Bruit et troubles du langage

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 05 Fév 2006, 09:04

dans le journal du CNRS de février:

a écrit :

[center]Le bruit, fauteur de troubles… du langage[/center]


"Il fait peau !" Pierre, dix ans, ne parle pas de son épiderme, mais du temps ensoleillé de la journée. Il bafouille, comme 5 % des enfants de son âge, qui confondent encore de nombreux phonèmes (ici b et p). Face à l'ampleur de ces difficultés d'apprentissage du langage, un CHU de Marseille et deux laboratoires de psychologie cognitive ont réuni leurs savoir-faire. À la clef, un nouvel éclairage sur les retards de langage chez l'enfant, appelés dysphasies : ces troubles sont, en fait, dus à une mauvaise perception des sons. Et les situations bruyantes accentueraient ce dysfonctionnement cérébral.

Cette observation paraît pleine de bon sens. Mais c'est la première fois que le rôle joué par l'ambiance sonore dans la compréhension des mots – et donc dans l'acquisition du langage – est mis en avant. Jusqu'ici, les études abordaient ce problème dans le silence, et ne constataient aucun déficit de perception chez les dysphasiques. Erreur, selon Johannes Ziegler, du Laboratoire de psycholo­gie cognitive (LPC) 1, « car supprimer toute réverbération ou interférence est très artificiel ». Alors, les chercheurs ont mesuré l'intelligibilité de sonorités (aba, ana…) dans un bruit de fond proche du spectre et du débit de voix réelles. Bilan : 9 jeunes dysphasiques sur 10 perçoivent en moyenne 20 % moins bien dans le bruit que le groupe témoin, alors que leur audiogramme est normal.

Ce résultat, détaillé dans la revue Pnas 2, met un terme aux présupposés : ces enfants ne souffrent d'aucune malformation du système auditif, leur oreille interne est aussi rapide que celle des sujets sains, « même s'ils présentent le signe classique d'une perte auditive dans les milieux bruyants », insiste Christian Lorenzi du Laboratoire de psychologie expérimentale (LPE) 3, coauteur de l'étude. En cause dans ce dysfonctionnement, une difficulté spécifique à résister à l'appauvrissement de l'information de la parole induit par le bruit, « et peut-être, une incapacité à résister à toute forme de distorsion des voix ».

Si ces altérations ne sont généralement pas gênantes, elles ont, en revanche, d'importantes répercussions chez les dysphasiques : elles compliquent la lecture et l'écriture. Ces sujets deviennent systématiquement dyslexiques durant leurs premières années d'école. Car, en réalité, si l'on naît dysphasique, ce trouble ne se manifeste très souvent qu'au début de la scolarité. C'est là que l'on se confronte au langage et – on le comprend mieux maintenant –, comme l'explique Johannes Ziegler, « à l'école, le bruit est de 60 à 90 décibels. Ce qui équivaut à passer la journée à côté d'une autoroute ! ». Une vraie cacophonie.


Aude Olivier

1. CNRS / Université Aix-Marseille-I.
2. 27 septembre 2005, vol. 102, n° 39, pp. 14110-14115.
3. CNRS / Université Paris-V.

canardos
 
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