Lettre à un ami américain

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Front Unique » 16 Nov 2005, 21:41

Informations ouvrières N° 718 - Semaine du 17 au 23 novembre 2005


Lettre à un ami américain


Ainsi donc, la presse américaine présente-t-elle la France sous un jour apocalyptique. Certains éditorialistes, me dis-tu, s’en donnent à coeur joie sur « l’échec du modèle français : liberté, égalité, fraternité ».

De cette affirmation, ils concluent qu’il faut aller encore plus loin dans la dislocation de tous les principes de 1789, dans la remise en cause d’un « Etat social », dénoncé comme « beaucoup trop généreux », dans la déréglementation du Code du travail et dans l’éclatement de la société en « communautés » (1).

Mais aucun ne dit cette vérité pourtant indiscutable : c’est le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l’Union européenne qui ont dicté toutes les politiques appliquées en France depuis vingt-cinq ans.

22,4 % des jeunes de 15 à 24 ans sont au chômage. Dans ce que le gouvernement appelle les « zones urbaines sensibles », ce pourcentage approche les 40 % !

Et les autres ?

Deux embauches sur trois dans le privé se font en contrat à durée déterminée (d’une durée variant de 2,5 à 11 mois). A cela, s’ajoutent les stages, les « emplois aidés », les « contrats de travail temporaire », le « temps partiel » imposé. Au total, l’immense majorité des jeunes dans ces « zones sensibles » a le sentiment — justifié — d’être condamnée à une précarité sans fin !

Echec du modèle républicain hérité de la Révolution française ? Non ! Résultat d’une politique menée avec constance par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, depuis plus de vingt ans en application des exigences de l’Union européenne et du Fonds monétaire international.

Les contrats à durée déterminée n’existaient pas il y a vingt-cinq ans.Toutes ces formes de précarité ont été développées comme source de travail surexploitable, échappant aux garanties collectives des salariés.

Pour cela, on s’en est pris également à la qualification de la jeunesse. De 1985 à 2004, ont été fermés 25 % des lycées professionnels (qui permettent d’obtenir un diplôme professionnel, meilleur moyen d’obtenir un contrat de travail à durée indéterminée).

Faut-il poursuivre ? Faut-il évoquer les écoles primaires et maternelles (15 % ont été fermés en vingt ans) ?

Faut-il évoquer les hôpitaux (10 % ont fermé en dix ans, un tiers des capacités d’accueil supprimé) ?

Et l’on pourrait parler des services publics, de la Sécurité sociale, de toutes ces institutions qui ont fait naguère la cohésion et l’unité sociale de la classe ouvrière et de la jeunesse, produit de la lutte de classe, et que les gouvernements successifs se sont attachés à défaire.

Toutes ces statistiques découlent de mesures, de lois, de contre-réformes, qui portent les noms de ministres, « de droite » ou de « gauche » selon les années, mais toujours exécutants zélés des directives européennes.

Faut-il chercher ailleurs les racines sociales des événements ? N’est-ce pas pour en finir avec cette politique que l’immense majorité, le 29 mai, en France, a rejeté la « Constitution » européenne ? (N’est-ce pas d’ailleurs le même mouvement qui a conduit l’électorat de Californie, le 8 novembre dernier, à balayer les projets de lois antisyndicales et anti-services publics du gouverneur Schwarzenegger, un résultat que la presse a qualifié de « victoire de l’unité ouvrière et syndicale » ?)

Les coupables, ce sont les politiques qui se sont attachées à détruire l’égalité républicaine et les conquêtes sociales. Mais pas la République elle-même, qui, dès son origine, garantissait que « le but de la société est le bonheur commun », que « le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles » et que « la loi doit protéger (…) contre l’oppression de ceux qui gouvernent ».

Ces lignes de notre Constitution de 1793 s’inspiraient de votre « Déclaration d’indépendance », qui, en 1776 (2), affirmait : « Tous les hommes naissent égaux ; (…) dotés de droits inaliénables, parmi lesquels la Vie, la Liberté et la Recherche du bonheur » ; et que, « pour garantir ces droits, des gouvernements sont institués parmi les hommes, dont les justes pouvoirs émanent du consentement des gouvernés » ; et enfin que, « si un gouvernement, quelle qu’en soit la forme, vient à méconnaître ces fins, le peuple a le droit de le modifier ou de l’abolir et d’instituer un nouveau gouvernement ».

Reconquérir 1793 en France, reconquérir 1776 aux Etats-Unis, n’est-ce pas cela, chez vous comme chez nous, la reconquête de la démocratie ?


