Je mets dans ce fil des articles LO mais on n'en discute pas ici. Il y a un fil pour cela.
a écrit :
L'espoir n'est ni dans la violence stérile ni dans la résignation
Après la banlieue parisienne, la flambée de violence dans les quartiers populaires s'est répandue dans d'autres villes. Ce n'étaient certainement pas les cyniques propos de Chirac sur "l'égalité des chances" qui pouvaient toucher les jeunes ! Quant à Sarkozy, chaque fois qu'il ouvre la bouche, il propulse dans les rues de nouveaux contingents de jeunes, voire de gamins.
Et il n'est pas dit que le geste, aussi démagogique que provocant, de faire appel à une loi sur l'état d'urgence datant de la guerre d'Algérie influe sur le devenir du mouvement.
Cette flambée de violence est stérile. Brûler les voitures de ses propres parents ou voisins, brûler des autobus qui desservent les quartiers populaires, saccager des écoles maternelles témoigne de la part de ceux qui le font d'une absence de conscience sociale et de solidarité. Rendre la vie plus invivable encore pour les siens, simplement par imitation des autres, n'est pas la seule façon d'exprimer sa colère, et sûrement pas la meilleure.
Mais comment les dirigeants politiques, ceux qui sont au pouvoir comme ceux qui rêvent d'y revenir, pourraient-ils convaincre ces jeunes que, malgré leur vie présente, il y a un espoir d'avenir?
La pauvreté des quartiers transformés en ghettos, le chômage, l'absence criante d'infrastructures n'expliquent pas la forme prise par la révolte mais en constituent le terreau. Comment oser prétendre que l'on fait quelque chose pour les quartiers populaires, lorsque les jeunes qui y vivent constatent jour après jour que rien n'y change, si ce n'est en pire? Et que l'État n'y apparaît que sous la forme, en bas, de contrôles policiers au faciès ou d'interventions massives de CRS, en haut, de ministres méprisants vis-à-vis de tout ce qui est pauvre?
La majorité de droite et l'opposition socialiste se retrouvent aujourd'hui à faire appel, en même temps qu'à la matraque, à "l'idéal républicain". Mais comment les jeunes de ces quartiers pourraient-ils prendre cette République pour idéal, alors qu'elle est faite pour les riches et les puissants? Comment donner en exemple ceux qui s'en sortent par le travail, alors que ceux qui en cherchent n'en trouvent pas?
Comment arracher les jeunes des quartiers populaires à l'influence des petits parasites qui vivent de trafics de toutes sortes, alors que la vie ne sourit qu'aux grands parasites qui dominent la société? Et comment les convaincre qu'il est stupide de brûler des écoles dans les quartiers populaires, alors qu'à côté d'une école brûlée, combien d'autres, indispensables pourtant, n'ont même pas été construites parce que ceux qui nous gouvernent ne consacrent pas d'argent à cela? Pendant qu'il y a des milliards dépensés en faveur des riches, les écoles des quartiers populaires sont surchargées, avec des enseignants dans l'impossibilité matérielle de transmettre à tous ce minimum d'éducation que les familles n'ont pas les moyens de transmettre -ne serait-ce que savoir lire, écrire et même parler correctement.
Les travailleurs n'ont pas à se réjouir de la forme que prend cette explosion, et pas seulement parce qu'ils sont les premiers à en souffrir. La jeunesse, c'est l'avenir. Mais de quel avenir une jeunesse déboussolée peut-elle être l'artisan?
Ce ne sont pas ceux qui nous gouvernent qui peuvent donner un espoir à la jeunesse des quartiers pauvres. Car la seule perspective qu'ils offrent, c'est, au mieux, la réussite individuelle pour quelques-uns et la résignation pour les autres.
Pour que la jeunesse pauvre n'en soit pas réduite à l'alternative entre la résignation dans l'exploitation et la violence stérile, il faudrait que le mouvement ouvrier retrouve sa capacité de lutte et surtout la volonté politique d'incarner vis-à-vis de cette jeunesse un espoir de transformation sociale.
Ce qui se passe dans les quartiers populaires ne signifie pas seulement la faillite d'un gouvernement. Il signifie plus encore la faillite de l'organisation capitaliste de la société, pourrie d'inégalités, d'injustices, et qui ne peut mener la vie sociale qu'à la décomposition.
