Les formes élémentaires de la pauvreté

Message par Valiere » 25 Fév 2005, 16:52

« Les formes élémentaires de la pauvreté »
de Serge Paugam
collection de Lien social
276 pages
mars 2005
25 €


La pauvreté en Europe : un diagnostic lucide


Serge Paugam, sociologue, directeur d’Etudes à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et directeur de recherche au CNRS nous livre ici une production étonnante :
Il s’agit là d’une étude sociologique poussée, prolongée par une analyse accessible à d’autres publics que celui des sociologues.
Le livre est structuré, bien charpenté avec un ancrage à la fois dans les études de Tocqueville, Marx et Simmel et à la fois dans les recherches conduites par l’auteur et d’autres chercheurs.
L’articulation entre l’introduction, le corps du livre et la conclusion permet au lecteur de bien appréhender le contenu de l’œuvre et d’en ressortir avec un nouvel éclairage fort instructif et utile pour une connaissance de la réalité de la pauvreté et de sa diversité.

Ce livre « ne débouche pas sur un programme particulier, mais il entend stimuler la réflexion pour contribuer sinon à éradiquer, du moins à soulager les souffrances de ceux et celles dont le destin, un jour ou l’autre, croise celui de la pauvreté »

Ces éléments d’information apportés par l’auteur sur la pauvreté en Europe, sur les politiques publiques menées sont indispensables pour toutes celles et tous ceux qui combattent ce fléau social.
Cette pauvreté, parfois massive et rarement résiduelle n’est pas inéluctable dans des pays qui regorgent de richesse et il n’y a pas d’autre extrême urgence que celle qui consiste à la combattre et à l’éradiquer totalement !

Le voyage à travers l’Europe que nous propose l’auteur de ce livre nous permet entre autres et très vite de prendre la mesure de la différentiation des situations et aussi des réponses institutionnelles et politiques apportées :
Les trois groupes de pays ont une réelle existence :

- Les pays scandinaves avec un système de protection sociale poussée de type social-démocrate définissant une université des droits ;
- L’Allemagne, la France et la Belgique avec la défense des intérêts et droits acquis ;
- Le Royaume uni et l’Irlande qui interviennent au niveau minima dans le domaine de la protection sociale.

Ceci étant posé et expliqué, Serge Paugam définit trois formes de pauvreté, qu’il décline en s’attachant à distinguer ce qui est commun et spécifique en fonction du niveau économique de chaque pays et de sa culture

- « La pauvreté intégrée traduit une configuration où ceux que l’on appelle « les pauvres » sont nombreux. Ils se distinguent peu des autres couches de la population »
C’est ainsi que dans les pays du sud, les solidarités familiales et aussi l’économie parallèle permettent aux personnes connaissant la pauvreté d’être intégrées, aidées.
Rien n’est identique dans chacun des pays concernés, la réalité de cette pauvreté et le traitement social différent ;
Le clientélisme peut être très prégnant quand les aides sont à la personne et délivrées localement en fonction de l’appréciation portée par le « travailleur social »

- « la pauvreté marginale renvoie à une configuration sociale différente dans laquelle ceux que l’on appelle les « pauvres » ne forment pas un vaste ensemble social peu distinct des autres couches sociales, mais au contraire une frange peu nombreuse de la population » ...Ils sont parfois considérés comme des marginaux ou des cas sociaux....
C’est une pauvreté réelle même si parfois elle est niée, elle touche des populations particulièrement vulnérables, subissant les accidents de la vie.

- « la pauvreté disqualifiante traduit une configuration sociale où ceux que l’on appelle les « pauvres » sont de plus en plus nombreux et refoulés, pour la plupart, hors de la sphère productive »
C’est ainsi qu’une majorité de français ne se considère pas à l’abri.
Le chômage et la pauvreté n’arrivent pas qu’aux autres !
L’analyse de la situation des « banlieues » du moins de certaines banlieues est particulièrement percutante, elle montre les effets d’une concentration géographique d’une population vivant l’exclusion et les différences notables entre la réalité française et celle des Etats Unis...Il n’y a aucune commune mesure entre les situations de ces deux pays, certes, et c’est précisé, mais il est urgent que l’on réfléchisse et agisse pour qu’une politique pensée et cohérente soit menée pour s’attaquer aux causes de la « crise des banlieues françaises ».

Ce livre se présente comme un diagnostic solide de la pauvreté sous toutes ces formes à partir de nombreuses études comparatives et nous propose avant tout une sociologie du lien social, indispensable pour chaque citoyen.
La pauvreté c’est aussi l’affaiblissement du lien social et l’isolement, aussi le combat contre la pauvreté passe par une politique de solidarité, de justice sociale, d’accompagnement et aussi de re mobilisation sociale afin que chacun puisse vivre décemment avec les autres.

Cette oeuvre de Serge Paugam est un outil indispensable pour la compréhension de la réalité de la pauvreté et pour alimenter notre réflexion commune qui doit nous mener à agir pour que la pauvreté soit combattue et vaincue.