DANIEL GLUCKSTEIN


(1) Lire notre revue de presse, page 3.
(2) Parmi les rédacteurs de cette déclaration, Benjamin Franklin, ultérieurement
ambassadeur en France, à l’époque où les Etats-Unis « exportaient » la révolution et
la démocratie.
Front Unique
 
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Message par gerard_wegan » 16 Nov 2005, 23:41

:wacko:
gerard_wegan
 
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Message par Gaby » 16 Nov 2005, 23:54

Accusé de réception.


Cher Daniel,
tu dis n'importe quoi.
Amicalement,
Gaby

Post Scriptum. Je devrais quand même t'expliquer pourquoi. Mon passeport ne dit pas que je suis américain, et manger un sandwich Subway tous les midis ne fait pas de moi une autorité. Mais il se trouve que je suis au moins un peu versé dans la question qui t'intéresse ici. Par ailleurs le Wisconsin est enneigé pour la première fois, et je préfère autant m'occuper au chaud chez moi en te répondant. Je ne te cacherai pas que j'ai rigolé. Oui Daniel, en te lisant à nouveau, j'ai un peu retrouvé cet arrière-gout rance que me laissait ta publication hebdomadaire à l'honneur de la République. Je ne saurais jamais combien te remercier. Si je n'avais pas vu ta signature, je n'aurais jamais su que je devais ma nostalgie à un camarade internationaliste !
Tu as raison de protester contre la fermeture des hôpitaux, contre les baisses d'effectif dans l'éducation, contre la destruction progressive de la Sécurité sociale, contre le démantèlement des services publics, contre le chômage et plus particulièrement celui des jeunes. La société est malade, et les symptômes ne manquent pas. Il faut le reconnaître, tu fais un très bon travail en les répertoriant, les exposant et les dénonçant, semaine après semaine. C'est tout à ton honneur et c'est en mettant les consciences à l'épreuve des faits calamiteux que l'on pourra sans doute défendre notre colère. Mais alors en ce qui concerne la perspective politique qui répond au diagnostic, tu n'y es mais alors pas du tout. En ce qui concerne les Etats-Unis, c'est sans doute dû soit à une façon malhonnête de polémiquer (projetant à un interlocuteur américain tes inquiétudes nationalistes), soit à une ignorance des "débats" faisant causer les patriotes comme les médias du pays.

Des violences en France, les conservateurs ne comprennent pas l'échec de la République et de la Révolution de 1789. Ils y voient l'échec du "welfare", d'un système d'assistanat de la population qui ne peut amener que la décadence et la déshumanisation. Les casseurs sont pour eux des animaux que le RMI a enfanté en ne leur faisant pas assez expérimenter la vie à la dure. Ce serait des personnes à la fois entretenues et en même temps délaissées, tant elles sont dépendantes de prestations sociales gratuites injustifiées et tant elles sont victimes de la pauvreté résultant d'un modèle économique faible. Ce qu'il faudrait selon la droite et la gauche bourgeoise américaine, c'est un monde "marche ou crève", suivant les traces du "rêve américain" où celui qui réussit, c'est celui qui mérite. Nos camarades de la LCR diraient l'ultra-libéralisme. Toi tu parles de démantèlement de la République. Nos camarades de LO diraient qu'ils défendent le capitalisme et montreraient dans quelle mesure c'est aussi une réalité en France. Ce que les conservateurs veulent critiquer, c'est tout ce qui nous écarte de Germinal. Ils mènent leur lutte de classe.

Si tant est que c'est contre une étiquette que les faiseurs d'opinion se battent ici (à tort ou à raison), c'est contre ce qui constitue les éléments de "socialisme" infiltrés dans le modèle français, et non pas contre l'héritage des Républiques qui n'ont jamais été les nôtres (pour les références, consulte par exemple les productions littéraires ou télévisées d'Ann Coulter ou de Bill O'Reilly). Quand je dis "socialisme", je leur emprunte le mot. Entre deux arguments sur l'infériorité des femmes et la meilleure façon d'assurer la suprématie de l'impérialisme américain, il n'est pas rare d'entendre que la France est le dernier pays bolchevik, dans la bouche des éditorialistes Républicains. Si tant est qu'ils parlent de "liberté, égalité, fraternité", c'est pour mieux moquer non pas l'organisation républicaine de la société française mais les résultats de la politique "sociale" de leurs concurrents capitalistes. Et même chez les radicaux de gauche subsiste l'idée fausse que la vie en France est largement plus facile, non pas gràce à la République mais en raison de notre "mentalité", ou mieux, des luttes ouvrières. Bref, la tête de Louis XVI est loin.

