le debat sur le materialisme

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par gerard_wegan » 25 Mai 2005, 01:41

(canardos @ mardi 24 mai 2005 à 23:27 a écrit :du coup ça m'a un peu dégouté d'avoir acheté leur livre à la librairie scientifique

... sois au moins content de compter parmi les happy few qui ont pu l'y acheter ! 8) En effet, la librairie était en rupture sur ce titre dès samedi en fin d'après-midi... :x
gerard_wegan
 
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Message par Barnabé » 25 Mai 2005, 08:31

J'ai pas pu assisté au débat parce que je bossait pendant ce temps là. Cela dit de ce qu'on m'en a raconté, et de ce que j'ai lu par ailleurs de Bricmont and co. ( ou par exemple) on voit les limites de ce type de scientifiques matérialistes.
De fait ils ne sont pas marxistes. Leur combat pour le matérialisme ressemble par certains aspect plutôt à celui des matérialistes français du 18ème siècle, un combat au nom de la rationalité contre l'obscurantisme.
Là il faut voir à quel niveau on discute. Face à la résurgence de théories explicitement idéalistes et obscurantistes comme le créationnisme, les interprétation mystiques de la cosmologie ou de la génétique ("design intelligent" etc.) ces scientifiques représentent une forme de résistance, et c'est positif. Par contre il faut être conscient de toutes leurs limites.
Pour eux la lutte contre l'obscurantisme est en quelque sort une lutte qui se mène dans le ciel immaculé des idées. Ils ne conçoivent pas le retour de l'idéalisme comme le produit du développement de la réaction sur le terrain social, sur le terrain de la lutte des classes. Bref ils n'ont pas une compréhension matérialiste de l'histoire des sciences et des idées. Ils mènent la lutte pour le matérialisme sur le terrain idéaliste du rationalisme. Cela ne veut évidemment pas dire qu'il n'y a pas d'ailleurs une lutte idéologique à mener contre les idées idéalistes en sciences, ni d'ailleurs que le combat de Bricmont and co. ne soit pas utile de ce point de vue. Mais ce combat est au fond l'expression de rapports sociaux, de rapports de classes, et Bricmont ne le mène pas consciemment comme tel.
L'autre limite est sur le contenu théorique. Du coup le matérialisme d'un bricmont est assez formel. C'est efficace pour réfuter les mysticisme, mais au fond ça manque quand même sacrément de dialectique (de ce point de vue les travaux de Sonigo/Kupiec par exemple me semblent plus intéressants).
Finalement, le tout c'est de ne pas reprocher à ces gens d'être ce qu'ils sont, des scientifiques qui au nom de la rationalité scientifique combattent le poids du mysticisme dans les sciences. Le fait que ceux qui endossent ce combat le fasse avec des conceptions limités est d'ailleurs aussi le produit des rapports sociaux (à d'autres époques, par exemple dans les années 30, ce type de combat était mené par des scientifiques au nom du marxisme... matiné de stalinisme mais c'est encore une autre discussion).
Les inviter par exemple à la fête est une bonne chose, à partir du moment ou on comprend toutes leurs limites.
Barnabé
 
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Message par gerard_wegan » 25 Mai 2005, 14:12

Canardos, je ne suis pas bien sûr de comprendre le sens de ton dernier post !
Plus précisément, je ne vois pas en quoi cela s'oppose à ce qu'ecrit plus haut Barnabé... mais peut-être cela ne s'y oppose-t-il pas ?!
gerard_wegan
 
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Message par Barnabé » 26 Mai 2005, 20:38

a écrit :  non, Caupo. pour critiquer le marxisme bricmont et consort n'ont justement pas appliqué la methode scientifique qu'ils préconisent par ailleurs fondée sur la description précise des conditions de l'observation et la repetabilité de l'experience.

le marxisme en se donnant comme objectif de transformer le monde, en analysant systematiquement l'ensemble des evenements historiques pour en tirer des lois applicables pour l'action est totalement "experimental" et "réfutable". c'est parce qu'il est réfutable que nous pouvons dire que l'experience historique l'a confirmé!

tout le contraire des fausses sciences qu'ils denoncent et qui posent comme postulat qu'elles ne peuvent etre vérifiées et que la relation entre l'experimentateur et son sujet d'observation interdit toute connaissance en soi de la réalité matérielle, vision tout à fait idéaliste.

si dans tous les débats qu'on a eu dans le forum tu avais appliqué ces criteres, à savoir une theorie n'est pas scientifique si elle ne comporte pas une methodologie permettant de la confirmer ou de la réfuter, tu aurais évité de dire beaucoup de betises et d'adopter des positions idéalistes.....

"Expérimental" et "réfutable"? Tu défends les trucs de Popper là, non?
Parce que c'est quand même assez léger. En gros, pour ceux qui connaissent pas, l'idée de Popper c'est de dire que le critère qui permet de délimiter les sciences, c'est qu'elles soient "réfutables", c'est-à-dire que l'on puisse mettre au point une expérience qui si elle échoue invalide la théorie.
C'est basé sur un vieux truc de logique formelle:
Les énoncé scientifiques sont des énoncés universels (qui énonce des lois générales). Il n'est donc pas possible de les valider expérimentalement en montrant qu'elles sont vraie, parce que cela voudrait dire faire une infinité d'expériences (genre mesurer tous les mouvements des corps massifs pour chercher à valider les lois de la dynamique newtonienne). La parade c'est d'élaborer une expérience dont l'échec contredirait la théorie. Si elle échoue la théorie est définitivement réfuté et jetée aux orties, sinon on la garde. Sans être réellement validée, le fait qu'elle soit "réfutable" mais pas réfuté est sensé garantir que la théorie est scientifique.