Valière
Valiere
 
Message(s) : 0
Inscription : 07 Mars 2004, 22:35

Message par Domb » 25 Fév 2005, 19:51

Bonjour,

Je retiens en citation ce qui me parait pauvre (justement) :

(Valiere @ vendredi 25 février 2005 à 16:52 a écrit :« Les formes élémentaires de la pauvreté »
de Serge Paugam
collection de Lien social
276 pages
mars 2005
25 €


  La pauvreté en Europe : un diagnostic lucide
Les trois groupes de pays ont une réelle existence :

- Les pays scandinaves avec un système de protection sociale poussée de type social-démocrate définissant une université des droits ;
- L’Allemagne, la France et la Belgique avec la défense des intérêts et droits acquis ;
- Le Royaume uni et l’Irlande qui interviennent au niveau minima dans le domaine de la protection sociale.

Ceci étant posé et expliqué, Serge Paugam définit trois formes de pauvreté, qu’il décline en s’attachant à distinguer ce qui est commun et spécifique en fonction du niveau économique de chaque pays et de sa culture

- « La pauvreté intégrée traduit une configuration où ceux que l’on appelle « les pauvres » sont nombreux. Ils se distinguent peu des autres couches de la population »
C’est ainsi que dans les pays du sud, les solidarités familiales et aussi l’économie parallèle permettent aux personnes connaissant la pauvreté d’être intégrées, aidées.
Rien n’est identique dans chacun des pays concernés, la réalité de cette pauvreté et le traitement social différent ;

C'est certainement "intéressant" comme on dit, pour faire simple. Question : y-a-t-il dans de livre une quelconque analyse en termes de classes ? A en lire ce que tu écris, je n'en n'ai pas l'impression.

Que veut dire "une université des droits" ? A quelle réalité du terrain des luttes s'accroche cette notion ?

Qu'est-ce qui définit la "pauvreté", et qui sont les "pauvres" ? A quelle réalité critique du salariat et de la précarité aujourd'hui généralisée du prolétariat se confronte ce bouquin ?

En quoi une "pauvreté du Sud" basée sur l'entr'aide (?) est-elle différente d'une pauvreté du Nord ? Ces différences Nord-Sud ont cessé d'exister depuis quelques bonnes années déjà, et il y a aussi "entr'aide" au Nord, soit dit au passage pour reprendre le flou du concept.

Ce ne sont là que des interrogations. Il conviendrait (à mon avis) que tu apportes plus de précisions sur ce livre, car je n'y vois pour l'instant qu'un futur best-seller de plus, dans la lignée de "Empire" et autres interprétations fantaisistes de transformation de la lutte de classe en un fourre-tout précisément socoilogique et donc idéologique (NB: le concept de la "multitude" d'Empire serait de valeur pratique s'il se rapportait à un cadrage historisé du prolétariat, mais ce n'est pas le cas).

A te lire, donc si tu le souhaites.
Domb
 
Message(s) : 0
Inscription : 24 Fév 2005, 07:54

Message par Valiere » 25 Fév 2005, 22:46

Oh là là je pensais que ce livre passerait mieux...Ce n'est pas un best seller il est édité dans une collection particulièrement peu connue et c'est dommage car l'étude est accessible et documentée, chiffrée.
Il y a un retour sur Toqueville et sur Marx assez solide.
C'est un outil pouvant servir à des militants révolutionnaires, un peu comme "la misère du monde" de Bourdieu...Mais drôle de raisonnement qui voudrait que tout soit pensé en analyse marxiste....
Valiere
 
Message(s) : 0
Inscription : 07 Mars 2004, 22:35

Message par Crockette » 26 Fév 2005, 16:57

Serge Paugamm est du même calibre que Robert Castel, ils inventent des concepts pour décrire le fonctionnement de notre société qui sont très interessants.
Même si leur anayses ne sont pas trop marxistes, le monde ne peut pas tourner autour de Marx, mais ces types là ne font pas bcp de concessions au libéralisme actuel.
Du calibre même de Durkheim voir Bourdieu.

D'ailleurs si qqn peut me dire si c'est Paugamm qui a inventé la "disqualification" sociale ou la "désafiliation sociale", ça m'aiderait bien...

La désafiliation concernerait des gens qui arrivent à un tel point d'isolement social (rupture avec la famille, les amis) de par leur situation professionnelle (perte d'emploi), qu'ils n'auraient plus d'autres perspectives que de terminer leur vie au rmi...
Crockette
 

Message par Valiere » 26 Fév 2005, 17:08

a écrit :D'ailleurs si qqn peut me dire si c'est Paugamm qui a inventé la "disqualification" sociale ou la "désafiliation sociale", ça m'aiderait bien...


Merci Crockette de ton appréciation.
Je ne sais pas s'il est le père de cette qualification mais il l'a décrit parfaitement.
Il doit m'envoyer quelques bonnes pages de son bouquin que je lui ai commandés comme cela je n'aurai pas besoin de les saisir.
Valiere
 
Message(s) : 0
Inscription : 07 Mars 2004, 22:35


Retour vers Livres, films, musique, télévision, peinture, théâtre...

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 1 invité