Arlette LAGUILLER
Editorial du 7/11/2005 des bulletins d'entreprises, légérement remanié en fonction de l'actualité
Lutte Ouvrière n°1945 du 11 novembre 2005
a écrit :
Banlieues - 30 ans de mépris leur sautent à la figure
Reportages, témoignages et interviews ont montré les conditions de vie exécrables dans certaines cités des banlieues ouvrières. Voilà maintenant plus de trente ans que ces conditions se dégradent. Trente années au cours desquelles les gouvernants ont alternativement changé de couleur sans changer de politique.
Au moment de leur construction, dans les années 60, ces cités étaient certes infiniment plus confortables que les bidonvilles et autres taudis dans lesquels nombre de travailleurs étaient contraints de vivre. Mais ce ne sont pas de véritables villes qui furent édifiées. Loin des centres urbains, sans équipements sportifs, culturels ou scolaires et souvent même sans véritables commerces, ce ne furent que des "cités-dortoirs". Au fil des années, elles se sont dégradées sans qu'on leur alloue les crédits suffisants pour les entretenir.
De gauche ou de droite, les politiques ont répondu avec des mots creux et des plans sans moyens. Ils ont successivement parlé de ZUP (zones d'urbanisation prioritaires), puis de ZUS avec S un pour "sensibles". Ils ont aussi créé les ZEP où l'éducation était sensée devenir prioritaire. Côté plans, du temps de la droite d'avant 1981, il y a eu la mise en place d'un programme "habitat et vie sociale". Une fois au pouvoir, la gauche, elle, a créé une "Commission nationale pour le développement des quartiers" puis elle a lancé le "Conseil national des villes", puis la "Loi d'orientation sur la ville", etc. Mais ce ne furent que des coquilles vides.
Certes, en 1996, furent crées les Zones franches urbaines, les "ZFU" appelant à l'implantation d'entreprises dans les quartiers pauvres. Quelques entreprises s'y sont installées d'autant que si la loi leur recommandait d'embaucher 30% de leurs salariés dans ces quartiers, elle leur offrait... une exonération d'impôts, de charges sociales et de la taxe professionnelle. En 2003, la mesure fut reconduite avec la création de nouvelles "ZFU". En région parisienne, en huit ans, elles ont créé, à elles toutes, 3000 emplois. On est loin du compte.
Depuis trente ans, dans les cités les plus pauvres, les immeubles et l'environnement se sont dégradés. Dans le même temps le nombre de chômeurs y a augmenté encore plus vite qu'ailleurs. Tous ceux qui ont pu fuir cet environnement l'ont fait. Si bien que s'y trouvent regroupés les plus pauvres, les plus démunis au milieu desquels de petits marlous pourrissent encore plus l'ambiance avec leurs trafics.
Mais la dégradation de l'habitat n'est rien à côté des conséquences de la dégradation de l'enseignement. Depuis ces trente ans, le nombre d'enseignants dans les écoles maternelles et primaires a diminué par rapport au nombre d'élèves. Pour ces enfants, pour ces jeunes, on n'a pas donné à l'école les moyens d'apporter l'apprentissage d'un minimum de langage permettant de comprendre un raisonnement. On ne leur a pas appris non plus à lire correctement en pouvant assimiler des textes un peu complexes, ce qui avec l'apprentissage de l'écriture pouvait leur permettre d'assimiler l'enseignement primaire voire celui du collège, au lieu d'être en échec permanent. Ce qui les mène à rejeter toute culture qui, croient-ils, ne sert à rien par elle-même.
L'embrasement des quartiers est certes le produit du chômage et de la misère, mais surtout le produit de 30 ans de mépris des gouvernants.
Sophie GARGAN
a écrit :
Le rejet des pauvres
"Faillite du modèle français d'intégration", c'est le semblant d'explication que bien des hommes politiques et beaucoup de journalistes donnent aux violences de ces dernières nuits. Les jeunes de banlieue brûleraient des voitures et des écoles parce que issus de l'immigration, ils ne sont pas "intégrés dans la société française"...
