la remise en cause systematique des droits des travailleurs acquis depuis la revolution a eu en 16ans des conséquences tres lourdes qui se traduisent aussi sur le plan sanitaire par des centaines de milliers, voire des millions de morts:
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La dure et courte vie des hommes dans une Russie qui se dépeuple
AFP
[ dimanche 25 décembre 2005 - 17h10 ]
PEREPETCHINO (AFP) - Sa tombe ne porte pas de nom et personne ne vient jamais la visiter. Mais le mort 2108 du cimetière de Perepetchino, près de Moscou, adresse un message au monde : les hommes en Russie meurent de façon brutale.
La sépulture ne dispose que d'une petite plaque sur laquelle sont inscrits un numéro, le sexe de la personne décédée, la date de l'enterrement. C'est l'une des 17.500 tombes renfermant des corps d'inconnus retrouvés sans vie au cours des cinq dernières années dans la capitale russe, souvent sous la neige.
Plus des deux tiers sont des hommes. "La plupart sont des ivrognes ou des travailleurs immigrés des ex-pays de l'URSS tués par le froid", assure Sergueï, un des responsables du cimetière qui creuse la terre gelée.
Les quelque 3.000 corps non-identifiés enterrés chaque année à Perepetchino ne sont que la partie visible d'un problème dont les conséquences risquent de s'avérer désastreuses pour la Russie, aux prises avec une grave crise démographique.
Comme le rappelait la Banque mondiale dans une étude publiée au début du mois, les hommes en Russie "meurent jeunes et de façon brutale", en raison des maladies cardio-vasculaires, de l'alcoolisme et des accidents de la route, tandis que le pays fait face à "un déclin démographique alarmant".
Peuplée de 143 millions de personnes, la Russie a perdu six millions d'habitants depuis la chute de l'Union soviétique et continue de voir sa population décroître.
Le taux de fertilité (naissances par femme) est passé de 2 à moins de 1,3 depuis le début des années 1990, et l'espérance de vie des hommes ne dépasse pas 58 ans (environ 16 ans de moins qu'en Occident), comparé à 72 ans pour les femmes.
Alexandre Nemtsov, chercheur au ministère de la santé, souligne que l'alcool est lié à près du tiers des décès en Russie. Il entraîne accidents de voiture, accidents du travail ou morts de froid. Et des empoisonnements qui font à eux seuls 40.000 morts pas an, comparé à quelques centaines aux Etats-Unis.
"La vodka est notre malédiction", estime aussi Viktor, ambulancier de l'hôpital numéro 1 de Moscou, où des hommes au visage ensanglanté entrent en titubant dans le service des urgences.
Sergueï Ivanov, dessinateur de 33 ans qui sirote une bière près d'une station de métro du centre-ville, ajoute que la situation actuelle est aussi la conséquence du "stress" causé par le passage vers le capitalisme dans les années 1990.
"A l'époque soviétique, vous étiez payés et vous saviez que demain vous auriez la même somme d'argent. Maintenant, vous devez courir partout sans savoir si vous ne serez pas virés le lendemain", analyse-t-il.
L'importante mortalité des hommes russes s'explique aussi par le peu de respect qu'ils ont pour la vie humaine et pour la leur en particulier, ce qui encourage des comportements destructeurs autant chez les pauvres que chez les plus riches, relève pour sa part Alexeï Levinson, de l'institut de sondage indépendant Levada.
Pour eux, "il est normal de ne pas prendre soin de sa santé, de ne pas s'inquiéter pour sa vie ou sa sécurité. C'est une mentalité de soldat, comme à la guerre", soutient le sociologue.
Mais chacune de ces morts prématurées rapproche la Russie du moment où elle manquera d'hommes pour protéger ses immenses frontières et de travailleurs pour payer les pensions des retraités, avertit la Banque mondiale.
Les mises en garde ne cessent de se multiplier ces dernières années, les statistiques montrant un pays qui court au désastre.
"Nous estimons que la population de la Russie pourrait diminuer du tiers d'ici 2050 pour s'établir à 100 millions d'habitants", affirme le démographe Anatoli Vichnevski.
"Pour renverser la tendance, il faudrait que le taux de natalité grimpe à au moins trois enfants par famille", ajoute-t-il. "Cela ne se fera pas rapidement".