Libération de Sartre à Rothschild

Message par Valiere » 16 Jan 2006, 11:33

« Libération de Sartre à Rothschild »
de Pierre Rimbert
Editions Raisons D’Agir
134 Pages
Novembre 2005
6 €

DE L’EPOPEE A LA CHUTE


En 1973, Jean-Paul Sartre voulait : « donner la parole au peuple »...Projet très ambitieux entrepris par quelques dizaines de journalistes en herbe, militants révolutionnaires voulant changer le monde...
L’aventure commence, elle passionne les initiateurs et leurs soutiens, mais aussi de nombreux militants et militantes qui, sans partager l’orientation défendue par le journal considèrent qu’il s’agit là d’un pari pour l’avenir...Enfin un journal qui pourra exprimer, expliquer, voire populariser la lutte des travailleurs contre cette société capitaliste.
Le livre de Pierre Rimbert nous raconte l’histoire fabuleuse de ce quotidien, différent, anti capitaliste qui peu à peu va s’adapter à la société au lieu de participer à sa transformation avant de devenir un des quotidiens de la bourgeoisie...
L’évolution était-elle inévitable ?
Pierre Viansson Ponté du Monde avait fin 73 au moment d’un éventuel dépôt de bilan juge :
« Leur appel angoissé est émouvant. Mais leurs questions sont mal posées. (...) La presse n’est certes pas que cela, mais elle est aussi inévitablement une industrie et un commerce »...
Libération et son directeur Serge July n’en était pas encore là ...
La normalisation du quotidien s’opère au tout début des années 80 avec une adaptation du contenu au lectorat et aussi à la concurrence : il faut vendre !
« La nouvelle formule de mai 1981 s’aligne sur les pratiques rédactionnelles classiques. On se dispute désormais la signature de l’éditorial qui marque le pouvoir dans la hiérarchie interne »...Il n’est plus là, le temps du salaire unique que chacun touchait qu’il soit ouvrier ou rédacteur. Les journalistes qui sont engagés sortent directement de Scienses-Po ou des écoles de journalistes.
Peu à peu Libération rompt avec le projet initial pour devenir un quotidien de référence pour la petite bourgeoisie et même pour une aile dite moderniste de la bourgeoisie...Serge July n’appartient pas encore aux clubs où se côtoient la deuxième gauche et la deuxième droite mais lui et ses amis s’y préparent.
« Libération adopte dès l’automne 1981 une ligne rédactionnelle qui mêle conformisme politique, orthodoxie économique et excentricité culturelle : un « créneau » encore en friche sur le marché de la presse parisienne »...

Il serait trop facile et faux d’affirmer que la responsabilité de cette dérive vient uniquement de son directeur : lui et ses amis se sont révélés très vite comme des libéraux libertaires... Leurs critiques d’hier du mouvement ouvrier et de son organisation rejoignent celles d’aujourd’hui... Pour eux, l’ennemi c’est le « conservatisme » et c’est ainsi qu’ils ont adopté comme d’autres une orientation libéral-libertaire....
Mais attention ,beaucoup de commentateurs fustigent ou moquent les soixante huitards devenus des cadres ou des suppôts de la bourgeoisie... Ils feignent d’oublier que de nombreux militantes et militants continuent, elles et eux à défendre une orientation radicalement anti libérale.

« La fusion de la presse dans l’argent conditionne ses contenus plus efficacement que toutes les censures directes ... »... Certes et le rachat de Libération par le banquier d’affaires Edouard de Rothschild démontre à tous ceux et toutes celles qui ont des illusions quant au redressement de Libé que la « ré appropriation démocratique de l’information » est à refaire... et elle ne passe pas par Libé !

Valière
Valiere
 
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