Dans tous les pays et depuis le début du capitalisme, la partie la plus pauvre et la plus exploitée de la classe travailleuse a presque toujours été abandonnée à elle-même, entassée dans des quartiers dont elle n'avait pas les moyens financiers de sortir, victime de tous les préjugés et soumise à la loi des mafias. La hausse du niveau de vie, la résorption partielle de la crise du logement, ne se sont vraiment réalisés que pendant quelques années, entre les années cinquante et soixante-dix, et dans quelques pays, dont la France. Cela n'a d'ailleurs été possible que grâce, entre autres, à l'arrivée constante de travailleurs immigrés, alors jeunes et obligatoirement célibataires et spécialement recrutés pour effectuer les travaux les plus pénibles et plus mal payés.
Aussi, depuis toujours, la bourgeoisie et ses hommes de plume ont considéré la pauvreté comme une tare, et les pauvres comme des corps étrangers, "non intégrés" dans la société. C'est bien de cette "non-intégration"-là, nouveau nom pour la misère et la haine de classe, qu'il est question aujourd'hui. La couleur de peau, le poids supposé des différentes religions, les préjugés de toute nature ne font, pour l'instant, que se surajouter au problème social. Ils n'en sont pas la cause principale.
Cette "non-intégration" dont nous parlent les médias, c'est, concrètement, la situation d'une partie de plus en plus grande du monde du travail.
Le mouvement ouvrier, les partis politiques de gauche, les syndicats doivent offrir à cette jeunesse une véritable solidarité qui donne un débouché à sa colère. Les animateurs sociaux rétribués ne remplaceront jamais cela. Le mouvement ouvrier dispose de volontaires. Il y en a qui se consacrent à offrir des vacances aux plus jeunes comme le Secours Populaire. Si les directions politiques ou syndicales le voulaient, il pourrait y en avoir plus. Il ne s'agit pas de faire la charité mais dès le plus jeune âge, d'offrir toute l'année un milieu culturel qui enseigne la fraternité et la solidarité sociale.
Paul GALOIS
Lutte Ouvrière n°1945 du 11 novembre 2005
a écrit :
Banlieues : Villepin et ses "réponses" éducatives
Ceux qui attendaient des réponses concrètes de l'intervention du Premier ministre le 7 novembre, alors qu'il avait pour seule ambition de tenter de désamorcer la crise dans les banlieues, en sont restés sur leur faim. Sur le problème clé de l'éducation, tandis que les parents, les voisins, les enseignants, les jeunes eux-mêmes stigmatisent les manques criants qui se reflètent dans l'attitude désespérée et absurde de nombreux jeunes des quartiers populaires, Villepin suggère tout au plus deux pistes, censées sans doute attaquer le sujet par les deux bouts.
Des bourses au mérite et des "internats d'excellence" s'adresseraient, pour les récompenser, aux "bons" jeunes, ceux qui poursuivent des études longues et brillantes, ceux pour lesquels déjà on avait réservé des places dans les filières "nobles", comme Sciences-Po. À l'autre extrémité, pour les jeunes qui ne supportent plus l'école, ou qu'elle ne supporte plus, il serait question d'abaisser l'âge de la fin de la scolarité obligatoire de 16 ans, comme la loi l'a fixé depuis 1959, à 14 ans. À partir de cet âge, les jeunes en rupture d'école pourraient donc entrer en apprentissage chez un patron.
Voilà toute l'audace des propositions du Premier ministre! Certes, on ne peut exclure que certains gamins de 14 ans, fâchés avec l'institution scolaire et ses contraintes, voient comme une solution la découverte du monde du travail et l'apprentissage d'un métier, ni que leurs parents puissent préférer cette solution au chômage qui attend leurs enfants. Encore faudrait-il que ces enfants trouvent un artisan ou un patron prêt à les accueillir et à leur consacrer suffisamment de temps et de patience pour les former, et non à profiter de l'occasion pour surexploiter une main-d'oeuvre bon marché.
Mais proposer l'apprentissage à 14 ans comme un progrès, c'est vraiment traiter par le mépris le plus total le problème de l'éducation de cette jeunesse des quartiers pauvres, problème profondément lié à l'impasse sociale dans laquelle le chômage massif érigé en système maintient la grande majorité des enfants et des travailleurs pauvres de ce pays.
Alors que toute une partie de l'éducation, au sens large du terme, est dévolue à l'école, dont le rôle est de compléter, d'élargir ou parfois de compenser ce que la famille a -ou n'a pas- transmis à l'enfant, le fonctionnement de celle-ci est de plus en plus, depuis des années, freiné par des restrictions budgétaires, la plupart du temps à peine voilées par des considérations pédagogiques fallacieuses.
