Une vie pour le socialisme

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Barikad » 03 Sep 2005, 20:31

Dans rouge:
http://www.lcr-rouge.org/article.php3?id_article=2282

a écrit :Trotsky
Une vie pour le socialisme

Il y a 65 ans, le 20 août 1940, Trotsky était assassiné sur ordre de Staline, dans son exil au Mexique.


Trotsky n’avait guère d’illusions sur la possibilité d’échapper aux agents staliniens chargés de l’assassiner, malgré l’extrême vigilance dont il s’était entouré. Rester en vie, travailler aussi longtemps que possible, faisaient partie du combat politique, alors que les défaites majeures infligées à la classe ouvrière les années précédentes venaient de déboucher sur une nouvelle guerre mondiale qui devait nécessairement ouvrir une période de bouleversements révolutionnaires - hypothèse vérifiée par le développement des révolutions anticoloniales. Les motifs de son expulsion d’URSS par le régime stalinien en 1929 - « activité contre-révolutionnaire », volonté de « préparer la lutte armée contre le régime des soviets » - étaient déjà une condamnation à mort officieuse. Cette sentence de mort devint officielle lors des procès de Moscou, dont un des objectifs était de transformer en vérité d’État des monceaux de calomnies accrédités par les aveux publics arrachés, avant leur exécution, aux dirigeants de la vieille garde du Parti bolchevique. Expulsé de France quelques jours après la signature, en mai 1935, du pacte Laval-Staline, Trotsky le fut ensuite de Norvège, quelques jours après la fin du premier procès de Moscou où figuraient, parmi les principaux accusés, Zinoviev, Kamenev, Smirnov... Sur cette « planète sans visa », il n’y eut alors que le Mexique pour lui ouvrir ses portes.

« Toute ma vie consciente »
À la condamnation que la Guépéou lui avait demandé de signer en 1929, Trotsky avait répondu par écrit qu’il refusait de reconnaître « un abandon du combat que j’ai soutenu depuis 32 ans pour la cause du prolétariat international, c’est-à-dire pendant toute ma vie consciente. Ceux qui tentent de représenter cette activité comme “contre-révolutionnaire” sont précisément ceux que j’accuse de violer les principes fondamentaux de l’enseignement de Marx et de Lénine, en attentant aux intérêts historiques de la révolution mondiale, en reniant les traditions d’octobre 1917, en préparant inconsciemment, mais d’autant plus dangereusement, Thermidor ». Ce refus d’abdiquer, il le manifesta aussi en suscitant une commission d’enquête internationale présidée par l’intellectuel américain John Dewey, devant laquelle il soumit publiquement tous ses faits et gestes, et qui conclut à la fausseté des accusations portées contre lui lors des procès de Moscou. Cette conclusion était, certes, de peu de poids face à l’énorme machine de la calomnie stalinienne - conjugaison d’un pouvoir d’État, de l’ensemble des partis communistes et de nombre d’intellectuels amis de l’URSS -, mais elle revêtait une importance morale considérable dans la lutte qu’il menait pour dégager de ces flots de boue, tant sa personne elle-même que les idées et le combat des marxistes révolutionnaires. L’un et l’autre ne se séparent pas. Toute sa vie consciente, depuis ses 17 ans - l’âge auquel il devint, en 1896, militant de la social-démocratie russe alors en formation - jusqu’à sa mort, Trotsky a constamment participé au combat pour l’émancipation des opprimés. Comme le furent des milliers d’autres, appartenant à cette génération de militants qui avaient préparé la révolution russe et que Staline devait faire disparaître intégralement, pour imposer l’usurpation par la bureaucratie d’une révolution et d’idées dont elle était le fossoyeur. Beaucoup de ces femmes et de ces hommes menèrent, aux côtés de Trotsky, la lutte pour la révolution internationale face à la bureaucratie stalinienne. Et quand celle-ci fit de la violence et de l’assassinat une politique, refusant d’abdiquer et de passer aux aveux, ils disparurent sans bruit, sans procès public. Plus nombreux furent ceux qui ont été brisés moralement par la force de la réaction montante, conduits à se renier eux-mêmes avant d’être, eux aussi, éliminés physiquement.