Tout ton travail d'illusioniste consiste à tirer un trait d'égalité entre la République (la Première qui plus est ! quel folklore !) et les quelques protections que la classe ouvrière a arraché ou que la conjoncture a forcé. Mais que ce soit celle de Robespierre, de Napoléon III, de De Gaulle ou celle de Vincent Auriol, il n'est pas ici de modèle passé que nous devons défendre. Pire encore, tu inventes aussi une ligne politique à suivre pour les camarades américains :
"Reconquérir 1793 en France, reconquérir 1776 aux Etats-Unis, n’est-ce pas cela, chez vous comme chez nous, la reconquête de la démocratie ?".
Mais Daniel, 1776 est partout aux Etats-Unis ! Le drapeau de la Révolution est devant les maisons. A 5 ans les écoliers apprennent par coeur le serment d'allégeance. Tout le monde connait l'hymne national. Les grands révolutionnaires ont droit à une montagne à leur effigie. Et plus révélateur encore, à droite comme à gauche, des conservateurs aux libéraux, tout le monde réfléchit aux questions politiques en se demandant "Qu'auraient fait les Founding Fathers ?".
Enfin, ne serait-ce que pour l'honnêteté historique, il s'agirait aussi de se rappeller ce qu'était 1776 : l'ouverture du cycle des révolutions bourgeoises, par le soulèvement de la nouvelle classe dominante américaine, débarassée de la tutelle monarchique anglaise, qui construit une nouvelle nation sur le sang du génocide des Indiens d'Amérique et la sueur des esclaves et des pauvres indentured servants.


Bref Daniel, tes conneries républicaines, c'est fini depuis 1848, l'année lors de laquelle le mouvement ouvrier a cessé d'être l'aile gauche du Républicanisme dans le combat contre les différentes autocraties. Dès lors, et malgré les nombreuses périodes de recul essuyées par notre classe, jamais n'avons-nous eu besoin d'entretenir une nostalgie malvenue pour l'oeuvre, glorieuse mais tellement dépassée, de notre ennemi, la bourgeoisie. Elle constitue une de ses formes idéologiques les plus réactionnaires, ramenant non plus le combat à celui des travailleurs du monde entier, mais à celui d'une population pour sa nation. Ca ne tient pas. Tu le sais.
En espérant des articles où tu fournis un peu plus d'effort et de rigueur, et moins une tactique contraire au titre de ton journal, je te salue camarade.
Gaby
 
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Message par gerard_wegan » 17 Nov 2005, 00:01

C'est marrant, je ne suis pas toujours en désaccord avec Gaby. :smile:
Amicalement,
Gégé.
gerard_wegan
 
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Message par gipsy » 17 Nov 2005, 11:25

:sygus: :t3xla: :sygus:
gipsy
 
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Message par com_71 » 18 Nov 2005, 09:43

(Gaby @ mercredi 16 novembre 2005 à 23:54 a écrit : "Reconquérir 1793 en France, reconquérir 1776 aux Etats-Unis, n’est-ce pas cela, chez vous comme chez nous, la reconquête de la démocratie ?".
Mais Daniel, 1776 est partout aux Etats-Unis ! Le drapeau de la Révolution est devant les maisons. A 5 ans les écoliers apprennent par coeur le serment d'allégeance. Tout le monde connait l'hymne national. Les grands révolutionnaires ont droit à une montagne à leur effigie. Et plus révélateur encore, à droite comme à gauche, des conservateurs aux libéraux, tout le monde réfléchit aux questions politiques en se demandant "Qu'auraient fait les Founding Fathers ?".

En lisant ce passage je me demande si "le droit à l'insurrection" qui figure dans la déclaration d'indépendance correspond à quelque chose pour "l'américain moyen" ?

Pour comparaison en France nombreux connaissent le vers : "Qu'un sang impur abreuve nos sillons", sans jamais avoir réfléchi à sa signification.

Le droit à l'insurrection figure aussi dans "notre" déclaration des droits de l'homme version 93 (on sait ce qu'il en a été en Juin 1848 et pendant la Commune de Paris) mais là il est clair que ce fait est pratiquement inconnu.

(déclaration d'indépendance 4 juillet 1776 a écrit :Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui lui paraitront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur. La prudence enseigne, à la vérité, que les gouvernements établis depuis longtemps ne doivent pas être changés pour des causes légères et passagères, et l'expérience de tous les temps a montré, en effet, que les hommes sont plus disposés à tolérer des maux supportables qu'à se faire justice à eux-mêmes en abolissant les formes auxquelles ils sont accoutumés. Mais lorsqu'une longue suite d'abus et d'usurpations, tendant invariablement au même but, marque le dessein de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur sécurité future. Telle a été la patience de ces Colonies, et telle est aujourd'hui la nécessité qui les force à changer leurs anciens systèmes de gouvernement. L'histoire du roi actuel de Grande-Bretagne est l'histoire d'une série d'injustices et d'usurpations répétées, qui toutes avaient pour but direct l'établissement d'une tyrannie absolue sur ces États.