Pour les statisticiens du ministère de l'Éducation comme pour tout un chacun, il est évident que l'insuffisance de moyens dans les quartiers pauvres est la première cause du "grand échec scolaire", ainsi que les spécialistes qualifient la situation des 5 à 7% des jeunes de 17 ans quasiment illettrés, ou des 150000 jeunes qui quittent chaque année l'école sans avoir décroché aucun diplôme et sans aucune qualification. Tous constatent, comme l'ont fait avant eux les parents et les enseignants, que dix années de scolarisation, entre l'âge de 6 ans et la sortie du collège ou du lycée professionnel, n'ont pas permis au jeune de surmonter les handicaps culturels liés à son environnement familial ou social "défavorisé". Mais, au lieu de multiplier les possibilités d'accueil, dès la petite enfance, dès l'âge de 3 ans, des enfants des couches les plus pauvres, dans les quartiers déshérités où le taux moyen officiel du chômage est de 20,7%, on ferme des sections de maternelle et on entasse les petits dans des classes de 25 ou 30 enfants. Une seule institutrice, à certains moments aidée d'une assistante, doit gérer l'apprentissage de plusieurs dizaines d'enfants de langues différentes et leur enseigner, outre l'éveil à leur environnement, le B.A.-BA de la vie collective!
Ni l'école élémentaire où sont inculqués les "fondamentaux" (lire, écrire, compter) dont les derniers ministres de l'Éducation ont fait tant de cas, ni le collège, ne disposent des moyens réels nécessaires à donner à ces jeunes les outils et le goût pour apprendre et se forger eux-mêmes une curiosité qui nourrira leur culture. Des moyens en locaux mais surtout en adultes nombreux, formés, motivés, enseignants de toutes matières, éducateurs et bibliothécaires, personnels d'entretien, tous pouvant contribuer à transmettre à de petits groupes de jeunes les règles élémentaires de vie en société, le sens de la solidarité sociale et aussi la capacité à apprendre qui leur permettra de poursuivre des études choisies.
D'autant que ces jeunes des quartiers pauvres que les ministres découvrent les uns après les autres avec un certain dégoût, qu'ils les baptisent "sauvageons" ou "racailles", n'ont pas aujourd'hui la perspective, après des études même du niveau de l'ex-certificat d'études primaires, de trouver un emploi permettant d'accéder à l'indépendance financière à laquelle ils aspirent.
Viviane LAFONT
Lutte Ouvrière n°1945 du 11 novembre 2005
a écrit :
Le Parti Socialiste solidaire de Villepin et Sarkozy
Face à la vague de violences qui ravagent les banlieues, Hollande, premier secrétaire du Parti Socialiste, "ne veut rien faire qui puisse empêcher le gouvernement de retrouver les conditions d'un retour à l'ordre". Selon les mots de Peillon, autre responsable socialiste, "demander la démission de Sarkozy, serait donner raison aux émeutiers" et le PS va être "vigilant" sur l'application de l'état d'urgence.
La démission de Sarkozy ne changerait sans doute pas grand-chose à la situation. Mais s'empresser de déclarer à ce propos qu'il ne faut pas "donner raison aux émeutiers", c'est de fait se solidariser avec le gouvernement. La seule manifestation d'opposition du PS consiste à demander l'organisation, "d'urgence", d'un débat parlementaire. Curieuse manière de calmer la situation. Imagine-t-on les jeunes des cités, à la nouvelle que le débat parlementaire sur la situation est enfin ouvert, s'asseoir sagement autour d'une télévision pour le suivre sur FR3? Et la BAC et les CRS attendre d'avoir lu les comptes-rendus dans le Journal Officiel pour savoir s'ils doivent matraquer plus ou moins fort?
Certes le PS dit que c'est la politique menée depuis trois ans par la droite qui est la cause de cette situation. Mais il ne le dit pas trop fort, car, si c'est bien Sarkozy qui a approché l'allumette, la matière inflammable s'était accumulée depuis très longtemps, sous les gouvernements de droite comme sous les gouvernements de gauche. Le chômage de masse et le désinvestissement dans les services publics se sont poursuivis sans discontinuer sous tous les gouvernements; le niveau de vie et les conditions de logement des classes populaires n'ont cessé de se dégrader. De cela, le PS est aussi comptable que la droite.
