dans le Figaro:
a écrit :
[center]L'histoire du climat de la France reste à écrire [/center]
climatologie Dates de vendanges ou de moissons, notations météorologiques... Ces documents anciens intéressent climatologues et historiens qui veulent reconstituer l'histoire du climat de notre pays.
Yves Miserey
[24 janvier 2006]
DEPUIS LES TRAVAUX pionniers d'Emmanuel Le Roy Ladurie et contrairement à ce qui se passe partout en Europe, l'histoire du climat est en panne dans notre pays. Ophélie (1) va renverser la vapeur et relancer les recherches sur cette question en France. Ce programme de recherche a reçu en décembre dernier un financement de 170 000 euros de la part de l'Agence nationale de recherche (ANR). Une aubaine pour l'équipe de chercheurs rassemblés autour de Pascal Yiou, du LSCE (CEA-CNRS). Ils vont désormais pouvoir bénéficier de la collaboration d'Emmanuel Garnier, un historien de l'université de Caen, ainsi que d'un postdoctorant. Les chercheurs sont décidés à remonter le plus loin possible dans le temps, jusqu'au début du Petit Age glaciaire (entre 1450-1500).
«Une telle ambition ne peut être que le fruit d'une entreprise collective», note l'équipe d'Ophélie. Pour récupérer les informations qui dorment dans les archives publiques ou privées, ils lancent donc un appel à tous (voir ci-dessous). Les documents qui leur seront adressés seront étudiés de près. S'ils sont exploitables, ils seront intégrés à une base de données.
Reconstituer les températures régionales
Les instruments météorologiques de base (thermomètre et baromètre) ont été inventés au XVIIe siècle et leur utilisation n'a été que très progressive. Les documents écrits sont donc la seule source d'information pour parvenir à reconstituer les températures régionales et les grandes tendances climatiques du passé. Nos prédécesseurs étaient souvent de très fins observateurs des phénomènes naturels. «Chacun était climatologue à sa façon. On n'avait pas encore «sous-traité» toutes les prévisions à Météo France», constate Pascal Yiou. Noter les jours où l'eau d'un lac est prise par le gel et bien préciser aussi quand il est couvert de neige constituent des informations précieuses.
Les travaux d'Emmanuel Le Roy Ladurie ont montré qu'il y a des archives climatiques là où on ne les attend pas forcément. C'est ainsi qu'en enregistrant scrupuleusement chaque année les dates de vendange, les viticulteurs de Bourgogne ont permis de retrouver les conditions climatiques du printemps et de l'été, à partir de 1370 jusqu'à aujourd'hui. En effet, pour le pinot noir – le cépage majoritaire en Bourgogne – la durée entre les dates de floraison et de véraison (le moment où les grains changent de couleur) reste constante. Même si, pour les céréales, l'exercice est plus difficile, les dates de moisson peuvent néanmoins apporter des informations. A condition toutefois de travailler en étroite collaboration avec les phénologues, qui étudient l'influence du climat sur les végétaux et les animaux.
La phénologie a toutefois ses limites. On aura peu d'informations sur l'hiver, par exemple, car la température hivernale a peu d'influence sur la précocité des plantes. Dans ce cas-là, il faut partir à la recherche des événements climatiques : récits de tempêtes, de grands froids, d'avalanches, etc. Le réchauffement climatique a relancé l'intérêt pour tous ces témoignages, souligne Pascal Yiou. «La France a un climat particulièrement chaotique, car elle est bordée par la Manche, l'océan Atlantique et la Méditerranée. Il faut essayer de recenser tous les événements climatiques du passé pour savoir si ce qui se produit aujourd'hui, comme la tempête de 1999 ou la canicule de 2003, a vraiment un caractère exceptionnel ou pas.» Assurément, le temps est vraiment venu de se réapproprier l'histoire du climat de notre pays. C'est même devenu urgent.
(1) Observations PHÉnologiques pour reconstruire le cLImat de l'Europe (OPHÉLIE)