Maths... adore...

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par com_71 » 20 Mai 2005, 13:01

Ce n'est pas un ordre, juste une possibilité qui est ouverte.

Ci-dessous l'introduction du chapitre "La beauté en mathématiques" consacré par François Le Lionnais dans le cadre de l'ouvrage collectif "Les grands courants de la pensée mathématique", dont il a dirigé la conception en 1948.

a écrit :LA BEAUTÉ EN MATHÉMATIQUES


Jamais Circé n'eut plus de pouvoir sur son Ulysse que cette merveilleuse science en a sur l'esprit quand il en a une fois surmonté les premières difficultés.
R. BAUDEMONT.

Défiez-vous des ensorcellements et des attraits diaboliques de la géométrie. FENELON

Les mathématiques, à les bien comprendre, possèdent non seulement la vérité, mais la suprême beauté.
Bertrand RUSSELL.

La beauté apparaît souvent aux festins où l'on n'avait invité que l'utilité ou la vérité. Comment rester alors insensible aux prenantes séductions dont elle les pare ? Il en va ainsi de toutes les branches de l'action et du savoir, mais nulle part avec autant de force qu'en mathématiques. Et, sans doute, l'Occident moderne n'a-t-il pas ratifié l'opinion de l'ancienne Grèce qui, jusqu'à Euclide, tint les mathématiques pour un art plus que pour une science ; ce sont, malgré tout, d'envoûtantes satisfactions esthétiques qui ont, le plus souvent, incité les mathématiciens modernes à cultiver si ardemment leur chère étude .

Quelques-uns des plus raffinés parmi les écrivains ont attesté cette fascination. Ainsi Novalis :
"Le véritable mathématicien est enthousiaste « per se ». Sans enthousiasme, pas de mathématiques." Et : « L'algèbre est la poésie. »
Ou les Goncourt : « ...les mathématiques et l'empoignant qu'elles ont. »
Mais ce sont les mathématiciens eux-mêmes qui nous ont laissé les témoignages les plus passionnés.

« En lisant, écrit Charles Meray, les mémoires de Gauss, dont l'âge bientôt séculaire n'a pas encore terni l'exquise fraîcheur, ne retrouvons-nous pas à la fois, dans les détails, ces splendides arabesques enlacées par l'imagination inépuisable des artistes de l'Orient ; dans l'ensemble un de ces temples merveilleux que les architectes de Périclès élevaient aux divinités helléniques ? »

Voyez comment Painlevé évoque l'enseignement de Charles Hermite :

« Ceux qui ont eu l'heureuse fortune d'être les élèves du grand géomètre ne sauraient oublier l'accent presque religieux de son enseignement, le frisson de beauté ou de mystère qu'il faisait passer à travers son auditoire. devant quelque admirable découverte ou devant l'inconnu. »

L'éminent logicien Bertrand Russell a parfaitement discerné cette qualité supérieure par quoi la reine des sciences peut prétendre, à la couronne que l'on réserve aux arts.

« Le véritable esprit de joie, d'exaltation, le sentiment d'être plus qu'un homme, qui sont la pierre de touche de l'excellence la plus haute, se trouvent dans les mathématiques comme dans la poésie. »

Si quelques grands mathématiciens ont su exprimer lyriquement leur enthousiasme pour la beauté de leur science, personne ne s'est proposé de se pencher sur elle comme sur l'objet d'un art — l'art mathématique — et par conséquent le sujet d'une esthétique, l'esthétique des mathématiques. L'étude qui suit n'a pas la prétention de fonder cette dernière, elle n'aspire qu'à l'amorcer. Les matériaux que nous alloua passer en revue permettent d'esquisser un classement auquel nous demanderons seulement de proposer une base toute provisoire à des travaux mieux approfondis…
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par com_71 » 25 Mai 2005, 09:24

Paul Valéry avait été pressenti pour préfacer l'ouvrage (cf plus haut). La mort l'en a empêché. Voulant néanmoins rendre hommage au poète, F. Le Lionnais inséra la lettre suivante dont il avait eu communication :
a écrit :UNE LETTRE DE PAUL VALÉRY