Comme la droite, et pour les mêmes raisons, le PS ne veut, ni ne peut, mettre en oeuvre les moyens matériels pour améliorer la vie des classes populaires, c'est-à-dire, avant tout, résorber le chômage. Il n'est évidemment pas question non plus que le PS propose à la population de se battre pour arracher elle-même les moyens de changer les choses, ni même pour défendre le peu qu'elle a.
Alors, les responsables du PS savent que, s'ils retournent au gouvernement, il ne leur restera à eux aussi que la matraque, le couvre-feu et la répression tous azimuts. Et aujourd'hui ils se retrouvent au fond solidaires du gouvernement Villepin. Derrière Chirac, encore une fois.
Paul GALOIS
Lutte Ouvrière n°1945 du 11 novembre 2005
a écrit :
Le sentiment de révolte en Seine-Saint-Denis... et la responsabilité de Citroën
La situation de l'emploi apparaît en toile de fond de la révolte des jeunes de banlieue. Mais le silence règne sur la responsabilité sociale des grandes entreprises.
Un exemple est particulièrement parlant: celui de l'usine Citroën, en Seine-Saint-Denis justement. Depuis quinze ans, Peugeot Citroën Automobiles (PCA) à Aulnay-sous-Bois pratique une politique massive de recrutements en intérim ou CDD. Le but était évidemment d'augmenter la productivité par poste de travail, pour dégager le maximum de profits. Et il est atteint puisque l'usine d'Aulnay est la plus rentable du groupe PCA France.
Dans l'entreprise sont passés plus de 14000 précaires, des jeunes en général de Seine-Saint-Denis. Certains ont vu leurs contrats de travail renouvelés pendant des années, jusqu'à trois ans et demi, voire quatre ans, sans jamais être embauchés en fixe.
Il y a deux ans, 18 ouvriers et le syndicat CGT de l'entreprise ayant traîné le patron en justice, celui-ci a été condamné pour abus de travail précaire et abus de renouvellement de contrats de mission d'intérim. Citroën n'a cependant pas voulu requalifier les contrats précaires en contrats fixes, préférant encore indemniser les travailleurs. Il est vrai que ces indemnités sont rarement allées au-delà de 50000 F (entre 7000 et 8000 euros).
Depuis, le patron a quand même embauché en CDI 450 à 500 jeunes, mais il en reste encore environ un millier en précaire (il y a eu jusqu'à 1800 intérimaires pour un effectif de 6900 employés).
L'entreprise phare du département se sent toujours au-dessus des lois et entend rester le maître dans ses ateliers. Quitte, après avoir écrémé la jeunesse du département, comme l'a déclaré un responsable de l'usine il y a quelques années, à aller en grande banlieue pour trouver de la main-d'oeuvre... à faire travailler toujours en intérim, et dans la précarité, bien sûr.
C'est ainsi qu'on trouve en Seine-Saint-Denis de nombreux jeunes qui ont fait toutes les boîtes d'intérim, du département et d'autres, sans pouvoir trouver un emploi fixe. Depuis des années, ils sont devenus des travailleurs itinérants, sans perspective d'améliorer leur vie, passant de l'intérim au chômage puis au RMI et pour certains à la rue.
Les responsables politiques nationaux, régionaux, départementaux, municipaux, de droite ou de gauche, qui ont versé des aides à l'emploi à tous les patrons, ont donc laissé les employeurs, petits ou grands, faire surgir des dizaines de milliers de mécontents, des jeunes et des moins jeunes, dans les cités situées non loin des portes de leurs entreprises.
Et pas seulement parmi les ouvriers qualifiés et non qualifiés. Il suffit de voir certains de ces jeunes (une minorité pourtant), diplômés bac+2 et même bac+3, exploités en tant que stagiaires et se sentant obligés de se masquer la figure, lorsqu'ils sont interviewés et dénoncent leur vie misérable dans les entreprises qui ne les payent même pas au smic.
Correspondant LO
a écrit :Villepin-Sarkozy et l'état d'urgence : Solution se prononce répression
La loi du 3 avril 1955, à laquelle le gouvernement vient d'avoir recours pour, dit-il, répondre à la flambée de violence dans les banlieues, a été promulguée au début de la guerre d'Algérie. Après la déclaration de l'état d'urgence en Conseil des ministres, elle donnait -et donne toujours- pouvoir aux préfets "d'interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté; d'instituer, par arrêté, des zones (...) où le séjour des personnes est réglementé; d'interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics".
