Les viols collectifs

Message par Cyrano » 21 Déc 2005, 19:49

Vérié:
"chez les ouvriers"...

Hélas... quand un monde se pourrit... Y compris le monde de la classe ouvrière la plus glorieuse...

En 1926 Boris Souvarine (dans un article de "La Révolution prolétarienne") parle de la presse soviétique qui se met à faire campage contre le khouliganstvo :

« Le khouliganstvo est un mot difficilement traduisible, venant de l'anglais hooligan (apache), sigifiant à peu près apachisme, voyoucratie, exploits ou exactions de vauriens. [...] Pour que de grandes campagnes aient été ordonnées il a fallu que le mal prenne de vastes proportions, surtout le khouliganstvo. [...]
Le voile fut déchiré à propos de l'affaire de la ruelle Tchoubarov, de Léninegrad : quarante ouvriers s'étaient saisis d'une jeune étudiante pour la violer à tour de rôle. Cette ignominie provoqua une indignation contraignant les autorités à découvrir le mal et à le combattre. La presse ouvrit des rubriques de lutte contre la vague d'apachisme, révéla des faits, des chiffres. Le Troud du 15 septembre écrit : "Les crimes de cette sorte ne sont pas du tout rares ces derniers temps"; et il cite des exemples: à Rostov, six voyous (garçons et filles) organisent le viol d'une jeune fille, leur camarade, sous prétexte que la "morale prolétarienne" doit considérer la virginité comme une honte; à Kharkov, neuf vauriens sont jugés pour viol; à Elchank (province de Stalinegrad), douze violent une jeune fille dans la rue; à Tsaritsino, près de Moscou, onze cheminots violent une vierge de dix-neuf ans, etc. »
Cyrano
 
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Message par shadoko » 21 Déc 2005, 21:24

a écrit :
Oui un raisonnement peut être de dire « il y a plus d’actes, mais ils ne sont pas recensés ».
C’est un raisonnement qui se tient. Il tient tellement bien qu'il n'a besoin d'aucun chiffre d'ailleurs.
Un tel argument est absolument impossible à réfuter. Et c’est bien ça le problème.
Avec un tel raisonnement on justifie n’importe quelle élucubration.

Mais ce n'est pas celui que je fais, nous sommes bien d'accord? Celui que je fais est seulement de dire: si des chiffres sont en décalage avec la réalité, et qu'on ne sait vraiment pas comment, c'est très difficile de dire grand-chose.
Maintenant, il est évident que ces chiffres ne montrent pas non plus une augmentation des viols collectifs. Ils ne montrent pas grand-chose, c'est tout.

De plus, même si on suppose que les courbes suivent en gros la réalité dans le graphique de l'article, dans les "viols collectifs", il y a aussi bien la tournante dans une cave en banlieue que la partouze qui finit mal chez des jeunes bourges du seizième. L'augmentation d'un cas peut être masquée par la diminution de l'autre.

Maintenant, sur le phénomène lui-même (en oubliant l'article cinq minutes): Les filles qui vivent dans les citées vivent de plus en plus mal, et dans un environnement de plus en plus machiste et pourri. Ça, ça paraît difficilement contestable. Alors, très franchement, qu'il y ait de plus en plus de "dérapages" comme des tournantes, des filles brulées vives, et autres horreurs, ça n'aurait rien d'étonnant. Je ne sais plus qui disait "Une société a les crimes qu'elle mérite". C'est sûrement assez vrai. Que tu ne fasses pas confiance aux médias pour relater correctement l'ampleur du phénomène, soit. Mais quand des gens commencent à écrire des livres pour raconter ce qui leur arrive sur des sujets pareils, j'ai quand-même beaucoup de mal à penser que c'est un hasard.
shadoko
 
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Message par shadoko » 22 Déc 2005, 08:41

a écrit :
Sans contester ce que tu dis - à savoir la dégradation des conditions de vie dans les banlieues - la publication d'un récit personnel sur un sujet quel qu'il soit ne nous donne, sur l'ampleur d'un phénomène, que des informations subjectives provenant de son auteur. Rien de plus.

Sans blague...
Mais je ne parlais pas "d'un livre" en particulier. Relis ma phrase. Elle comporte un pluriel. Ce n'est pas un hasard.
shadoko
 
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Message par Ottokar » 22 Déc 2005, 08:51

Toute proportion gardée, cette discussion me fait un peu penser à celle du voile. Les camarades de l'extrême gauche qui sont "pour" le voile ne sont pas en réalité pas "pour", en règle générale. Sauf quelques allumés qui théorisent sur l'islamisme radical anti-impérialiste, ils sont généralement aussi féministes que nous tous, mais pensent que la campagne actuelle stigmatise les femmes issues de l'émigration et a des relents racistes. Si effectivement un Le Pen fermait brutalement les mosquées, autorisées ou sauvages, envoyait des commandos blancs-blonds arracher les voiles des filles de banlieue, je pense que LO aurait réagi autrement. Mais en l'occurrence, ce n'est pas le cas et LO a choisi -à juste titre- de faire passer la défense des jeunes filles de banlieue au premier plan. Surtout quand la dénonciation est portée par des jeunes femmes de banlieue elles-mêmes, et c'est ce qui apparaît au premier plan de l'activité de NPNS, indépendamment de leur réformisme ou de leur récupération politique par le PS ou d'autres.

Pour le viol c'est un peu pareil. Si les livres sur les tournantes s'accompagnaient d'une campagne raciste anti-immigrée, cela se poserait peut-être autrement. Mais en ayant tellement peur de laisser prise à une telle campagne, Vérié en vient à relativiser le phénomène et du coup, à affaiblir celles et ceux qui ont eu le courage de dénoncer la dégradation de la situation des filles dans les banlieues populaires, dégradation dont les "tournantes" sont un aspect spectaculaire, bien qu'effectivement marginal sur le plan des chiffres et pas spécifique aux banlieues.
Ottokar
 
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Message par Ottokar » 22 Déc 2005, 09:37

(Vérié @ jeudi 22 décembre 2005 à 09:22 a écrit : Ottokar, ton raisonnement est curieux. En effet, tu me reproche "d'affaiblir" (sic) le combat de celles et ceux etc, alors que tu minimise le phénomène de façon nettement plus catégorique que je ne le fais !

Je ne minimise rien, ne déformons pas ! pour autant que les chiffres montrent quelque chose, c'est qu'heureusement les "tournantes" ne sont pas le lot commun des jeunes filles de banlieue, ni des banlieues chics avec d'autres mots, ni des banlieues populaires. Mais chaque viol, individuel ou collecfif est un crime et doit être dénoncé.

Et je maintiens que derrière cette discussion savante et quelque peu byzantine que nous avons eue, il y a un souci pour certains de ne pas donner prise à des campagnes racistes qui me semble déplacé en la matière. NPNS est surtout connu pour avoir animé des débats en banlieue, débats auxquels bien des militants LO (et surtout des militantEs) ont participé, permis à des filles de parler, mis ces problèmes sur le devant de la scène. C'est à leur honneur et c'est pourquoi NPNS ne peut être réduit au rôle d'officine du PS, même si le PS a un oeil dessus, même si leur apolitisme proclamé les conduit dans les bras du PS, voire des rencontres parfois avec des personnalités de droite de "bonne volonté".
Ottokar
 
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