T'as lu ce bouquin Patlotch, à tout hasard ?
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp...=livre&no=13421
Parceque c'est tout à fait ton discours.
(Gaby @ mercredi 25 janvier 2006 à 14:37 a écrit :(Patlotch @ mercredi 25 janvier 2006 à 14:25 a écrit : Libre à toi de me coller ces noms d'oiseaux, jusqu'à me considérer comme "réactionnaire"...
J'ai retiré juste avant que tu postes, vu que tu es serein au possible et que du coup, mon énervement est ridicule.
Dont acte.a écrit :Maintenant je considère que "produire de la théorie" ce n'est pas en soit un problème, sinon je lirais pas la LDC de LO et des bouquins poussiéreux qui ne sont même plus édités, comme tous les amis présents ici. Le souci c'est la façon dont tu le fais, à la marge, qui me pose un problème et que j'ai qualifié de réactionnaire. Ce que tu appelles le mépris de la théorie, c'est le mépris des réformes de la théorie communiste qui apparaissent de façon philosophique et non de façon militante. Et bien sûr la forme inutilisable.
C'est plus clair ?
a écrit : Ceux qui se proposent d'interpréter le monde pour le transformer (en prolongeant le MARX de la 11ème des Thèses sur Feuerbach) poursuivent à raison l'objectif d'embrasser sa totalité concrète. Ils rencontrent dans cette quête deux écueils majeurs :
- élaborer un système spéculatif qui prétend tout tenir de cette totalité, dans une élaboration abstraite qui ne souffre d'aucune faille logique. C'est à l'extrême le matérialisme dialectique dans sa version stalinienne, le diamat, et l'écrasement de l'histoire dans le matérialisme historique. Cela dit, ce n'est pas une raison pour investir la perspective communiste avec le « matérialisme aléatoire » du dernier ALTHUSSER, qui n'est que la signature d'une impasse théorique et le dernier soubresaut de son agonie, qu'un pis-aller pour remplir le creux de la vague et le vider de toute subs(is)tance révolutionnaire, comme on le voit chez ses épigones.
- procéder au collage d'un ensemble de vues dans un éclectisme ou un syncrétisme, qui noyent les contradictions essentielles dans un magma où tout est dans tout, où plus rien n'est historisé ni situé dans l'espace-temps social concret, le capital. C'est à l'extrême la complexité dans la version d'Edgar MORIN. Son discours sur "la méthode"* s'achève en jus de boudin pascalo-moralisateur, ce dont témoignent ses prises de positions politiques. Son pari n'est pas le nôtre.
* Je donne ici, par la même et provocation, un lien sur ce qu'il convient de ne pas faire du jazz... "Jazz et qualité", ce qui ne m'empêche pas de partager avec l'auteur du site une admiration infinie (mais pour moi indéfinissable) pour Paul CHAMBERS. On trouve pire, puisque qu'un certain Américain a tiré du jazz une méthode de management d'entreprise...
Les "systémiques" ont toujours recours, pour la redescente de leurs considérations abstraites vers le concret (la pratique, la praxis, le réel...), à quelque ruse qui fait dériver leur tout, en quelque point, vers le syncrétisme ou le dogmatisme. Avant de combler les vides par quelque astuce de rhétorique, on ne cherche plus que les preuves de ce qu'on pense avoir déjà trouvé, et l'attention à la surprise, au nouveau, n'est plus qu'une pétition de principe, dès lors qu'on a quitté la posture de PICASSO : « Je ne cherche pas, je trouve », qui est celle d'une praxis artistique, au sein des choses, bien plus que d'une démarche scientifique, dans l'extériorité modélisante.
Dans mes tentatives immodestes de saisir les choses dans une perspective communiste, je n'ai pas échappé à ces écueils, comme un homme ivre titubant dans les couloirs de son labyrinthe, se heurtant aux murs qu'il a lui-même dressé, sans issue que son propre dé-boire.
Il y a néanmoins un principe méthodologique qui me permet de ne pas sombrer durablement dans l'un ou l'autre de ces écueils, c'est d'être obsédé par ce qui ne marche pas, les points faibles de toute élaboration spéculative, ses points aveugles, ses sauts logiques, pour autant que je sois à même de les repérer. C'est ce qui confère à mes tergiversations leur caractère "interminable", où jamais rien ne semble définitivement acquis. J'en suis désolé, mais c'est comme ça, rien ne me satisfait de ce qui se présente comme quasi clos sur le marché théorico-politique, pas plus ce que je serais tenté d'y exposer moi-même. Dieu me garde à jamais d'en posséder les moyens.