Quelques mois après l'insurrection des nationalistes algériens, le 1er novembre 1954, qui marqua le début de la guerre d'indépendance de l'Algérie, la promulgation de l'état d'urgence en avril 1955 (par le gouvernement du radical Edgar Faure) signifia un pas supplémentaire dans la répression contre les Algériens, y compris en France. En septembre 1958, à Paris et dans la région parisienne (dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise, à l'époque) ainsi que dans le département du Rhône, cette loi permit l'instauration d'un couvre-feu contre tous les "Nord-Africains" par le gouvernement de Gaulle (pourtant les Algériens étaient considérés comme français).
En octobre 1961, également en vertu de la même loi, le préfet de Paris Maurice Papon, instaurait un couvre-feu qui ne s'appliquait qu'à ceux que le gouvernement désignait alors comme les "Français musulmans d'Algérie". Contre ce couvre-feu, les Algériens manifestèrent le 17 octobre 1961 au soir, tandis que la police, à laquelle le préfet Papon avait donné carte blanche, se déchaînait, faisant de nombreux morts et encore plus de blessés, y compris graves, parmi les manifestants.
Cette loi fut également utilisée contre les indépendantistes de Nouvelle-Calédonie, qui contestaient le résultat des élections territoriales de novembre 1984. À la suite de manifestations importantes et de la répression qui fit plusieurs morts dans les rangs des indépendantistes, l'état d'urgence était proclamé et le couvre-feu instauré en janvier 1985 sur l'ensemble du territoire de Nouvelle-Calédonie. Il ne fut levé qu'au mois de juin suivant, peu avant le référendum d'autodétermination prévu en juillet 1985.
En ayant recours aujourd'hui à cette loi sur l'état d'urgence, Villepin et Sarkozy annoncent la couleur. Sarkozy se félicitait, au moment de recevoir les préfets, d'avoir "maintenant la possibilité d'être encore plus efficaces". Efficaces? Voire. En tout cas, certainement pas pour la résolution des problèmes qu'exprime l'explosion de colère actuelle.
Lucienne PLAIN
Lutte Ouvrière n°1945 du 11 novembre 2005
a écrit :Arlette Laguiller au gymnase Japy (extraits) : Des crédits à l'Éducation nationale, plutôt que des cadeaux aux patrons !
"On nous parle d'intégration de la jeunesse des quartiers populaires. Chirac a même osé parler "d'égalité des chances"! Mais, dans les cités populaires, où les familles viennent de dizaines et de dizaines de pays différents, les parents n'ont pas les moyens ni matériels ni culturels de transmettre même un minimum d'éducation, savoir lire, écrire et parler correctement. Cela constitue pourtant une condition élémentaire de toute intégration. Ce serait à l'État d'assumer sa responsabilité. Ce serait à l'État d'embaucher et de former des enseignants en nombre suffisant, à commencer dans les écoles maternelles et les écoles primaires. II faudrait des effectifs d'élèves peu nombreux, une douzaine par enseignant, pour qu'ils puissent faire correctement leur travail et que les enfants puissent trouver à l'école ce qu'ils ne peuvent pas trouver dans leur milieu familial. Faute de ce minimum, les enfants des pauvres n'ont aucune chance de surmonter le handicap qui est le leur dès leur petite enfance (...).
II y a, dans ce pays, des dizaines de milliers de jeunes, Bac + 2, Bac + 3, ou avec des diplômes universitaires complets, qui ne trouvent pas de travail mais qui pourraient se consacrer à éduquer ces jeunes et être formés pour cela. Mais non! L'Éducation nationale se débarrasse même des auxiliaires et des vacataires qui ont des années d'expérience.
L'État ne veut pas consacrer d'argent à tout cela. Il préfère faire des cadeaux fiscaux aux PDG des grandes sociétés. Combien d'instituteurs supplémentaires pourrait-on payer rien qu'avec ce que les récents allégements sur l'impôt sur la fortune rapportent au PDG de Total ou à l'ex-PDG de Carrefour et à quelques autres du même acabit ?
Et on s'étonne après que les jeunes de banlieue, jusqu'aux enfants, aient perdu toute notion de solidarité, tout sens social et que, pour s'exprimer, ils s'adonnent à cette violence stérile, dont les principales victimes sont leurs propres parents ou leurs proches !