Le parti de Lénine et de Jaurès
Lénine et Trotsky furent seulement deux des représentants les plus remarquables de cette génération, du fait de leur compréhension, de leur psychologie, du rôle qu’ils jouèrent dans les événements. Mais ils avaient en commun avec ces milliers d’autres l’engagement de toute une vie dans le combat de la classe ouvrière, pour le socialisme. Lénine concentra son action sur la construction d’un parti révolutionnaire en Russie pendant la plus grande partie de sa vie, alors même qu’il passa celle-ci en exil et avait une bonne connaissance du mouvement ouvrier de l’Europe occidentale. Son ambition avait été précisément d’élever le parti russe au niveau du reste de la social-démocratie internationale. « Combien d’entre nous savent ce que c’est que l’Europe, ce que c’est que le mouvement ouvrier ? », disait-il à Trotsky en 1922, lorsqu’il voyait avec désespoir les traits de l’État tsariste, la morgue de sa bureaucratie paraître sous le « vernis communiste », comme lui-même le disait. Trotsky, que les conceptions de Lénine sur le parti n’avaient pas encore convaincu - il rejoindra le Parti bolchevique au cours de la Révolution russe -, s’était impliqué davantage dans la vie propre du mouvement ouvrier d’Europe et des États-Unis. La connaissance qu’il en avait, les liens qu’il y avait tissés lui ont été probablement d’une utilité, qu’on ne mesure pas toujours suffisamment, dans son combat à la tête de l’Opposition de gauche internationale puis, à partir de 1933, pour la construction de la IVe Internationale. L’apport de Trotsky est considérable. Dès 1905, il avait formulé la théorie de la révolution permanente, qui a prouvé sa validité après la Russie, en Chine, en Espagne, puis, lors de la vague révolutionnaire qui a succédé à la Deuxième Guerre mondiale dans les pays coloniaux. Le rôle de Trotsky a été « irremplaçable » - comme lui-même le pensait à juste titre - pour préserver les idées du marxisme révolutionnaire, défigurées par le stalinisme. Il y a contribué, en particulier par l’analyse de la dégénérescence de la Révolution russe et du stalinisme. Mais il faut y ajouter la part qu’il a prise dans les luttes sociales et politiques de l’Europe et des États-Unis au cours des années trente, le nombre d’expériences concrètes ou de problèmes tactiques qui se sont posés alors et qu’il nous permet de comprendre, le combat mené pour construire un parti qui aurait réuni en quelque sorte à la fois Lénine et Jaurès. L’inégalité des forces en présence, l’énorme poids de la réaction stalinienne, contrecoup de la violence de la réaction bourgeoise aux lendemains de la vague révolutionnaire des années 1917-1920, l’ont empêché de mener cette tâche à bien. De ce combat, il nous reste un précieux capital, irremplaçable au moment où l’effondrement du stalinisme crée les conditions d’une renaissance du mouvement ouvrier.

Galia Trépère
Barikad
 
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Message par Gaby » 03 Sep 2005, 20:46

:huh:
Je suis perplexe. Je dois me tromper...
J'ai la comprenette enrayée, ou bien Galia dit que Trotsky voulait faire dans les années 30 de la 4ème Internationale une organisation réunissant révolutionnaires et réformistes ? Un parti centriste en gros... correspondant au projet actuel de la Ligue.
En raison d'un adversaire Stalinien trop fort, il aurait fallu (et il faudrait toujours) un parti regroupant révolutionnaires et une nouvelle génération de réformistes (je vois mal Galia parler des descendants soc'dém' de Jaurès).

C'est ça que retient l'article dans son dernier paragraphe ?

J'ai tort, non, c'est pas ça qui est écrit quand même ?

Ou alors j'ai jamais rien compris à l'idée de front unique en m'imaginant qu'il ne s'agissait pas d'un parti ?

Ou Jaurès c'est le pendant à l'ouest de Lénine ?

Pitié éclarcissez ma triste perplexité, je ne voudrais pas rester avec l'impression que c'est n'importe quoi.
Gaby
 
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Message par Ottokar » 04 Sep 2005, 08:00

Je ne suis pas toujours très bon en interprétation de texte, mais j'ai l'impression que celui-là, comme tout ce qu'écrivent nos camarades de la LCR en ce moment, est à double sens, à double détente.

Sur le plan historique, formellement, tout n'est pas faux. Jaurès est une haute figure du mouvement ouvrier français et international, un symbole de la lutte de classes et de l'opposition à la guerre, opposition qu'il a payée de sa vie. Sa mort contraste vivement avec la boue dans laquelle se sont vautrés ses anciens camarades, Guesde, Vaillant, Sembat, ministres au moment de la grande boucherie de 14. En même temps, Jaurès symbolise l'époque de la construction d'un vaste mouvement ouvrier contestataire, de masse, en France comme en Europe.
Il est arrivé à Arlette de se référer au socialisme de l'époque de Jaurès pour l'opposer à Fabius, Jospin ou Mitterrand. En ce sens, oui, Lénine (un parti de type bolchévique, l'opposition résolue au système, la révolution) + Jaurès (le parti de masse, l'éducation, l'opposition), cela peut résumer ce que nous voulons faire.