Ca ressemble à du bon sens, mais il y a pas mal de hics.

D'abord (petit détail) la science de fonctionne pas comme ça. Quand sur un gros édifice théorique (genre relativité général) on constate expérimentalement par exemple qu'une prédiction de la théorie ne s'est pas réalisée exactement, les scientifiques ne commencent (heureusement) pas par bazarder la relativité générale. Ils essaient de la sauver, en modifiant des constantes ou des petits bouts de théorie etc.
De même quand ils élaborent des théories, les physiciens par exemple ne commence pas par se soucier des critères de scientificité de Popper. Quand ils se rendent compte par exemple qu'il y a des échelles ou ils devraient utiliser à la fois la relativité générale et la mécanique quantique (qui sont incompatibles), ils élaborent des théories (gravitation quantique, les divers version des supercordes etc.) qui sont (vu les quantités d'énergies nécessaires pour se trouver dans les conditions nécessaires) totalement infalsifiables, et dont ils attendent peut-être des preuves indirectes. En attendant on ira pas dire que ces théories ne sont pas scientifiques (et en plus vu la nature du problème, cela voudrait dire que la relativité générale et la physique quantique en bloc ne le sont pas).

Enfin, il ne faut pas oublier que le but de Popper avec son critère c'était quand même de démontrer que n'étaient pas des sciences: la psychanalyse (c'est discutable, d'ailleurs on en a déjà discuté pendant des dizaines de pages ici ;) ), la théorie darwinienne de l'évolution (et oui difficile de faire un protocole expérimentale sur des dizaines de milliers d'années, et dans le genre "autojustification", la "survie du plus adapté" ça se pose là... et ce ne serait pas une théorie scientifique??), et last but not least le marxisme.

Là dessus, évidemment, le marxisme est fondé sur l'expérience et l'histoire du mouvement ouvrier. Bien sûr pour nous, il y a un certain nombre de vérifications de faites. Mais au sens de Popper, être falsifiable cela veut dire pouvoir réaliser (et reproduire à volonté) une expérience qui puisse infirmer la théorie. Si canardos a une idée de protocole expérimental... Et en plus la théorie doit faire des prédicitons qui si elles sont fausses invalident la théorie. Alors oui, on fait des "prédictions" du genre:
(trotsky @ la guerre et la 4ème internationale a écrit :Même si, au début d'une nouvelle guerre, les révolutionnaires authentiques devaient se retrouver en minorité infime, nous ne pouvons un seul instant douter que, cette fois, le passage des masses sur le chemin de la révolution se produirait plus rapidement, de façon plus décisive et plus acharnée, que pendant la première guerre impérialiste. Une nouvelle vague d'insurrections peut et doit vaincre dans tout le monde capitaliste.

Conclusion? Le texte n'est pas marxiste? Le marxisme n'est pas scientifique? Il est à noter qu'une réponse du genre: "c'était plus une perspective qu'un pronostic et même si ça ne s'est pas réalisé c'était juste de militer dans cette perspective là", n'est pas acceptée (par Popper s'entend).
Et pourtant le marxisme est une conception scientifique qui s'appuie sur la compréhension des lois et des processus du fonctionnement de la société. Mais le marxisme n'est pas falsifiable, ne serait-ce que parce que les conditions sociales ne se répète jamais deux fois exactement de la même manière.

Bref rien de bien concluant pour le popperisme comme outil intellectuel pour définir les sciences. Rien de très étonnant puisqu'il se base sur le projet anti-dialectique au possible de trouver LE critère logique définissant science (en soi, comme une entité séparée, définie par elle-même), en refusant de comprendre que les sciences et d'ailleurs la scientificité est une production historique des société, une expression théorique du rapport de l'homme à la nature dont la forme est largement déterminé par les rapports de classe.

Alors quid de la réfutation des pseudo-sciences par l'argument "à la popper"? Ben dans certains cas ça marche (la plupart des pseudo-sciences ne sont pas falsifiables) mais un exemple: l'homéopathie. L'homéopathie est falsifiable. Les protocoles expérimentaux permettant de la falsifier s'appellent des études de cas cliniques. D'ailleurs il y en a eu et ils ont été des échecs (pour l'homéopathie). L'homéopathie est une théorie falsifiable... et falsifiée. Mais comme la lutte contre les croyances obscurantistes ne se déroulent pas dans le ciel logique des idées, cela n'empêche pas que des gens y croient, et croient en sa scientificité.

Bref, rien non plus de bien concluant pour le popperisme comme arme contre l'idéalisme. Et là encore rien de bien étonnant puisqu'il ne saisit pas l'idéalisme ou les pseudo-sciences comme le produit dans la théorie des rapports de classes et de la réaction politique et sociale.
Barnabé
 
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Message par Barnabé » 26 Mai 2005, 20:52

Je viens de lire dans un vieux sujet (ici), un texte attaquant le falsificationnisme de popper posté par ... canardos. Et sous la plume du même canardos:
a écrit :popper en tire la conclusion de son caractere non scientifique [du marxisme, note de Barnabé], mais c'est surtout la démonstration du caractere non scientifique de l'epistemologie popperienne

Alors, c'est le canard qui a changé? Ou bien dans sa réponse à Caupo, entend-il par "falsifiable" autre chose que la théorie de Popper (et si oui, quoi?)?
Barnabé
 
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