(combat ouvrier cette semaine a écrit :“Les dissidents”
Mercredi 18 janvier RFO projetait le film documentaire, les «Dissidents» de la cinéaste antillaise Euzhan Palcy. Un très bon film qui retrace le parcours de ceux qui sont «partis en disssidence» comme on le disait, durant la deuxième guerre mondiale. Ces hommes et ces femmes rejoignaient clandestinement l’île de la Dominique ou Sainte Lucie, colonies britanniques et donc non soumises aux nazis qui n’occupaient pas la puissance coloniale de tutelle, la Grande Bretagne. Les dissidents partaient pour s’engager dans les troupes dites de «la France libre» à l’appel de De Gaulle et combattre les troupes hitlériennes. La Martinique et la Guadeloupe elles, colonies françaises, étaient donc soumises au régime de Vichy dirigé par Pétain. Ses représentants officiels, étaient en Martinique l’amiral Robert et en Guadeloupe le gouverneur Sorin. Les «dissidents» racontent comment ils ont préparé leur départ puis parlent de leur parcours ultérieur sur les champs de batailles d’Afrique du nord, d’Italie, de France.
Le régime de l’époque aux Antilles était marqué par les privations de toutes sortes. Les marchandises venant de la «métropole», dans cette période de la deuxième guerre de 1939 à 1944 étaient très rares. Tout était rationné. C’est l’époque où la population a dû produire des marchandises et des aliments en utilisant des matières premières du pays. Des Guadeloupéens et des Martiniquais qui ont vécu cette période ont gardé en mémoire l’organisation de la production locale. Mais le régime de l’amiral Robert et de Sorin a été marqué par une répression féroce et par une grande misère au sein de la population. Les opposants risquaient la prison ou le bagne. Le bateau militaire la «Jeanne d’Arc» détenait également des prisonniers. Le film montre bien comment de nombreux jeunes alors se sont organisés clandestinement pour partir sur de frêles embarcations au péril de leur vie. Et il y eut de nombreuses femmes aussi qui partirent dans les services de santé ou dans les transmissions. Les témoins racontent qu’ils ont été pourchassés par les militaires. Certains ont perdu leur vie. Le film est riche en témoignages. Il y eut ce témoignage de la ségrégation dans les camps d’entraînement aux USA où à leurs noms était accolée la lettre « C» pour « coloured people» (homme de couleur). Et cet autre épisode de l’arrivée des troupes noires dans un village d’Alsace après la fuite des troupes allemandes en 1945. Aucun habitant n’était visible à l’arrivée des troupes. Tous s’étaient cachés car les Allemands leur avaient dit que des Noirs cannibales arrivaient et allaient les manger. Et l’ancien combattant martiniquais raconta que ce ne fut qu’après qu’il eut donné un morceau de chocolat à une fillette que les habitants furent rassurés. Mais pour tous ces hommes la «récompense» fut amère. Ces dissidents, malgré leur courage et leur sacrifice pour aller «défendre la mère patrie» ont été oubliés par les gouvernements. Ce fut le lot de bien des anciens combattants et résistants des «colonies». Aujourd’hui encore ceux que l’on appelle les «anciens combattants» avec quelques décorations militaires déplorent ce mépris de l’Etat français. Ceux qui témoignent dans le film expriment ce sentiment de déception comme cet ancien «dissident» qui a perdu sa jambe en sautant sur une mine et qui déplore n’avoir jamais vu dans aucun des lieux de mémoire le nom et le parcours de ce bataillon des Antillais dissidents. Et c’est les larmes aux yeux envahis par l’émotion que ces hommes aujourd’hui âgés relataient ces faits face à la caméra.
L’impérialisme français a largement utilisé les combattants des colonies dans ses guerres mais a eu fort peu de reconnaissance envers eux. Ce fut le cas des harkis de la guerre d’Algérie, mais aussi des «tirailleurs sénégalais», des combattants des colonies d’Indochine et d’ailleurs. Certes, les «dissidents» n’étaient pas obligés de partir comme l’étaient les «mobilisés». Ils s’engagèrent par idéal, pensant que combattre Hitler c’était combattre pour «la patrie et la liberté». Mais comme le disait Anatole France: «on croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels». Et ce sont ces industriels, ces banquiers qui provoquèrent les deux guerres mondiales du 20 ème siècle, deux énormes boucheries pour se partager les colonies et les zones d’influence.