Il faut savoir décoder (à plein tube, comme toujours) et comprendre ce qui est en cause. Je suis d'accord avec Pelon : quel est l'intérêt de citer LO et de polémiquer avec LO, sur cette citation ? Aucun, si ce n'est de faire comprendre au lecteur que la fascisme ne peut se réduire à une analyse "de classe" (terme qui sent son Komintern années 30, c-à-d la période où les facistes et sociaux-démocrates étaient "frères jumeaux" dans la phraséologie satlinienne).
C'est donc autre chose... soit mais quoi ?
Et c'est là que l'idéologie ambiante pointe son nez : le fascisme serait d'une autre nature, irréductible. Et on nous cite les camps, ce qui n'est pas seulement pour rappeler l'horreur, mais c'est pour la mettre en avant... c'est cela qui participe à ce qui était dénoncé dans l'édito de LO : se souvenir, oui mais de TOUT. Or précisément en parlant principalement des camps, on ne se souvient pas de l'essentiel. Et comme les camps, c'est la barbarie et l'horreur absolue, on en finit par dire que tout est bon pour l'arrêter, et... justifier l'intervention des anglo-américains. De là à s'incliner sur la tombe du soldat Ryan ou de ses frères, il n'y a pas loin. C'est ce que Christian Picquet a fait il y a trois ou quatre ans, quand à l'occasion de la venue de Bush en Normandie, une rédactrice de Rouge avait rappelé simplement que l'impérialisme avait autre chose en tête que délivrer les juifs et les autres des camps de la mort. Double page et volée de bois vert de notre bon Picquet ! Ce qui renvoie effectivement à l'autre discussion sur Churchill.
C'est donc en cela que Rouge rompt avec l'analyse trotskyste traditionnelle, celle de Trotsky qui voyait dans la seconde guerre mondiale la continuation de la première.
Sinon, si c'est pour dire que les rapports entre des dirigeants et la classe qu'ils défendent ne sont pas des rapports entre le montreur de marionettes et son pantin, c'est d'une telle banalité que cela ne vaut pas la peine d'être dit. La bourgeoisie française se passerait bien de la moitié des conneries d'un Chirac, mais il gouverne pour elle. Et la bourgeoisie allemande n'avait pas d'autre choix dans la crise de 29 que de s'ouvrir de force les marchés que les autres impérialismes repus lui fermaient. Le seul moyen à sa disposition c'était le recours aux nazis, pour casser le mouvement ouvrier le plus puissant d'Europe et faire basculer l'économie allemande dans une économie de guerre. Prendre les nazis implique un certain nombre de faux-frais : accepter de voir ces brutes gouverner, de façon parfois difficilement contrôlable. La bourgeoisie allemande n'avait pas forcément besoin des camps ni de l'assassinat de millions de juifs, mais ceux qui étaient capables de faire la guerre étaient ceux qui allaient assassiner les juifs. C'est un lot. Ils ont pris le lot. D'autres auraient-il pu faire l'affaire ? Lesquels ? Il n'y en avait pas.
Mais fondamentalement si l'Allemagne a basculé vers la guerre -ce qui impliquait le nazisme- c'est pour des raisons bassement matérielles, quele marxisme et l'analyse de classe (pour employer les gros mots) explique. "Se souvenir de tout" c'est se souvenir qu'une vieille bourgeoisie hautement civilisée est capable pour défendre ses intérêts d'armer et de laisse gouverner des soudards et des barbares. Ne pas s'en souvenir, c'est penser comme les démocrates que le nazisme est un phénomène "irréductible", "unique". Hélas "le ventre est encore fécond... "