utiliser le terme "passage à l'acte" pour désigner toutes les formes d'acting qui se substituent à un travail psychique, au cours de la cure psychanalytique ou tout à fait en dehors, auquel cas, on parle "d'acting out" comme nous l'ont appris les écrits anglo-saxons. Or le terme "passage à l'acte", qui se réfère implicitement à la psychopathie, diagnostic dont on se sert souvent un peu vite pour parler des sujets remplaçant la pensée par l'action, implique en fait des imagos latentes, des représentations conscientes ou surtout inconscientes, qui ne peuvent être contenues et appellent une décharge immédiate. C'est dire qu'il existe bien une mentalisation malgré le vide apparent caractéristique de cette pathologie.

Le recours à l'acte est d'une autre qualité, marquée du sceau de l'irreprésentable. Si l'angoisse sous-jacente est bien là, elle n'est pas perçue. L'acte paraît si absurde, si inattendu, que l'observateur est enclin à l'attribuer à une pulsion d'effondrement réactivée dans une situation donnée, mais toujours présente à l'arrière plan d'un fonctionnement apparemment normal.

Si on peut percevoir chez le psychopathe une hyperesthésie de surface (= hyper sensibilité) expliquant le sentiment de voir des ennemis partout ou de se sentir facilement en situation d'infériorité appelant une réaction brutale, il n'est est rien lors du recours à l'acte dont l'auteur ne donne aucune explication si ce n'est "ça m'a pris comme ça, comme une pulsion". L'angoisse sous-jacente a été totalement annulée.

C'est par une reconstruction patiente au cours d'une psychothérapie que l'on peut comprendre la nature de cette angoisse d'effondrement ou d'anéantissement, en relation avec des expériences traumatiques précoces.

Il existe donc un déni radical d'une angoisse extrême. C'est bien un clivage du Moi substantiel, dont G. Bayle est le mieux placé pour en définir les caractéristiques, qui permet le recours à l'acte dans des conditions explosives chez un sujet de mener par ailleurs une vie ordinaire.

Les actes en question sont destinés à combler un sentiment de toute-puissance qui fasse échec à la menace d'effondrement, c'est pourquoi ce sont les plus terribles, viols d'enfants, parfois meurtres, agressions sexuelles d'enfants jeunes sans approches séductrices, pénétrations anales, inceste dit "dictatorial", etc...

Parler de "défaut de mentalisation", pour caractériser ces états de "recours à l'acte" et de "passages à l'acte" présente un risque, celui d'évoquer une origine constitutionnelle comme on l'a fait depuis si longtemps pour la psychopathie. IL convient mieux de s'attacher à comprendre les origines les plus profondes de telles situations afin de voir si l'on peut y remédier.

C'est définir la capacité primordiale de l'être humain à accepter les nécessités de la réalité, c'est-à-dire l'existence de l'autre, au prix d'une souffrance due à l'abandon de ses propres exigences personnelles et d'une satisfaction totale de ses désirs. Il faut aussi qu'il y ait en même temps du plaisir accompagnant cette souffrance, plaisir à communiquer son individualité et son autonomie, dès le plus jeune âge. J'ai nommé ainsi le "masochisme érogène primaire", auquel D. Rose( L'endurance primaire P.UF, Le fil rouge 1997) a donné le nom moins rébarbatif d' "endurance primaire .

Cette analyse peut paraître éloignée de nos préoccupations dans notre travail quotidien.

Qu'on pense cependant à tous ces délinquants et criminels qui, dans l'intimité de leurs réflexions derrière une façade de révolté, poussent un "ouf" de soulagement en arrivant en prison. Freud a parlé des criminels par sentiment de culpabilité inconscient, cherchant la punition. Recherche de contenance en tout cas, au cours d'une escalade affolante dans la répétition des délits.

La contenance, voilà bien un rôle majeur de la loi dans l'esprit d'une articulation entre justice et soins. Au thérapeute alors d'amener celui qui devient un patient à une effort de réflexion sur sa manière de fonctionner. Prise de conscience douloureuse apportant en même temps la satisfaction de se découvrir comme sujet responsable ; c'est une manière de retrouver le socle de l'endurance primaire où se joignent plaisir et déplaisir, où se réalisent donc l'intrication des pulsions, la confrontation à la réalité et l'enjambement du clivage.

Observons les fonctions respectives du juge, de la prison et du thérapeute.