(Déclaration Française des Droits de l'Homme et du Citoyen du 24 juin 1793 a écrit :Le peuple français, convaincu que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme, sont les seules causes des malheurs du monde, a résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, ces droits sacrés et inaliénables, afin que tous les citoyens pouvant comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer, avilir par la tyrannie ; afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de son bonheur ; le magistrat la règle de ses devoirs ; le législateur l'objet de sa mission.
En conséquence, il proclame, en présence de l'tre suprême, la déclaration suivante des droits de l'homme et du citoyen.
Article premier
Le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la puissance de ses droits naturels et imprescriptibles.
Article 2
Ces droits sont l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété.
Article 3
Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi.
……………………
Article 25
La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable.
Article 26
Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblée doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté.
Article 27
Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres.
Article 28
Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.
Article 29
Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi et à la nomination de ses mandataires ou de ses agents.
……………………
Article 33
La résistance à l'oppression est la conséquence des autres Droits de l'homme.
Article 34
Il y a oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.
Article 35
Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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com_71
 
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Message par Crockette » 18 Nov 2005, 12:26

je vais faire court contrairement à Gaby (mais qui a raison à 100%)

Ce ne sont pas les nations qui oppressent les travailleurs mais bien les capitalistes qui se cachent derrière elles.

les américains ne me dérangent pas, c'est leur politique du "tout fric" basée sur des valeurs à la con, néo religieuse qui me dérange : croire que si l'on est devenu riche c'est grace à dieu et si on est devenu pauvre c'est parce que necessairement on a du faire une faute ds sa vie donc dieu s'est détourné de nous".

Alors nous français on devrait prendre de haut les américains car notre système social selon front unique a reposé sur des valeurs républicaines...(car aujourd'hui meme à droite on reconnait que la république est balayé par l'ultra libéralisme)

Mais front unique, nous sommes tous des filles et fils de la république, des enfants de la république, et c'est bien cela qui nous protègera du capitalisme ?
Crockette
 

Message par Gaby » 22 Nov 2005, 05:19

On en parlait brièvement en privé avec com_71 la semaine dernière, et depuis je me suis un peu renseigné en demandant à des gens autour de moi ce qu'ils savent de tout ça. Personne n'était vraiment très au fait du "droit à l'insurrection" formulé ainsi, même les universitaires. Les Américains sont versés dans l'histoire de la Révolution depuis le biberon en réalité, mais avec bien sûr une lecture particulière.
Ils apprennent par coeur le Pledge of Allegiance to the United States Flag, le serment fait au drapeau, dès la maternelle. Il en va de même pour l'hymne national. La Déclaration d'Indépendance est étudiée en "4th grade", ce qui correspond à notre CM2 (l'élève a environ 10 ans). A cet âge-là, les gosses n'en retiennent que le fait que leurs ancêtres (en fait les riches colons blancs, ce qui est presque aussi con que parler des Gaulois pour les Français) déclarent la guerre au roi d'Angleterre. Les idéaux des Lumières sont bien loin de l'esprit d'un gamin de cet âge...

Mais il y a tout de même quelque chose qui différencie les Américains des Français quant à la façon dont ils appréhendent la Révolution Bourgeoise. En politique, toutes les organisations réfléchissent en se revendiquant des Founding Fathers. Par exemple la gauche radicale libérale (les réformistes) se sert de ces textes quasiment comme des références programmatiques et vont s'appuyer sur la Constitution pour défendre la liberté d'expression absolue. On pourrait dire que c'est un peu la même chose en France avec la "République" par ci par là, mais l'étiquette est vraiment au centre du débat aux Etats-Unis. C'est vraiment sensible. Pour donner un équivalent, il faudrait imaginer Chirac et Hollande disant que "Danton n'aurait pas fait cela" ou que, disons le couvre-feu pour donner un exemple brulant ( :hinhin: ) , est ce que Robespierre aurait appliqué.
Ce n'est pas nouveau. Lors de la Guerre Civile opposant les Sudistes et les Nordistes, les Sudistes justifiaient leur attitude avec la Déclaration d'Indépendance, disant qu'ils avaient le droit légitime de se sentir oppressés par l'idée d'une économie débarassée de l'esclavage (à titre utile, je rappelle que Lincoln le Républicain à la tête des Nordistes ne voulaient que fixer des limites à l'esclavage, et non pas l'abolition au début, mais qu'il a été dépassé par la lutte de classe menée par les défavorisés Américains).