40, rue de Villejust, Paris XVIème
février 1932


« Monsieur,

« Votre lettre m'embarrasse, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne m'intéresse. Je suis d'abord assez étonné d'être pris pour conseiller en cette matière, puisque vous avez un mathématicien de profession sous la main. Je ne distingue pas, ensuite, pourquoi vous souhaitez d'aborder la mécanique rationnelle plutôt qu'une autre branche de la science, puisque vous ne poursuivez qu'un dessein de discipline et d'entraînement intellectuel. Si vous n'avez à peu près aucune culture mathématique, il ne faut pas songer avant un assez long temps à méditer utilement sur les travaux de Lagrange ou de Hamilton. Je ne vois d'ailleurs aucun livre qui réponde entièrement à ce que vous désirez. Toutefois si l'aspect mathématique de la pensée, ou plutôt l'aspect philosophique des mathématiques vous attire, lisez les ouvrages de Bertrand Russel, qui sont très remarquables, et combinez-en la lecture avec celle des études critiques de H. Poincaré. Pour la mécanique, vous trouverez des renseignements très précieux sur sa genèse dans deux volumes de Jouguet, qui sont faits de textes originaux depuis l'antiquité. Malheureusement la guerre a interrompu la publication de cette anthologie ordonnée et commentée, qui s'arrête (si mes souvenirs sont exacts) avant l'introduction du Principe de Mayer.

« Mais d'une façon générale, si vous ne comptez pas faire des mathématiques votre objet principal d'études, et si vous n'en recherchez que le fruit typique que l'attention et l'analyse de concepts arbitrairement définis peuvent offrir à l'esprit, je me permets de vous donner le conseil de reprendre les premiers mots de cette science et de considérer en vous-même les problèmes les plus élémentaires en (apparence). — Ces prémisses sont d'ailleurs une source perpétuelle de réflexions et de découvertes pour les maîtres. Rien que dans la numération vous trouverez de quoi réfléchir longtemps. Songez que Leibniz n'a pas dédaigné de s'en occuper. La notation algébrique n'est pas moins intéressante à méditer ; toute la partie formelle et symbolique. qui s'en est peu à peu dégagée et a pris un développement immense, est chose du plus haut intérêt. De même les définitions et postulats de la géométrie dont l'analyse infiniment subtile qu'on leur a appliquée dans les temps modernes a permis de concevoir la Physique comme une Géométrie généralisée.

« Voilà, Monsieur, quelques suggestions. Je ne sais si elles répondent à vos désirs, mais je ne suis pas du tout un spécialiste, — tout au plus un admirateur et un amant malheureux de la plus belle des sciences.

« Veuillez trouver ici, l'expression de mes sentiments tout dévoués. »

PAUL VALÉRY.
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Message par com_71 » 30 Mai 2005, 23:23

Un peu de pratique : démonstration du théorème de Pythagore


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Message par Wapi » 31 Mai 2005, 10:33

salut com_71,

je ne suis pas bien sûr de comprendre quel est le sujet général de la discussion que tu as initié ? Est-ce que ce sont les rapports des mathématiques avec la beauté, ou la sensibilité en général, ou bien est-ce sur l'histoire des maths depuis l'antiquité ou celle de la démonstration du théorème de pythagore et de son application à d'autres problèmes ?

Sur ce dernier point, il y a la démonstration que fait faire Socrate à un jeune esclave dans le Ménon de Platon. Le problème est : à partir d'un carré donné, comment faire pour en construire un second qui ait le double de surface ?

Socrate profite de cette démonstration pour exposer ses idées, d'origines pythagoriciennes justement- sur l'éternité et la "migration des âmes".


http://plato-dialogues.org/fr/tetra_3/meno/t80d_86d.htm

Je ne la mets pas sur le fil car je n'ai pas compris comment on insérait les schemas dans un article importé d'un autre site ...