Le premier ordonne la sanction et la contention, avec le but de responsabiliser le sujet. Mais à son insu, il est complice du clivage, ce que nous montrent bien les détenus. "J'ai fait une faute, je paye c'est normal, et maintenant c'est fini, c'est du passé". Ce que vient corriger l'incitation aux soins, obligeant au moins à un premier entretien de nature thérapeutique.

La seconde, la prison, par son rôle de contenance, avec ses règles strictes, cadre le débordement de l'excitation, qui peut d'ailleurs être réveillé sous forme d'angoisse par l'effort thérapeutique.

Le thérapeute, ainsi placé hors du souci du risque de débordement de l'excitation, ce qui n'est pas le cas rappelons-le dans les conditions offertes par un environnement exclusivement médical, fût-ce un hôpital, peut alors se consacrer en priorité à sa fonction la plus importante : accéder, par la compréhension des processus intra-psychiques, à la détresse initiale camouflée par le clivage.

Cette détresse-là n'est même pas perçue, identifiée, par le sujet. Nous sommes en deçà des possibilités courantes de la psychanalyse qui travaille avec des représentations, des contenus psychiques. Ici c'est l'indiscrimination affect-représentation, telle qu'en a parlé A. Green au congrès mondial de psychanalyse, il y a quelques mois en évoquant les maladies psychosomatiques et la délinquance, proches parentes par leur mode d'organisation psychique. Ici il n'y a que des affects qui ne peuvent même pas être nommés. C'est la fameuse phrase de nos patients : "ça m'a pris comme ça, je sais pas pourquoi".

Le travail thrapeutique passe par la reconnaissance par le thérapeute, le soignant, à travers ses propres affects, de ce qu'a pu vivre l'agresseur au moment de son acte, en tant que réveil de traces de traumatismes autrefois subis. C'est le «partage affectif" dont parle C. Parat(L'affect partagé P.U.F.1995). À travers ce partage, par des approches successives et nuancées, les émotions vont pouvoir peu à peu être reconnues, non sans souffrance, On retrouve endurance primaire et avec elle la résiliation du déni.

Ainsi une obligation de soins se transforme-t-elle pour le sujet en une confrontation à lui-même, douloureuse, réveillant angoisses et cauchemars, mais allant dans un sens reconstructif grâce à un "plaisir de fonctionnement" que j'ai souvent évoqué, à la suite de Jean et Evelyne Kestemberg(Contribution à la perspective. Génétique en psychanalyse,RFP 1966 N°5-6) Pour parvenir à des résultats, il faut généralement plusieurs intervenants et pouvoir bénéficier, dans les cas difficiles, de techniques de soins, dites de «médiation symbolique" réalisées par des soignants ou des psychologues : approche corporel, art thérapie, thérapies de groupe ou familiaux, psychodrames.

La recherche réalisée par A.Ciavaldini et M. Girard-Khayat et les collaborateurs(Psychopathologie des agresseurs sexuels.Masson1999), médecins, psychologues, infirmiers de 18 sites en milieu carcéral a montré, entre autres résultats, la pertinence d'une attitude thérapeutique confrontant avec partage affectif, en déterminant la moitié des sujets à s'engager dans un traitement alors qu'il s'agit d'une pathologie réputée inaccessible à tout soin. Mais que l'on ne se méprenne pas : ce n'est pas le partage affectif en soi qui est important. Il ne s'agit pas de jouer «les bonnes âmes» . Mais à partir d'une symbiose comme l'appelle R. Angelergues, permettre la reconstruction de processus psychiques pour accéder à un sentiment d'identité et à des représentations.

Conclusion

La pathologie des agresseurs sexuels est variée. À la suite de traumatismes précoces, il peut s'agir de la mise en place de défenses élaborées, réduisant l'autre par exemple à un support fétichique. C'est le tableau classique des perversions sexuelles.

En ce qui concerne les actes les plus violents, on peut parler d'effondrement narcissique. L'acte représente alors une preuve d'existence et n'est pas le résultat d'une construction psychique. D'où son aspect pulsionnel brutal.

L'action thérapeutique peut aller de l'aide au Moi, l'étayage, à la restauration des processus donnant accès à la représentation, grâce à une compréhension des phénomènes les plus archaïques.

En toute occasion, le but visé est de restaurer la subjectivation en aidant le patient à affronter la réalité, l'existence des autres, au prix d'une certaine souffrance
Wapi
 
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