Je tiens que la recherche de cohérence absolue, pour aussi juste qu'elle puisse apparaître comme quête d'une compréhension de la totalité concrète, est une maladie de la pensée, de la pensée occidentale : c'est une manière de penser qui ne sait pas se défaire de la philosophie, par quelque manque de corps pour dialectiser en dansant avec le réel (quelque chose d'africain) et de distanciation pour aérer la cogitation (quelque chose d'asiatique, en relation avec le vide parfait). Nous sommes bien amenés dans ces conditions à reconnaître les limites (ou les imperfections ?) de la méthode dialectique, en ce qu'elle ne sait pas intégrer, non pas l'inconnu, mais l'inconnaissable, articuler les niveaux de généralités, les seuils qualitatifs et quantitatifs. Or c'est par là que se glissent les grains de sable du raisonnement qui grippent les rouages des perfections spéculatives les mieux huilées.
A cet égard, il y a bel et bien quelque chose qui fuit, comme dit DELEUZE, dans le capital comme société, dans son emprise comme subordination réelle de tous les rapports sociaux. Toute la question est de savoir quel rapport cela entretient avec le système comme mode de production, comme éventuelle puissance participant de son renversement, et ici, nous ne pouvons pas suivre ce qu'en font les émules de Toni NEGRI. C'est la question d'un ou de plusieurs écarts qui rendraient possibles en son sein une sortie du capital, même s'ils ne se définissent pas strictement comme chez Roland SIMON.
Pour autant, l'anticapitalisme pragmatique d'Isabelle STENGERS et Philippe PIGNARRE ne pourra jamais que (non)dialoguer avec un "marxisme" construit sur mesure, sur la base même de sa sclérose, à l'instar des négristes de Multitudes ou en se tournant vers les idéologues de cette sclérose, comme Daniel BENSAÏD, sur la pente militante de l'alternative post-bolchévo-trostkiste, c'est-à-dire dans le cadre d'une sortie réformiste du paradigme prolétarien de la révolution, pour reprendre l'expression de Christian CHARRIER.
La conséquence pour la recherche théorique, c'est la nécessité de renverser sa perspective, de définir ses problématiques ouvertes, ses bonnes questions plutôt que ses réponses sous formes de thèses plus ou moins dogmatiques, ou dans des fuites en avant noyant les fondamentaux (l'essence du capital) dans les eaux tièdes de l'alternative, ou brûlantes d'un communisme sans positivité visible.
Voilà entre autres, du point de vue formel, méthodologique, pourquoi il est impossible d'inscrire un débat fécond dans le cadre ouvert par l'Invite de Meeting, qui a posé plus de réponses que nécessaire pour définir des questions susceptibles d'engager un dialogue fructueux sur la communisation.
La méthode qui a consisté à poser étroitement un plus petit commun dénominateur des acquis, partiel et partial, plutôt que de cerner des problèmes pour ouvrir largement des chantiers, mettait d'emblée le ver du consensus politique dans le fruit de la communisation, et ce qui devait s'en suivre s'en suivit, qui n'y survivra pas. C'est entre autres la question d'une approche par un ou plusieurs groupes constitués-constituants.
Ma conviction, c'est qu'aucun dispositif de pensée se présentant comme tout peu ou prou achevé ne peut rendre compte de la totalité concrète et constituer la base d'une recherche libre de présupposés infalsifiables. Les "maîtres à penser" dans leurs découvertes les plus fructueuses sont aussitôt (m)académisés par les professeurs et autres amateurs de gourous, si bien qu'on n'assiste plus qu'à des luttes sclérosées entre systémisations, où les uns et les autres se renvoient la nullité de leur tout à partir de quelques erreurs, faiblesses ou dérives contre-révolutionnaires réelles ou supposées : pour autant que la révolution soit encore leur problème, mais si tel n'est pas le cas, leur parti n'est plus le nôtre.
Je tiens au contraire qu'il y a presque toujours quelque chose de bon à retenir des uns et des autres (qui s'inscrivent dans la perspective communiste voire sa critique), si bien que les erreurs des uns sont criticables par les vues plus pertinentes des autres, ce qui permet d'avancer par la confrontation. Rien ne dit qu'en enfonçant cette porte ouverte, on puisse construire quelque chose de plus satisfaisant, mais c'est une sorte de principe de précaution élémentaire pour échapper au sectarisme intellectuel, à la conviction d'avoir raison, ce qui est certes légitime, mais raison contre tous les autres en les enfermant dans des systèmes clos, ce qui est non seulement injuste mais stérile, et ne conduit qu'à couper des têtes et brûler ses propres vaisseaux théoriques et pratiques.
