Tu écrits:
a écrit :en ce sens la theorie de newton est dépassée. il n'empeche que dans certaines limites elle continue à donner des résultats suffisamment exacts pour continuer à donner un outil opérationnel.
de meme la relativité ne serait pas invalidée par une nouvelle theorie, car son adequation aux observations actuelles subsisterait. elle serait completée et étendue.
Là mon canard (si je puis me permettre), ce que tu dis c'est que la théorie de newton est encore valide dans la mesure où elle donne un "outil opérationnel". Si ce n'est pas dire que c'est la pratique qui juge la théorie, je suis Benoit XVI.
Et là c'en est presque de l'utilitarisme.
Non, la théorie de Newton est invalide, ou en tout cas inadéquate avec le réel. Le monde qu'elle décrit, avec ses forces qui agissent etc. (et je ne parle même pas de la philosophe sous-jacente, teinté de théologie sur l'"impulsion originelle", et qui reflète par rapport au matérialisme mécanique français du 18ème siècle, la forme bien particulière de la révolution bourgeoise anglaise réalisée à travers un compromis avec les anciennes classes féodales) ne correspond pas à la réalité objective. Par contre en effet elle permet une certaine action sur la matière. La limite de cette action était précisément celle des forces productives à l'époque de Newton. La théorie est dans l'absolue inadéquate à la réalité, en un sens on peut dire qu'elle est adéquate pour agir sur le monde à une certaine échelle (la seule que connaissait Newton). Et dire cela c'est déjà dire que c'est la pratique qui détermine la théorie.
Si d'un certain point de vue la théorie d'Einstein prolonge celle de Newton, en même temps elle présente une toute autre description du fonctionnement du monde. Tout comme les forces productives du capitalisme industriel sont à la fois le prolongement de celles du 17ème siècle, leur extension, mais en même temps ont produit des rapports sociaux radicalement différents.
a écrit :donc la science depend donc du developpement des forces productives, c'est evident mais pour autant les conditions de validation d'une theorie scientifiques sont bien données par la connaissance de la réalité exterieure.
Je crois qu'on pourrait être d'accord.
Mais qu'on s'entende, à un niveau évidemment, le scientifique face à une théorie, va l'évaluer en la confrontant à la réalité (pas en demandant l'opinion de ses confrères). Mais les conditions de cette confrontation sont déterminées par le degré de développement des forces productives. Et la forme des théories est déterminée par les structures de la société, en premier lieu les structures économiques et les structures de classe.
a écrit :
les conclusions des scientifiques sur la validité d'une theorie ne sont pas determinées par l'évolution economique et sociale d'une société, mais par la conformité de cette théorie aux observations....
Si la théorie de Newton avait été produite aujourd'hui, on aurait jugé qu'elle ne rend pas compte adéquatement du fonctionnement de la réalité. Si elle a été jugée valide en son temps c'est qu'elle correspondait à la pratique possible à l'époque sur la réalité. Ce n'est pas du relativisme, au contraire. Il ne s'agit pas de dire que toutes les théories se valent. Les théories évoluent vers une compréhension de plus en plus adéquate du réelle, parce que les sociétés évoluent vers une capacité d'action de plus en plus complète sur la réalité objective. En d'autres termes, la validation d'une théorie se fait par la conformité de cette théorie aux observations... que le développement des forces productives dans une société donnée rend possible. Ce n'est pas juste une limitation dans l'étendu du savoir qui serait produite par une limitation technologique. La limite des observations influe sur le contenu même des théories. Une société dont les forces productives sont limitée ne produit pas une théorie incomplète, mais une théorie fausse (qui permet quand même d'agir jusqu'à un certain point).
Pour prendre un exemple caricatural. Les sociétés primitives de chasseur cueilleurs expliquaient le monde par l'animisme. Dans la limite de leur possibilités (extrêmement faibles) d'action sur la nature, cette théorie rendait compte du fonctionnement de la réalité. Elle était bien sûr validée à leurs yeux par la conformité aux observations, et au niveau où ils en avait besoin, elle permettait d'agir sur le monde. Il est très certainement absurde de penser que l'animisme n'a pas été invalidé mais simplement complété par le développement de la sciences au cours de l'histoire de l'humanité.
a écrit :
mais parler d'opinion comme si il s'agissait d'un simple point de vue est contraire à la base meme de la pensée scientifique qui ne fonctionne justement selon la regle de la majorité.
Justement les opinions ne sont pas des simples points de vue. Elles sont le produit des rapports sociaux engendrés par les rapports économiques. Par contre, il serait absurde de penser que le scientifique est un être abstrait qui est dans un rapport pur (même avec des limites technologiques) avec le monde extérieur. Les rapports sociaux, les rapports de classe produise une idéologie qui influe dans la manière dont se formulent les théories.
Il ne s'agit pas de parler d'une version marxiste du relativisme. Mais ce qui est critiquable chez un Latour, ce n'est pas d'essayer de montrer que la société détermine les sciences. C'est d'appliquer une vision relativiste de l'histoire sociale aux sciences. L'histoire de l'humanité, à travers celle de la lutte des classes se comprend non comme une succession de structures qui au fond se valent, mais comme un progrès des forces productives. Du coup l'histoire des sciences est à voir, non pas comme une succession de théories équivalente, mais comme le progrès de la connaissance humaine, produit et déterminé par celui des forces productives et s'exprimant à travers des rapports de classe.
Pour finir, on a tous nos obsessions. Celle de combattre le relativisme est certainement des plus salutaires. Mais il ne faudrait pas au nom de cela en venir à dire des énormités comme dire que la phrase "la théorie est déterminée par la pratique, et les questions théoriques jugées par des critères pratiques" (qui n'est que le présupposé de base du matérialisme), est une expression relativiste.
Je ne crois pas en tout cas que l'auteur de ceci:
a écrit :La question de savoir s'il y a lieu de reconnaître à la pensée humaine une vérité objective n'est pas une question théorique, mais une question pratique. C'est dans la pratique qu'il faut que l'homme prouve la vérité, c'est-à-dire la réalité, et la puissance de sa pensée, dans ce monde et pour notre temps. La discussion sur la réalité ou l'irréalité d'une pensée qui s'isole de la pratique, est purement scolastique.
soit un affreux relativiste.