Ce qui est certain par ailleurs et qui mérite d'être souligné mille fois, c'est qu'une très forte majorité de la population pauvre n'en a absolument rien à faire et que ce qui prévaut, c'est l'apolitisme. C'est sans doute là qu'il faut faire quelque chose, et pas en rappellant aux travailleurs que Jefferson le vieil esclavagiste tueur d'indiens leur a donné théoriquement le droit de se soulever. En réalité, l'histoire l'a prouvée, les travailleurs n'ont pas ce droit et doivent le prendre. "Comme l'auraient fait les Founding Fathers" ? S'ils étaient des travailleurs ? Pfeuh...

Que les révolutionnaires russes aient chanté parfois la Marseillaise, lors d'une année qui a vu la chute du Tsar, rien de particulièrement choquant. Mais que d'autres, comme les militants du PT, le fassent sous la République de De Gaulle, comme si les bureaucrates de l'Union Européenne formaient une nouvelle autocratie ? Ce n'est pas un moyen de militer aujourd'hui. C'est s'encombrer, et même, se tromper.

Reconquérir 1776 comme le préconise Gluckstein, c'est au mieux dépoussiérer les livres d'histoire en reconnaissant toute la fougue révolutionnaire de la bourgeoisie quand elle était encore la classe qui incarnait le progrès. Les communistes n'en auraient besoin qu'hypocritement pour charmer les nationalistes... La vérité a l'importance qu'on lui donne. Pour nous, elle est inconditionnelle.
Gaby
 
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Message par Gaby » 22 Nov 2005, 06:06

Voici une petite histoire du Pledge of Allegiance dont je parle plus haut. Le serment a été rédigé pour la première fois dans un journal de la jeunesse Bostonienne appelle The Youth's Companion. Voici ce qu'on apprend aux Américains agés de 4 ans.

(11 Octobre 1892 a écrit :      I pledge allegiance to my Flag,
    and to the Republic for which it stands:
        one Nation indivisible,
    With Liberty and Justice for all.

Grossièrement :
Je prête serment à mon drapeau
et à la République qu'elle représente
une nation indivisible
défendant la liberté et la justice pour tous.

Des précisions successives ont été apportées.
(14 Juin 1923 a écrit :        I pledge allegiance to the
    Flag of the United States,
    and to the Republic for which it stands:
        one Nation indivisible,
    With Liberty and Justice for all.


Une année plus tard, un nouveau correctif.
(14 Juin 1924 a écrit :          I pledge allegiance to the Flag
    of the United States of America,
    and to the Republic for which it stands:
        one Nation indivisible,
    With Liberty and Justice for all.


Enfin Eisenhower approuva une dernière modification.
(14 Juin 1954 a écrit : I pledge allegiance to the Flag
    of the United States of America,
and to the Republic for which it stands:
    one Nation under God, indivisible,
With Liberty and Justice for all.


Le Président se justifiait, en pleine Guerre Froide, en disant qu'il s'agissait de "réaffirmer la foi religieuse Américaine et de renforcer les armes spirituelles qui seront à jamais les resources les plus puissantes de notre pays dans la paix et dans la guerre".

C'est la version définitive. C'est ce que récitent tous les jours les enfants Américains à la maternelle. Après cela, tous les gamins chantent le premier couplet de cette chanson patriotique :
(MY COUNTRY ’TIS OF THEE a écrit :
My country, ’tis of thee,
Sweet land of liberty,
Of thee I sing;
Land where my fathers died,
Land of the pilgrims’ pride,
From every mountainside,
Let freedom ring!

http://www.cyberhymnal.org/mid/m/c/mctisoft.mid
Gaby
 
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Message par william » 22 Nov 2005, 09:25

de plus en 1776, certains des treize états n'étaient même pas des démocratie bourgeoise mais des démocraties censitaires (notamment ceux du sud)
sans parler de leur attitude vis-à-vis des amérindiens...

"Mais pas la République elle-même, qui, dès son origine, garantissait que « le but de la société est le bonheur commun », que « le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles » et que « la loi doit protéger (…) contre l’oppression de ceux qui gouvernent ». "
c''est pas la "république" qui a coloniser un bon Tiers de l'Afrique
Le PT fait le même virage natio que le PCF dans les année 50...
attention, on sait comment ça a fini.
william
 
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