(Zdanko @ mercredi 25 janvier 2006 à 15:37 a écrit : Excuse-moi mais tu me sembles un peu :smoke:
a écrit :mélange de bons points et de blâmes de la part d'un "professeur" ne me donne aucune envie de lire ta "théorie"
a écrit : L'HOMME SANS AMBITIONS, Phrases sans suite
« Il faut savoir ne pas faire carrière » Bram VAN VELDE, Rencontres avec --, Charles Juliet, 1967
Il était une fois un homme sans ambitions. Ni goût du pouvoir. Ni de l'argent. Non qu'il fût sans faiblesses. Les siennes étaient ailleurs.
Il n'aimait pas ce monde, mais il aimait la vie. Au jeu du monde, il était un piètre stratège, mais pas un tricheur. Tout juste un bon comédien, qui avait retenu la leçon de son époque : «Il faut être acteur de sa vie», cet aveu du Spectacle sur lui-même. En attendant de le botter en touches, il lui montrait son culte.
C'est ainsi qu'en dehors de ce qu'il choisissait lui-même de faire, dans une relative liberté, l'homme sans ambitions tenait à la perfection les rôles qu'on lui avait assignés, les poussant à la caricature. Contrairement à nombre de ses contemporains, cette dérision cynique n'était à ses yeux qu'un pis-aller dans la défaite, et, pour sa gouverne, qu'un moyen de survie psychologique, un ersatz de suicide, car on ne sait jamais, la vie pourrait encore servir, même s'il ne voyait pas bien ni à quoi, ni comment.
Dépourvu d'ambitions, il vaquait dans un simple bonheur, du fait que sa propre vie n'avait pour lui-même aucun intérêt. Il ne savait pas depuis quand il en allait ainsi. Il n'avait jamais eu l'envie de devenir ceci ou cela, de réaliser le moindre projet de carrière. Il était généralement insatisfait de tout à commencer par ce qu'il faisait de mieux, mais très persuadé qu'il n'avait rien de mieux à faire que se laisser porter par ce qui viendrait s'il évitait l'ennui et trop d'ennuis. Son principe vital était simple : non pas réaliser ses désirs, mais refuser tout ce qui s'y opposait à leur réalisation. Son insatisfaction n'en devenait en toutes circonstances que plus satisfaisante. Toujours insatisfait, il n'était jamais déçu, ni par les autres, ni par lui. Il faut dire à cet égard que ce qu'il n'attendait pas de lui-même, il l'aurait encore moins exigé des autres, qui lui paraissaient encore moins bien placés pour le réaliser. Par là même, il n'était ni jaloux ni envieux des succès de tous ordres.
Il avait ainsi mis en oeuvre pour son propre compte une véritable utopie négative, dans une vie et un monde dont il n'attendait rien, sauf à titre très intime ou très universel. Il surfait sur la vague auto-agitée de son propre nihilisme.
Mais cette laborieuse philosophie personnelle n'avait rien d'un désintéressement : sans ambitions ne signifie pas sans intérêts. Cela n'aurait eu aucun sens, sans la promesse en contrepartie d'une satisfaction : n'avoir rien à perdre, hormis sur un plan strictement économique. N'avoir à perdre que ses chaînes suppose d'être enchaîné le moins possible, de n'avoir aucun engagement susceptible de brider sa pensée ou son itinéraire vital s'il devait se produire un événement matériellement décisif du point de vue de la collectivité. C'est cela qu'il avait conquis de haute lutte comme produit de son absence d'ambitions personnelles. Bien entendu, comme tout le monde sauf ceux qui accordent un peu trop d’importance à leur cas singulier, il n’avait pas manqué de s’engager dans certaines voies collectives, mais il avait payé cette erreur de jeunesse, cette précipitation, en s’y révélant beaucoup plus mauvais que seul, y compris pour la collectivité concernée, et aucune expérience ne l'avait convaincu que d'autres y réussissaient mieux que lui. On ne l'y prendrait plus. Pour lui, la plupart de ceux qui s'agitent en groupe le font parce qu’ils en ont besoin pour eux-mêmes et, dès lors, aliènent à l'esprit de groupe leurs propres capacités. Il n'avait vécu aucun exemple du contraire, y compris avec ceux dont il avait partagé les plus nobles convictions, les plus vaillants combats ou les plus justes théories. L’engagement collectif de groupe n’est bon que pour les faibles d’esprit ou les aspirants au pouvoir ou à la célébrité. Le groupe, contrairement à ce qui est communément admis, n'atteint pas une qualité supérieure à la somme de ses membres, mais tend à empêcher chacun d'apporter ce qu'il possède de meilleur en tant que c'est pour chacun différent. Tout groupe commence pas assècher si bien ses propres membres, qu'il est fort mal placé pour construire hors de lui une communauté d'individus libérés : groupo sado, mas prolo pas maso, comme dit le proverbe bien connu.
