(Matrok @ mercredi 15 février 2006 à 21:51 a écrit :D'accord sur le fond avec artza : le fond de ce texte c'est un rappel de choses connues sur la théocratie Tibétaine d'avant 1951 et des méthodes parfois barbares qui existaient dans cette société féodale.
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Par contre Milan, plutôt que de continuer ton "feuilleton" (ie la réponse à ma deuxième question qui en effet n'était pas la plus difficile), tu pourrais répondre à ma première question, que je reprécise si tu veux : Si tu admets (comme le dalaï-lama le prétend) qu'on peut être 50% boudhiste et 50% marxiste, pourquoi et comment le boudhisme échapperait-il à la critique marxiste de la religion ?
Le texte de Parenti n'est pas seulement un "rappel" de ce que fut la société tibétaine avant 1951, c'est aussi une défense de la "mission civilisatrice" de la colonisation chinoise. Il s'agit d'une question importante, mais négligée, pour les marxistes. Mais je pense qu'il faudrait ouvrir un fil spécial Tibet pour continuer la discussion à ce sujet.
Puisque tu me presses (à presque 22 heures !) de te répondre sur la question du bouddhisme, eh bien je vais me lancer.
Je reprends ta question de départ :
"Milan, puisque tu as l'air si convaincu que le boudhisme est compatible avec le marxisme, comment t'arranges-tu avec ça :
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Nier la religion, ce bonheur illusoire du peuple, c'est exiger son bonheur réel. Exiger qu'il abandonne toute illusion sur son état, c'est exiger qu'il renonce à un état qui a besoin d'illusions. La critique de la religion contient en germe la critique de la vallée de larmes dont la religion est l'auréole."
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Le bouddhisme est-il compatible avec le marxisme ? Je n'ai pas de réponse définitive à cette question. Il faudrait cerner ce qu'est et ce que n'est pas le bouddhisme, ce qu'est et ce que n'est pas le marxisme. Et ce n'est pas simple.
Voici néanmoins quelques éléments de réflexion.
= le "bouddhisme" (pour employer ce terme à défaut d'un autre) a quelques particularités dans sa philosophie et ses pratiques. Mais il a beaucoup en commun aussi avec, par exemple, certaines approches des philosophes grecs de l'Antiquité. En allant plus loin, on pourrait dire qu'il a davantage à voir avec la psychanalyse qu'avec les religions (au sens où l'entend ce terme habituellement). Ceci pour rendre la chose moins exotique.
= la transformation intérieure de l'individu (que vise le bouddhisme) est non seulement compatible avec la transformation de la société, mais l'une doit aller avec l'autre, sinon on va aller toujours vers de grands échecs. Un des grands problèmes que nous a légués le XXe siècle est la question de la bureaucratisation (bureaucratisation des organisations ouvrières, phénomènes de déformation/dégénérescence après une révolution). Il me semble que la réflexion marxiste à ce sujet reste assez courte, et je prétends que la pensée bouddhique peut être d'un apport important dans ce domaine.
= la voie bouddhique ne consiste pas à fuir une "vallée de larmes" pour se réfugier dans un bel arc-en-ciel. Tout au contraire, elle consiste avant tout à abandonner les illusions et à voir les choses comme elles sont vraiment, y compris dans leur dureté. Elle amène à prendre conscience de l'état d'insatisfaction permanente, voire de souffrance, dans lequel nous vivons. Elle aide à analyser comment sont construits les pièges dans lesquels nous nous enfermons afin de nous en libérer. En ce sens, le bouddhisme pourrait reprendre à son compte la citation de Marx que tu donnes. Un proverbe zen dit d'ailleurs : "si tu rencontres le Bouddha, tue le !", ce qu'on pourrait traduire par : "ne remplace pas une illusion par une autre".
Je parle là de ce que le Bouddha a enseigné. Mais il est vrai que pour des millions de pratiquants en Asie, le bouddhisme est autre chose que ce que le Bouddha a enseigné : c'est, comme le dit Marx, l'auréole qui surmonte la vallée des larmes, la voie pour accumuler des mérites par des bonnes actions et des offrandes dans l'espoir de préparer une renaissance favorable, ou même de renaître dans un paradis.