(wolf @ mercredi 18 janvier 2006 à 22:36 a écrit :Au passage, maintenant que la france demande des sanctions contre Gbagbo alors que ce dernier exige le départ des forces françaises, est-ce que l'appréciation de LO selon laquelle l'impérialisme française soutiendrait gbagbo ne mériterait pas d'être révisée?
C'est un peu plus nuancé. L'impérialisme français défend ses intérêts et ce sera, suivant les circonstances, avec ou sans Gbagbo. L'évolution récente de la situation montre une tension avec ce dernier. Voilà une motion de décembre 2004 :
a écrit :
Motion sur la situation en Côte-d'Ivoire
L'unique raison de la présence de l'armée française en Côte-d'Ivoire est de protéger les intérêts économiques, politiques et diplomatiques de l'impérialisme français dans ce pays et, au-delà, dans les anciennes colonies françaises d'Afrique.
La position du gouvernement français assurant que l'armée française intervient dans le but humanitaire de protéger la vie des Français présents dans le pays est une présentation mensongèrement simplificatrice. La présence massive de Français en Côte-d'Ivoire est liée à la mainmise de l'impérialisme français sur ce pays, par ailleurs base économico-financière de son influence dans les pays alentour. Cadres de grandes sociétés ou patrons d'entreprises moyennes ou petites, une grande partie des Français du pays représentent précisément les capitaux français. L'aspect purement humanitaire de leur situation actuelle doit être réglé par leur rapatriement immédiat.
Une autre propagande, plus mensongère encore, du gouvernement français consiste à affirmer que les troupes françaises sont là pour éviter les violences inter-ethniques. Mais si les troupes françaises se sont interposées entre les deux factions issues de la scission de l'armée ivoirienne, entre celle qui contrôle le Nord et celle qui contrôle le Sud, elles ne se sont jamais interposées lors des conflits ethniques ni n'ont empêché la chasse aux immigrés burkinabés ou maliens. Le gouvernement français n'a même pas profité de son autorité politique sur les dirigeants ivoiriens successifs pour stopper l'utilisation de la démagogie ethniste dans leur lutte pour le pouvoir.
Nous n'affirmons pas pour autant que l'armée française doit être remplacée par les troupes de l'ONU ou par celles de l'Union africaine.
La guerre des États-Unis contre l'Irak n'aurait pas changé de nature par le simple fait d'avoir obtenu la caution de l'ONU. Que l'impérialisme français agisse avec un mandat de l'ONU ne change rien au fond, pas plus que cela ne changerait de faire protéger ses intérêts par des soldats africains envoyés par des chefs d'État complaisants.
En aucune façon, nous ne soutenons ou approuvons la politique de Gbagbo, dont le régime est une dictature à peine déguisée, et qui, comme ses prédécesseurs, n'a pour objectif politique que d'être reconnu par l'impérialisme français comme le serviteur local de ses intérêts. Sa démagogie xénophobe et ethniste est totalement contraire aux intérêts des peuples qui vivent en Côte-d'Ivoire.
2 décembre 2004
et en décembre 2005, dans un texte sur la situation internationale :
a écrit :
L'année 2005 devait être celle de la stabilisation en Côte-d'Ivoire et de la résorption de la scission qui coupe le pays en deux depuis la rébellion militaire du 19 septembre 2002. Les accords de Marcoussis sous l'égide de la France et la succession d'accords (Accra1, 2, 3, Pretoria 1) sous l'égide de l'OUA (Organisation de l'unité africaine) devaient conduire au désarmement des unités rebelles au nord et des milices pro-Gbagbo au sud et à l'organisation d'élections le 30 octobre 2005, avec la participation de tous les protagonistes (Gbagbo, Bédié, Ouattara, principalement) dont la rivalité pour la succession d'Houphouët-Boigny déchire le pays depuis bien des années.
Aucun des deux camps n'a désarmé et l'élection présidentielle du 30 octobre 2005 n'aura pas lieu. La dernière en date des trouvailles de la diplomatie internationale est de proposer une période de transition d'un an, avec Gbagbo maintenu à la tête de l'État mais flanqué d'un Premier ministre avec de larges pouvoirs, notamment celui de l'organisation « neutre » de l'élection présidentielle avant le 31 octobre 2006. Mais cette nouvelle trouvaille ne suffira ni à désarmer les milices privées ni à empêcher leur multiplication.
Nous ne savons pas, à la date de ce texte, comment se traduira cette échéance du 30 octobre et après, lourde d'aggravation de la guerre civile latente. La simple prolongation de la crise actuelle se traduit déjà par un ralentissement de la vie économique, l'aggravation des conditions d'existence des classes populaires, des conflits locaux poussés sur la voie de l'ethnisme par les clans rivaux, la transformation en activités permanentes des rackets pratiqués par les bandes armées officielles et officieuses.
La présence militaire française ne freine pas la dégradation de la situation. Elle l'aggrave, au contraire. Gbagbo n'est qu'un démagogue lorsqu'il mêle à sa politique ethniste une phraséologie anti-française. Mais si cette phraséologie trouve un large écho, c'est en raison du passé colonial et de ses infamies, prolongé par la suite par le maintien de la mainmise de groupes capitalistes français sur les principaux secteurs économiques et par la présence de leurs cadres et d'une petite bourgeoisie affairiste originaire de métropole qui fait fortune sur le dos de la population. Le départ forcé de ceux-là après les événements de novembre 2004 n'a pas pu effacer ce passé, pas plus que la tendance des grands groupes capitalistes français à déplacer le centre de leurs activités ailleurs (au Togo notamment).
L'unique raison de la présence de l'armée française en Côte-d'Ivoire demeure la protection des intérêts économiques, politiques et diplomatiques de l'impérialisme français dans ce pays et, au-delà, dans les anciennes colonies françaises d'Afrique. Nous réitérons en conséquence ce que nous avons affirmé au congrès de l'année dernière: « Troupes et affairistes français, hors de Côte-d'Ivoireet, plus généralement, de tous les pays d'Afrique! ».