Mais en même temps, non seulement Jaurès a des côtés faibles, que Trotsky est le premier à souligner dans ce beau texte qui évoque sa personalité, mais parler de Jaurès aujourd'hui c'est employer des images qui ne choquent pas des socialos un peu critiques mais pas trop : l'unité du parti (1905) la démocratie et le parlementarisme...
Comprend qui peut.

Cela dit, la rédactrice de Rouge parle de Lénine et Jaurès, là où Besancenot aurait sans doute parlé de Louise Michel, Zapata, du sous-commandant Marcos... et de Jaurès ! Mais elle risque de recevoir une volée de bois vert dans un prochain numéro. Lénine ! Trotsky ! des références, il y en a tellement d'autres... et de tellement mieux ! plus "démocratiques"... bon, j'arrête, c'est un procès d'intention.

je mets en lien le texte de Trosky sur Jaurès
Ottokar
 
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Message par com_71 » 04 Sep 2005, 10:10

(Galia Trépère a écrit :Le parti de Lénine et de Jaurès

[...] Lénine concentra son action sur la construction d’un parti révolutionnaire en Russie pendant la plus grande partie de sa vie, alors même qu’il passa celle-ci en exil et avait une bonne connaissance du mouvement ouvrier de l’Europe occidentale. Son ambition avait été précisément d’élever le parti russe au niveau du reste de la social-démocratie internationale. « Combien d’entre nous savent ce que c’est que l’Europe, ce que c’est que le mouvement ouvrier ? », disait-il à Trotsky en 1922, lorsqu’il voyait avec désespoir les traits de l’État tsariste, la morgue de sa bureaucratie paraître sous le « vernis communiste », comme lui-même le disait. Trotsky, que les conceptions de Lénine sur le parti n’avaient pas encore convaincu - il rejoindra le Parti bolchevique au cours de la Révolution russe -, s’était impliqué davantage dans la vie propre du mouvement ouvrier d’Europe et des États-Unis[...]


[...]Le rôle de Trotsky a été « irremplaçable » - comme lui-même le pensait à juste titre - pour préserver les idées du marxisme révolutionnaire, défigurées par le stalinisme. Il y a contribué, en particulier par l’analyse de la dégénérescence de la Révolution russe et du stalinisme. Mais il faut y ajouter la part qu’il a prise dans les luttes sociales et politiques de l’Europe et des États-Unis au cours des années trente, le nombre d’expériences concrètes ou de problèmes tactiques qui se sont posés alors et qu’il nous permet de comprendre, le combat mené pour construire un parti qui aurait réuni en quelque sorte à la fois Lénine et Jaurès. [...]


Sous-jacent à ce texte est l'idée que les traditions de Lénine et Trotsky sont bien distinctes, que Trotsky représentait dans le mouvement ouvrier russe les côtés cultivés et avancés (sic) de la social-démocratie occidentale alors que Lénine était concentré (sic) sur la construction d'un parti révolutionnaire.

Le fait que Trotsky a explicitement inscrit le mouvement trotskyste dans la tradition de Lénine (en revendiquant pour lui le qualificatif "bolchévik-léniniste") est ainsi pour le moins flouté.

Dans ce texte, Galia Trépère ne défend pas le trotskysme, mais fait des concessions à la mode qui présente trotskysme, léninisme et donc communisme comme "ringards".
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par artza » 04 Sep 2005, 14:25

a écrit :pour construire un parti qui aurait réuni en quelque sorte à la fois Lénine et Jaurès


Cette phrase de l'article de Rouge est tout simplement une falsification et un mensonge avec les méthodes habituelles de "pas de bonne tambouille sans embrouille".

Le mouvement pour la IVème inter et sa proclamation en 38 sous l'insistance volontariste constante de LT ne se voulait certainement je ne sais quelle synthèse illusoire, démagogique et pédante entre Lénine et je ne sais qui, mais affirmer et assurer la continuité du bolchèvisme (la marxisme de notre époque) dans une nouvelle organisation internationale.

Que Trotsky ait à divers occasions salué Jaurès et beaucoup d'autres n'en fait pas pour autant un confusionniste et un charlatan qui utilise les idées et les grandes figures pour attrapper les gogos et embrouiller les questions et les réponses.

Tout celà est d'autant plus ridicule qu'il s'agit de justifier la venue hypothétique d'un avorton politique mené par un berger-faucheur-accoucheur-à-la-ferme!
artza
 
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