Un peu d'éclaircissement avec un vocabulaire plus moderne :


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Message par com_71 » 31 Mai 2005, 21:32

(Wapi @ mardi 31 mai 2005 à 11:33 a écrit : je ne suis pas bien sûr de comprendre quel est le sujet général de la discussion que tu as initié ? Est-ce que ce sont les rapports des mathématiques avec la beauté, ou la sensibilité en général, ou bien est-ce sur l'histoire des maths depuis l'antiquité ou celle de la démonstration du théorème de Pythagore et de son application à d'autres problèmes ?

On peut discuter de tous les points que tu cites, ou faire parler les spécialistes du passé, qui savent très souvent vanter leur matière. Merci pour ton rappel de Platon qui connaissait évidemment la valeur pédagogique de l'erreur.

Pour rester sur le théorème de Pythagore, en voici une autre démonstration bien différente, exposée par Jean-Marc Lévy-Leblond.


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Message par com_71 » 07 Juin 2005, 00:24

Un autre écrivain grand amateur de mathématiques : Raymond Queneau, le père de Zazie. Un texte mathématique, et passablement humoristique, de R. Queneau :
a écrit :Les fondements de la littérature d'après Hilbert

      "Après avoir assisté à une conférence de Wiener (pas Norbert bien sûr) sur les théorèmes de Desargues et de Pappus, David Hilbert, attendant le train pour Koenigsberg en gare de Berlin, murmura pensivement : "Au lieu de points, de droites et de plans, on pourrait tout aussi bien employer les mots tables, chaises et vidrecomes [* Un vidrecome est un grand verre à bière que l'on se repasse d'un ami à un autre autour d'une table pour boire chacun son tour*]". De cette réflexion naquit un ouvrage qui parut en 1899 : Les fondements de la géométrie dans lequel son auteur établissait de façon définitive (ou provisoirement définitive) l'axiomatique de la géométrie euclidienne et de quelques autres par surcroït. M'inspirant de cet illustre exemple, je présente ici une axiomatique de la littérature en remplaçant dans les propositions de Hilbert les mots "points", "droites", "plans", respectivement par "mots", "phrases", "paragraphes".

    Premier Groupe d'axiomes (axiomes d'appartenance) :

      1. Il existe une phrase comprenant deux mots donnés.
          Commentaire : évident.
          Exemple : Soit les deux mots "la" et "la", il existe une phrase comprenant ces deux mots : "le violoniste donne le la à la cantatrice".

      2. Il n'existe pas plus d'une phrase comprenant deux mots donnés.
          Commentaire : Voilà, par contre, qui peut surprendre. Cependant, si l'on pense à des mots comme "longtemps" et "couché", il est évident qu'une fois écrite cette phrase les comprenant, à savoir : "longtemps, je me suis couché de bonne heure", toute autre expression telle que "longtemps je me suis couché tôt" ou "longtemps, je ne me suis couché tard" n'est qu'une pseudo-phrase que l'on doit rejeter en vertu du présent axiome.
          Scholie : Naturellement, si l'on écrit "longtemps je me suis couché tôt", c'est "longtemps, je me suis couché de bonne heure" que l'on doit rejeter en vertu de l'axiome I.2. C'est-à-dire que l'on écrit pas deux fois A la recherche du temps perdu [...]

      3. [...]

      4. b. Tout paragraphe comprend au moins une phrase.
          Commentaire : "Oui", "Non", "Hep", "Pstt" qui ne sont pas des phrases d'après I.3, ne peuvent donc pas former à eux seuls un paragraphe.

      5. [...]

      6. Si deux mots d'une phrase appartiennent à un paragraphe, tous les mots de cette phrase appartiennent à ce paragraphe.
          Commentaire : Se passe de commentaire."


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Message par com_71 » 10 Juin 2005, 09:29

Jean-Marc Lévy-Leblond exposait deux démonstrations bien différentes du théorème de Pythagore (cf. plus haut), pour introduire une réflexion sur "physique et mathématiques".


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Message par com_71 » 10 Juin 2005, 09:30

la suite :


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Message par com_71 » 10 Juin 2005, 09:33

suite et fin (provisoire ?) :


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