Dépourvu d'ambitions, il n'avait pas davantage de désirs matériels, si ce n'est de livres introuvables, à moins qu'ils n'aient jamais été écrits. (En toute relativité, il faut préciser qu'il vivait dans un confort qui, bien qu'assez moyen, l'autorisait à ne pas trop se préoccuper pour lui et ses proches d'immédiateté matérielle).
Adolescent, son père lui reprochait déjà d'être sans ambitions. C'est vrai que dans son initiation à la vie, chaque fois qu'il aurait pu réussir dans une voie, il s'était empressé de la quitter ou de simuler son échec, avec un tel talent destructeur que ses proches y voyaient la peur d'assumer ses responsabilités d'adulte, ou le moindre engagement. Lui, tout simplement, suivait son absence d'ambitions comme la boussole la plus sûre vers la liberté de pensée et d'action. Il n'avait au fond aucune chaîne psychologique à perdre hormis celles qui nous attachent tous à un matérialisme qui ne doit rien à la philosophie.
Tournant le dos à toute éventuelle réussite, il sentait qu'il avait mieux à faire, sans savoir quoi ni s'en préoccuper, mais s'était accoutumé à en trouver la preuve tangible dans le fait que, jusque-là, il préférait ce qu'il avait fait à ce qu'il aurait pu faire de mieux aux yeux des autres. Tout ce qu'en ce monde d'autres nommaient "réussite", il l'aurait considéré pour lui-même comme le dernier des abandons, la dernière des lâchetés. Pour lui, en ce monde, réussir, c'était trahir. Quoi qu'il en soit, il se sentait destiné à bien mieux, c'est-à-dire à bien moins. Il revendiquait paradoxalement une élévation dans la banalité, sans voir qu'il lui tournait ainsi le dos.
La pratique de l'homme sans ambitions relevait par conséquent d'un art de la fuite, d'une forme de marronnage existentiel. Pour autant cette fuite ne se traduisait pas comme chez d’autres par des envies de voyages. Il n’aimait pas les voyages et n’aurait pu s’en offrir que du genre tourisme, sous une forme ou une autre. Il n’existe d’ailleurs rien d’autre que le tourisme, le terrorisme, le banditisme, les affaires ou la guerre, pour justifier de se déplacer loin de son territoire d'attache, que le monde entier visite, si ce n'est pas une île déserte. Lui n'avait voyagé que pour l’amour d'une femme ou d'une autre, quand il s'était avéré qu'elles ne viendraient pas à lui. Constatant le regard sur le monde que portaient les voyageurs, il se disait qu’il était inutile de se déplacer pour apprendre si peu de la vie, sur les autres et sur soi. La plupart ne voient ici ou là que ce qu’ils veulent y voir. Il n'avait pas eu à bouger pour en faire le tour.
(...)
(Patlotch @ mercredi 25 janvier 2006 à 15:27 a écrit : Ce regain de marxisme universitaire est sans doute un signe des temps, mais malgré les centaines d'intervenants, il ne produit pas grand chose en termes révolutionnaires.
Euh... sans vouloir être méchant, tu n'as pas l'impression de chercher la paille dans l'oeil du voisin là? :ph34r:
(Bernard @ mercredi 25 janvier 2006 à 19:23 a écrit :Perso il y a un truc que j'ai du mal à comprendre, lu sur le site "meeting" : comment envisager une rupture dite "directe" avec le capital, destruction immédiate de l'Etat par exemple, alors que les interventions des "communisateurs" précisent que la communisation n'est pas le communisme mais se contente d'en ouvrir le "champ". Si j'ai bien compris, bien sûr.
La démarche théorique est peut-être intéressante, mais dans les faits, où se trouve la différence entre "ouvrir le champ" du communisme et la transition que constitue la dictature du prolétariat.
Voilà.
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